Avec My Favorite War, la sélection Contrechamp offre probablement le meilleur film disponible en ligne pour cette édition particulière. La réalisatrice Ilze Burkovska Jacobsen signe une autobiographie sur sa jeunesse en Lettonie lors des « grandes » heures de l’URSS. S’il fallait mettre un bémol au projet, ce serait peut-être qu’elle a opté pour une forme de témoignage. Le film est ainsi guidé par sa voix-off, mélangeant la reconstitution en animation et des images live contemporaines. On peut comprendre l’intérêt du dispositif pour la cinéaste. Cela lui permet de s’exprimer le plus directement au spectateur sur son expérience et lâcher tout ce qu’elle a sur le cœur. On peut y voir également un besoin de ne pas parler uniquement d’elle mais de tout son pays comme l’affirme certaines images d’archive de la dernière partie. Si elle nous prémunit d’un ton professoral, l’approche conduit malheureusement à minimiser la portée cinématographique. On est donc loin d’un Valse Avec Bachir où l’animation nourrissait le contenu des interviews. Ici le procédé tend plus à souligner l’évidence que l’animation pouvait soulever d’elle-même. On citera par exemple cette découverte terrifiante du squelette dans le bac à sable, symbole fort de la situation du pays perçue par des yeux d’enfant. Mais la voix-off gâche l’effet en soulignant que oui ce squelette incarne une vérité que la société veut cacher. On le regrette surtout qu’hors de ses moments, My Favorite War est un film très touchant et passionnant dans tout ce que la cinéaste veut évoquer. Dans ses passages d’animation, elle montre un savoir pour structurer avec brio sa propre histoire : le rôle de l’océan dans sa perception du monde, le début de sa construction dans la pureté de la campagne, ses raisons personnelles pour rejoindre la cause communiste, les effets de la propagande sur un jeune esprit… Il se déploie une certaine beauté qui fait accepter pleinement sa mutation en manifeste pour la compréhension et l’amour entre chaque être humain. Sa récompense est donc on ne peut plus méritée.
A l’extrême opposé, The Knight And The Princess constitue le pire film de la sélection. On reproche souvent à Disney son pillage et formatage de la culture mondiale mais cela ne justifie pas forcément que ce premier long-métrage d’animation égyptien pioche allègrement dans le second âge d’or du studio à la souris. On a franchement l’impression de se retrouver devant une de ces productions des années 90 où tout le monde essayait d’être Disney à la place de Disney. Toutefois même avec cette base d’inspiration solide, le film de Bashir El Deek réussit l’exploit de se noyer dans un verre d’eau. Il n’y a pourtant ici qu’une trame très simple avec un héros vaillant qui fera triompher l’amour, la justice et la liberté sur un vilain pas beau. Mais la narration se perd dans une quantité de personnages plus plats les uns que les autres. Le spectacle tente tant bien que mal de se tenir entre voix-off léthargique et chansons tout bonnement abominables. Au milieu de gags d’un gout douteux, il ne reste plus qu’une technique hautement perfectible malgré son désir de traditionalisme. Bref, un ratage sur toute la ligne qui constitue l’une des plus abominables projections au festival de ces dernières années.
Entre ces deux pôles, on trouve la grosse déception de Lava. Dans la présentation de cette édition, nous avions évoqué notre intérêt pour le long-métrage d’Ayar Blasco au regard de son style graphique et d’une ambiance s’annonçant dingue. Ce fut la douche froide à ce niveau. On s’estime au moins heureux que le réalisateur n’essaie pas de tourner autour du pot et se contente d’un film d’une heure hors générique. Mais même avec une durée si réduite, la lassitude l’emporte. Blasco ne semble en effet pas particulièrement prêt à s’emparer de la folie de son pitch (au bout du compte pas plus étonnant que le premier roman de Stephen King venu). Le pire ne serait pas tant qu’il n’en fait pas grand-chose mais que le peu de moment où il essaie d’agir, c’est de la pire des manières. Il faut donc beaucoup d’indulgence pour excuser des vannes foireuses autour de la qualité de l’animation ou un rabaissement régulier des personnages dans la seule recherche de moquerie. L’irrévérence est donc bien loin malgré l’intérêt du discours. On peut se dire que Blasco s’est trop laissé embarquer dans l’importance de ce propos pour jouer les excentriques. Il y a une certaine pertinence dans ce qu’il veut évoquer sur nos rapports aux médias. Il pointe du doigt la certaine indifférence et l’automatisme avec lesquelles nous l’abordons. Il considère une relation où nous définissons le contenu par le contenant, nous amenant à accepter une soumission que nous prenons pour une rébellion. Ce sont autant de chose qui aurait pu donner de la vraie subversion au lieu d’une simple blague.
C’est un problème que Old Man : The Movie évite allègrement. Au contraire, les réalisateurs Oskar Lehemaa et Mikk Mägi mettent un point d’honneur à aller au fond de la bêtise de leur trip campagnard. Sur le papier, le pitch a tout du film consensuel où les petits jeunes venus de la ville vont apprendre les joies du travail à la ferme et le grand-père un peu rustre va comprendre qu’il ne doit pas maltraiter ses animaux. Mais oublions la morale et les bons sentiments car le film prend un malin plaisir à traiter tout cela avec un sens de la débilité poussé à l’extrême. Le film en accuse d’ailleurs le coup puisque son intrigue un peu dispersée provoque quelques baisses de régime. Mais le caractère hautement régressif du spectacle n’en est pas moins réjouissant. On appréciera ainsi d’emblée l’animation en stop motion qui choisit de s’écarter de la subtilité, laissant les personnages figés dans leurs expressions de gros idiots. Les réalisateurs préfèrent concentrer toute leur énergie sur des situations plus rocambolesques les unes que les autres. Car ils ont bien compris que montrer des personnages crétins s’enfoncer dans le mauvais gout n’est rien si on ne le fait pas avec une bonne dose d’invention. Et sacré nom, le film n’en manque pas du double sens graveleux autour de la traite des vaches à une inattendue fusion de l’homme et de l’animal en passant par une évasion au travers du trou de balle d’un ours. On a droit à du trash dans toute sa splendeur, libre de taper dans toutes les pires dégueulasseries imaginables pour d’étonner et de susciter de l’euphorie. Là-dessus, Old Man : The Movie est une réussite !