Comme chaque année, le festival d’Annecy se devait d’accueillir les représentants de l’animation japonaise. Matthieu a été davantage séduit par la séance évènement La Concierge du grand magasin que par The Tunnel to Summer, the Exit of Goodbyes qui figurait dans la compétition principale…
La Concierge du grand magasin, réalisé par Yoshimi Itazu
La Concierge du grand magasin ne paye pas de mine avec sa durée atteignant tout juste soixante-dix minutes et une structure sous forme de saynètes. L’auteur de ses lignes était d’ailleurs plus partant pour aller voir le très attendu Ninja Turtles : Teenage Years et s’est rabattu sur le film de Yoshimi Itazu faute de place. Et pourtant, cette adaptation du manga de Tsuchika Nishimura est un authentique délice et l’un des plus beaux films du festival. Il n’y a pas de véritable enjeu ici. Nous assistons simplement au tendre portrait d’une jeune femme commençant son travail de concierge dans un centre commercial pour animaux. On plonge avec elle dans ce petit monde ordonné possédant des codes bien précis. L’univers évoque ainsi Wes Anderson mais sans son maniérisme à double tranchant. Quand la patte du réalisateur de The Grand Budapest Hotel nous fait osciller entre enchantement et lassitude, La Concierge du grand magasin déploie au contraire un style reposant, construit d’un subtil équilibre.
Si le film prend place dans un temple du consumérisme, il l’approche avec délicatesse pour mettre en avant des émotions reposant sur le partage et les liens se tissant au gré des transactions. L’identité visuelle du film se nourrit de formes anguleuses, fines et précises, mais le long-métrage les approche néanmoins avec une énergie aussi inventive qu’inépuisable. Bien sûr, c’est raccord avec le point de vue de son héroïne : son altruisme n’a d’égal que sa maladresse et sa bonne volonté lui fait souvent friser la catastrophe. Cette caractérisation merveilleusement soutenue par le visuel fait de La Concierge du grand magasin un vrai petit moment de bonheur.
The Tunnel to Summer, the Exit of Goodbyes, réalisé par Tomohisa Taguchi
On craignait un peu le doublon entre The Tunnel to Summer, the Exit of Goodbyes de Tomohisa Taguchi et Le Château solitaire dans le miroir de Keiichi Hara. On retrouve des adolescents face à un élément fantastique permettant la réalisation d’un vœu mais celui-ci a évidemment un coût. Finalement, nous sommes ici plus face à du sous-Makoto Shinkai. On accueille donc les phases de contemplation, les montages avec de la j-pop, ses relations d’amitié virant à la romance… Nous avons pour ainsi dire un film sur les rails. Toutefois, on ne peut pas dire que c’est déplaisant. Avec une durée de quatre-vingts minutes au compteur, le film évite de prendre des détours inutiles. On peut se laisser porter par la légèreté de la relation entre ses deux personnages avec leurs traumatismes et leurs doutes. Malheureusement, cela ne l’empêche pas d’être rattrapé par son manque de perspicacité. On le ressent notamment dans un final qui évacue facilement toutes les questions gênantes liés à son concept temporel. Pour ne rien arranger, le film subit tout le poids d’une réalisation impersonnelle et d’une animation sans âme qui le fait ressembler à un millier d’autres œuvres. Cela achève d’en faire une œuvre dispensable.