Au vu de la bande-annonce et du pedigree de Nora Twomey (co-réalisatrice de Brendan Et Le Secret De Kells) qui suffit à mesurer son talent, avait-on besoin de cette preview pour se convaincre que The Breadwinner allait être un film formidable ? Pas vraiment mais ce Work in Progress n’en est pas moins une délectable piqure de rappel.
En premier lieu, le producteur Anthony Leo partagea avec nous l’amour immédiat qu’il avait éprouvé pour le livre de Deborah Ellis lors de sa découverte et son désir de le porter à l’écran. Il rappela aussi l’hésitation quant au format à adopter. C’est ainsi un film live dans la lignée des Cerfs-volants de Kaboul de Marc Forster qui fut un temps envisagé. Cependant, ce choix conjugué au sujet – l’Afghanistan du début des années 2000 – n’était pas très vendeur. Il faudrait un montage financier complexe et le soutien de personnes influentes telles qu’Angelina Jolie (créditée comme productrice exécutive) pour que le projet se monte. Par ailleurs, Anthony Leo pensait que cette orientation ne rendrait pas le film suffisamment accessible aux enfants alors que le film leur était également destiné. C’est avec en tête la réussite du chef d’œuvre Persépolis que le choix de l’animation fut finalement retenu. La réalisatrice Nora Twomey précisa que cette direction n’avait évidemment pas pour seul but de mêler un jeune public à des spectateurs plus âgés mais aussi de donner de la profondeur à l’histoire.
En ce sens, son intention trouve une certaine résonnance avec Dans Un Recoin De Ce Monde de Sunao Katabuchi projeté cette année au festival. L’un comme l’autre ont l’ambition de dépeindre un contexte historique et culturel spécifique dont ils souhaitent offrir une rigoureuse représentation. Cependant le traitement se veut également universel dans la représentation de la famille (les petits gestes du quotidien qui parlent à tout le monde comme les repas), la condition de la femme (l’héroïne doit se déguiser en homme afin de pouvoir travailler) et le partage de l’univers imaginaire de sa jeune héroïne. Twomey mit ainsi en exergue le caractère naturaliste qu’elle voulut donner à l’animation, notamment par un travail approfondi sur les prises de référence. Il en va de même du choix d’un casting d’origine afghane qui apporte une authenticité notable.
Le directeur artistique Ciaran Duffy (Le Chant De La Mer) profita de cette remarque pour présenter plusieurs artworks qu’il considère aujourd’hui comme des erreurs de parcours. Ceux-ci donnaient en effet une représentation « arty » de Kaboul avec des architectures volontairement exagérées et des jeux de couleurs détaillés. Ce sont autant d’éléments qui ont été éliminés pour revenir à un sentiment d’authenticité. Se préservant de verser dans le photoréalisme, il souhaitait que les décors dégagent un aspect dur et cru en accord avec la direction voulue par Twomey. Un choix d’autant plus logique qu’il permet de trancher le monde dit « réel » et le monde de l’imaginaire qui prend bien sûr une direction inverse. Au contraire, ces passages passeront à un esthétisme extravagant en forme de papier découpé et aux couleurs bien plus prononcées. Ce contraste promet d’être autrement plus saisissant que si le film avait été tourné en prises de vue réelles.
En fin de post-production et devant sortir pendant le dernier trimestre 2017, The Breadwinner pourrait-il donc être un des chocs de l’année, une expérience aussi forte que celle de Dans Un Recoin De Ce Monde ? C’est en tout cas tout le mal qu’on lui souhaite.