[Annecy 2017] Big Fish & Begonia / Tea Pets

L’un des faits marquants de cette édition a eu le malheur d’être un non-événement : la déprogrammation tardive du film chinois Have A Nice Day. Plusieurs raisons ont été mises en avant pour justifier ce retrait. En l’état, il semble surtout que les autorités chinoises soient gênées du portrait sociétal fait par le long-métrage de Jian Liu, ce qui en soit n’a rien d’étonnant puisque le comité de censure trouve là presque sa raison d’être (on peut douter par exemple que la fin de Drug War soit exactement celle souhaitée par Johnnie To). La problématique est d’autant plus évidente par le contraste entre Have A Nice Day et les deux autres productions : Big Fish & Begonia de Xuan Liang et Chun Zhang et Tea Pets de Gary Wang, deux œuvres qui visent à représenter le patrimoine du pays sous le spectre de la respectabilité et du prestige.

Disons-le clairement : du prestige voire même de la magnificence, Big Fish & Begonia en a à revendre. Dès les premières minutes, on est abasourdi devant l’ampleur visuelle déployée par le long-métrage : une utilisation du cinémascope à tomber à la renverse, une animation parfaitement fignolée, des couleurs éblouissantes, des visions sublimes conjuguant ensemble la terre, le ciel et la mer (on notera un petit clin d’œil à L’Odyssée De Pi)… Le tout est porté par une très bonne utilisation du folklore national offrant un imaginaire des plus foisonnants. La présence d’une voix-off et de dialogues inutilement sur-explicatifs apparait ainsi comme une sacrée épine dans le pied de cette entreprise. Au travers de ses colossaux efforts graphiques, l’ossature du film aurait pu suffire, en pure expérience sensorielle. Big Fish & Begonia n’est jamais meilleur que dans ses moments dénués de dialogues et pourtant riches de sens dans leur manière de traduire l’évolution des personnages. L’ironie de ce besoin d’explication est qu’il finit surtout par mettre en avant une intrigue foutraque. Le surlignage conduit à vouloir tout comprendre intellectuellement au lieu de ressentir, on ne peut alors que constater le caractère parfois nébuleux de l’univers et des motivations des personnages (la femme-rat qui disparaît sans conséquence sur l’histoire). Une fois n’est pas coutume, il aurait mieux valu pour le scénario de rester à la place secondaire qui était la sienne. Big Fish & Begonia n’en reste pas moins une expérience à tenter et on espère qu’il trouvera le chemin des salles françaises.

On ne peut en dire autant de Tea Pets, probablement l’un des pires films de la sélection. Au premier abord, il n’y avait pourtant pas trop de crainte à avoir : le long-métrage se concentre sur les compagnons de thé, petites figurines capables de divers effets (changement de couleur, projection d’eau) lorsqu’on les arrose d’eau chaude. Le film part du principe classique que ces créations prennent vie dans le dos des humains. Ce postulat est certes classique mais il en vaut bien un autre. Malheureusement, l’œuvre dévoile assez rapidement son effroyable nature. Si on devait résumer Tea Pets, on pourrait le qualifier du rejeton attardé qu’auraient conçu Toy Story et Wall-e un soir de beuverie avec Le Monde De Nemo et Ratatouille pour tenir la chandelle. Au lieu de mettre en avant ses traditions et sa culture, le film compile des sous-intrigues mal rafistolés (cf ce personnage de réparateur qui monologue tout seul sur sa vie sans la moindre raison) et porté par des personnages dénuées de charme (notamment un héros particulièrement antipathique). Lors de la présentation du film, il a été avancé que l’équipe de Gary Wang était jeune et travaillait en effectif réduit. Ces dispositions rendent d’autant plus incompréhensible le manque d’inspiration et de prise de risque du film. Avec son animation générique et sa 3D inutile,Tea Pets n’est rien de plus qu’un film de mauvais copieur. Privilégier ce genre de produit aussi présentable qu’insipide au détriment d’œuvres comme Have A Nice Day a quelque chose de profondément triste.

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