Déçu par la présentation de La Reine des Neiges 2 au Festival d’Annecy, Matthieu a préféré se concentrer sur une autre production Disney qui aura quant à elle sa place sur le catalogue SVoD de la société. Il s’agit d’une anthologie de court-métrages animés – composée d’une vingtaine de segments au total – et cela s’avère très prometteur.
Une mauvaise surprise peut parfois en révéler une bonne. Il faut reconnaître que la présentation de La Reine des Neiges 2 fut une sévère déception. Passé la diffusion de la dernière bande-annonce mise en ligne au cours de la semaine, l’exposé se limita à nous raconter le premier acte de cette suite attendue. Au delà de quelques indications laissant très sceptiques quant à la tournure de cette aventure au cœur du territoire magique, il y avait de quoi se lamenter devant la maigreur des images. Les illustrations se sont limitées à quelques artworks et deux extraits de scènes finalisées (dont une en grande partie incluse dans la nouvelle bande-annonce). Bref, rien de très croustillant là-dedans. La présentation de Ralph 2.0 l’année dernière n’avait pas été beaucoup plus approfondie mais avait au moins le mérite de montrer quelques éléments liés à la production. Le plus intéressant de cette session fut ainsi ce qui devait être simplement un avant-programme : la projection de trois court-métrages tirés du programme Short Circuit.
Evidemment, il n’est point question ici de Johnny 5. Destiné à la plateforme SVoD Disney+, Short Circuit est une anthologie de court-métrages donnant un libre champ d’expression aux artistes du studio. En effet, n’importe quel membre de la société peut soumettre un concept, s’il est approuvé, la personne pourra profiter des ressources de l’entreprise pour le concrétiser. Sur le papier, la démarche est extrêmement prometteuse… mais on ne peut s’empêcher d’éprouver une once de scepticisme à son encontre. Ce type de projet n’est pas nouveau : on a déjà vu ce genre de promesse d’offrir une série de sketchs où régneraient la variété et l’innovation. Et finalement, on héritait de produits classiques et tout juste efficaces. Ce fut le cas dernièrement chez Netflix avec Love, Death and Robots dont l’exécution compétente ne masquait guère des œuvres ne s’écartant guère des chemins battus. Or les premiers courts dévoilés donnent envie de croire que Short Circuit ne tombera pas dans le même travers.
Certes, il faut admettre qu’aucun des trois court-métrages n’est d’une originalité folle. Exchange Student suit l’intégration d’une petite terrienne dans une école d’extraterrestre. D’abord rejetée à cause de sa différence, elle sera acceptée lorsque ses supposés défauts s’avèreront une force. Just A Thought se concentre sur un enfant secrètement amoureux d’une camarade de classe. Etant trop timide pour lui parler, c’est sa bulle de pensée qui le pousse littéralement à faire le premier pas. Enfin, Jing Hua se penche sur le sentiment de deuil au travers des arts martiaux. En soi, il n’y a là rien de bien bouleversant. Toutefois, on peut compter sur la motivation des artistes pour transcender ces pitchs. Chacune de ses histoires n’est pas uniquement une création amusante mais repose sur leurs vécus. Natalie Nourigat évoque sa propre expérience des échanges scolaires avec Exchange Student, s’avouant intimidé par la gente féminine, Brian Menz s’inspire pour Just A Thought de sa relation avec épouse qu’il a rencontré jeune et avec qui il a fondé une famille nombreuse. Quant à Jerry Huynh sur Jing Hua, il voulait parler de son amour de la famille. Celui-ci fut mis à rude épreuve puisque plusieurs de ses parents décèderont au cours de la production du court. Que ce soit lors de sa présentation vidéo ou sur scène à Annecy, il fit sentir que les cicatrices sont encore douloureuses.
En conséquence, les courts font preuve d’une totale maîtrise de la narration (à l’exception peut-être de Jing Hua auquel il manque une chute). Les courts étant dénués de dialogue, il y a un savoir-faire remarquable pour poser par l’image les problématiques et les explorer avec un équilibre d’humour et de comédie. En ce sens, il est plus qu’appréciable de voir que le principe d’identité visuelle soit complètement assumé. À l’image d’animation 3D retravaillée à tel point qu’on jurerait voir de la 2D, chaque court dispose d’un style spécial et surtout parfaitement approprié à l’histoire. Le ton pastel de Exchange Student se fond à merveille avec le ton innocent de son histoire. Afin de s’accorder au concept d’une bulle de bande dessinée prenant vie, Just A Though convoque une allure de comic strip et imite la texture des anciennes impressions sur papier (un peu à la manière de Spider-Man : Into the Spider-Verse). Quant à Jing Hua, il emprunte son esthétisme aux estampes mais en cherchant à leur injecter une dynamique se mêlant aux émotions de son personnage. Le résultat est tout bonnement hypnotisant.
En une poignée de minutes, ces court-métrages se sont posés comme de délicieuses sucreries. On ne peut qu’espérer que la vingtaine de segments constituant le programme Short Circuit sera d’un acabit similaire. Reste également à savoir s’ils arriveront à trouver leur public car il serait dommage qu’à l’instar des pratiques de Netflix, Disney+ relègue l’anthologie au fonds de son catalogue pour mettre en avant ses productions plus commerciales. En l’état, on ne peut que vous inciter à être attentif à cette proposition lors de la mise en ligne du service !