La compétition officielle du Festival d’Annecy ne serait rien sans ses propositions de cinéma atypique qu’on risque de ne voir nulle part ailleurs. Cette édition nous offre deux films peut-être pas parfaits mais suffisamment singuliers pour s’y intéresser.
Mariusz Wilczynski apparaît malin d’avoir titré son premier long-métrage Kill It And Leave This Town. C’est comme s’il anticipait les inévitables questions que son film allait soulever. « Mais de quoi parle votre film ? » lui diront certains. Et bien tout est dans le titre. Sonnant comme un ordre simpliste, celui-ci s’avère la solution de l’énigme du long-métrage. Mais comme souvent dans ce genre de situation, cela équivaut à avoir une clé sans serrure. On est évidemment perdu au début dans cet univers où sont contés les tranches de vie de personnages solitaires et mélancoliques. Baignant dans des graphismes semblant exécutés par un gamin psychopathe, on se demande où tout ceci va nous amener. Par l’accumulation de détail et de connexion, la nature de ce monde devient un peu plus précise. Le film tient lieu d’espace où se mêlent souvenirs et imaginaire, laissant le personnage principal (projection évidente de son réalisateur) errer face à ses émotions. Le long-métrage tient alors lieu d’objet thérapeutique pour soigner ses blessures relatives au deuil et à l’abandon. Comme tend à le démontrer le plan final, le réalisateur n’en ai pas à sa première exploration et semble avoir conscience que chaque nouvelle tentative risque d’être vaine. Par-là, il invite le spectateur dans son geste artistique. Bien qu’abscons puisque foncièrement personnel, l’œuvre appelle à être revisiter. Car qu’importe qu’il soit si replié sur ses problèmes personnels, Kill It And Leave This Town est une expérience captivante trop rare pour être loupée. Le jury le signifiera d’ailleurs en lui octroyant une mention spéciale.
Lauréat du prix du jury de son côté, The Nose Or The Conspiracy Of Mavericks est adepte de l’assemblage. Si vous attendez à une simple adaptation de la nouvelle de Nicolas Gogol, passez votre chemin. Dès ses premières minutes, le film nous fait comprendre que l’affaire sera autrement plus complexe. Filmé en live, on se retrouve à bord d’un avion où chaque passager regarde un film différent sur son écran. A l’image, on se retrouve avec une multitude de vignette représentant quantité d’histoires et de façons de faire de l’art. Chacun semble le consommer à sa manière sous la gouverne de ses propres impulsions. L’impulsion est ce qui gouverne le long-métrage. Car si nous consommons l’art ainsi, il en va de même pour sa fabrication. Le réalisateur Andrey Khrzhanovsky aborde cette avant-garde russe selon ce principe. Une histoire appelle une histoire qui en appelle une autre pour se transformer une nouvelle forme d’histoire. Le réalisateur traite logiquement cela en variant les styles, allant jusqu’à inclure des images de la fabrication même de son film. Celui-ci colle et recolle tout ensemble avec un appétit d’ogre. Mais l’impulsion est source de création comme de destruction. C’est ce qui amène le cas de Staline dont la position de leader amène ses avis à l’emporte-pièce à devenir des vérités suprêmes. En résulte une uniformisation qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. On peut toutefois reprocher à Khrzhanovsky d’être trop confiant sur les capacités intellectuelles de son spectateur. En fonctionnant sur un jeu permanent de références, il suppose que le spectateur à conscience de toutes leurs origines (un défaut qui évoque les dernières réalisations d’Adam McKay). Or c’est loin d’être forcément le cas et au final, le spectateur risque de ne plus devoir se contenter de l’étourdissante absurdité de l’étalage. Une demi-réussite en somme.