Les séances en festival peuvent être de sacrées expériences ! The First Slam Dunk et Blue Giant auront certainement été les deux projections les plus électrisantes à Annecy cette année grâce à un public en feu. Mais les films en eux-mêmes, que valent-ils ?
The First Slam Dunk, exaltation du match
Le dispositif de The First Slam Dunk est pour le moins simple : le film se structure autour d’un seul et unique match de basketball. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le public a réagi comme devant un vrai match. Les applaudissements étaient lâchés devant les actions les plus incroyables et les rires fusaient devant les fanfaronnades des personnages. Cependant, peut-on considérer ces réactions comme un gage de qualité ? Le public de festival est mis dans certaines dispositions qui favorisent ce genre de réactions exagérées. Quand, en plus, cela concerne une franchise appréciée, on peut même dire qu’il est acquis d’avance à sa cause. Pourtant, on n’a pas envie de dire que c’est le cas pour The First Slam Dunk. Si le cadre du festival peut jouer, c’est bien parce qu’il possède de très grandes qualités cinématographiques que le film a autant fait bouillonner le public.
The First Slam Dunk, une réalisation extraordinaire
On pouvait presque être sceptique sur le passage à la réalisation du mangaka Takehiko Inoue. On a déjà vu des dessinateurs rater leurs transitions entre les deux médias, conservant sur une méthodologie qui ne convient absolument pas au septième art. Or The First Slam Dunk va d’office saisir le spectateur par une réalisation tout bonnement extraordinaire. Le découpage est d’une méticulosité formidable, nous immergeant au cœur du terrain sans jamais nous perdre dans l’action. Le positionnement des personnages restent constamment limpides et si surprise il doit y avoir, elle est amenée avec une fluidité qui ne la rend jamais invraisemblable. Par-là, le film peut saisir tout ce qu’implique l’exercice sportif. Il en retranscrit l’effort physique évidemment mais il met en relief aussi son aspect tactique, la gestion des imprévus et même la guerre des nerfs avec ses provocations entre joueurs.
Une expérience immersive
L’expérience immersive est si puissante qu’une question se doit alors d’être posé : est-ce qu’il était utile d’entrecouper le match avec des flashbacks ? La plongée sur le terrain ne dessine-t-elle pas suffisamment bien ses protagonistes pour ne pas recourir à un tel artifice ? Le fait est qu’on apprécie justement plus la caractérisation des personnages du fait de la présence des flashbacks. Ces derniers concernent d’ailleurs surtout le capitaine de l’équipe. En soit, son histoire demeure classique avec la mort d’un frère et le besoin de marcher sur ses pas pour combler le vide de sa disparition. Mais cela injecte au match une dimension dramatique qui au lieu d’alourdir le spectacle le parachève. Le match n’est plus juste un match pour lui et cela déteint sur les autres membres de l’équipe, donnant encore plus de saveur à leurs comportements. Il en ira de même pour l’équipe adverse. Le film n’hésite pas à en faire des murs oppressifs au cours du jeu, renforcé par l’opposition des publics (hétéroclite chez nos héros et homogène chez l’adversaire). Mais la fin souligne qu’ils ne sont en rien différents de nos héros et qu’ils portent leur propre histoire. Bref, un gros morceau de cinéma et la plus belle claque du festival !
Blue Giant, une adaptation complexe
En préambule à la projection de Blue Giant, le réalisateur Yuzuru Tachikawa invita le public à applaudir sans crainte à la fin des passages musicaux. Les spectateurs n’ont pas hésité à s’exécuter à chaque fois. Toutefois, contrairement à The First Slam Dunk, on peut s’interroger si de telles réactions aurait eu lieu sans l’intervention de Tachikawa. Car malheureusement, le film ne résout pas vraiment les nombreuses problématiques liées à cette adaptation du manga de Shinichi Ishizuka. Le premier obstacle est coutumier : condenser une dizaine de tomes du manga en un film de deux heures. Le scénario opte pour un choix assez radical consistant à évacuer pratiquement tout le début du manga. L’apprentissage du saxophone par Dai et ses débuts dans le monde de la musique seront à peine évoqués par touche. Le film commence avec son arrivée à Tokyo et se concentre sur la formation du groupe. En soi, ce sacrifice n’est pas forcément reprochable. Il fallait bien faire des choix et se concentrer sur les rapports entre les membres du groupe paraît comme une bonne idée.
Blue Giant, une adaptation fidèle
Le souci est que le film affiche aussi une très grande fidélité au manga dans son déroulement. Or, beaucoup de choses fonctionnaient et émouvaient parce qu’on avait pris le temps de voir Dai s’entraîner, commettre des erreurs et avancer grâce aux autres. On appréhendait plus longuement les enjeux liés à l’ascension dans l’univers de la musique et la signification de cet art. Dai reste ce génie naïf qui inspire les autres parce que les autres l’inspirent mais faute de fondation solide dans sa caractérisation, les différentes sous-intrigues peinent à convaincre. A force d’être écourtées, certaines idées du manga paraissent presque déplacées. Il en va de même pour la reprise du principe des interviews qui clôturaient les mangas. L’astuce qui aurait pu être parfaite pour boucher les trous se révèle un maigre palliatif.
Traduire la musique en termes visuels
Et bien sûr, il reste la partie graphique. Le manga réussissait l’exploit d’être une œuvre consacrée à la musique alors qu’elle est prisonnière du silence. Son approche visuelle parvenait à retranscrire tout l’impact de la musique sur son audience et laissait toute latitude au lecteur d’imaginer à quoi ressemble le son unique de Dai. Malheureusement, le film lui doit posséder une bande-son. Inévitablement le résultat est moins étonnant et donc puissant. Cette concrétisation du son va en quelque sorte contaminer la représentation même des concerts. Les séquences oscillent entre de pures glissades vers le psychédélique et des segments plus classiques mettant l’accent sur l’endurance physique des personnages. Mais le film ne semble pas trouver de point d’équilibre et peine à enflammer l’imagination comme le manga. Ses modèles 3D pas très convaincants (surtout comparés à ceux de The First Slam Dunk) n’aident pas non plus.
Mais on n’aura beau noircir le tableau, Blue Giant reste une œuvre appréciable sur laquelle l’amateur du manga trouvera son compte pour peu de faire le tri !