Annecy 2021 : Studio Focus

N’ayant guère pu voir de films lors cette édition en ligne du festival d’Annecy, on a compensé en s’informant sur ce que nous réservent plusieurs studios dans le temps à venir.

On ne commence pas forcément du bon pied avec la présentation peu rassurante de Baby Boss 2. Le premier opus constitua une des bonnes surprises de DreamWorks ces dernières années. Derrière un pitch d’apparence idiote, il se révélait un film riche en recherches visuelles n’hésitant pas à citer différents maîtres de l’esthétisme 2D pour parler du monde de l’enfance. Rien n’appelait une suite qui risquait surtout de ruiner la logique euphorisante du récit originel. Le réalisateur Tom McGrath se range même à cet avis en indiquant que la fin ouverte de Baby Boss ne fut pas envisagée comme un appel pour une suite. Comme tant d’autres avant lui, il se demande en quoi faire une suite était nécessaire. Mais bon, l’appel de l’argent se passe de justification ! Tout ceci n’est pas de bon augure et les prémisses de l’histoire ne mettent pas en confiance. L’histoire choisit de multiplier les enjeux en étendant ceux-ci à toute la famille. A la relation fraternelle s’ajoute ainsi la question de la relation père/fille. Quant au choix de rajeunir les protagonistes, il semble surtout permettre de réintroduire la dynamique du film originel. Bref, il se dessine une stricte logique de suite bigger and louder amplifiant les éléments connus sans originalité. Cela se ressent particulièrement dans la présentation d’une scène de poursuite cartoonesque à grande échelle multipliant les catastrophes plus gigantesques les unes que les autres. Cependant, Tom McGrath et ses collaborateurs affichent également ce désir de conserver l’aspect visuel du premier film. Cela se ressent dans une séquence musicale des plus charmantes. Il est toujours revendiqué ce gout de la stylisation. Reste à savoir si celle-ci tiendra encore la route au regard de la direction narrative prise. Réponse au cinéma le 6 octobre.

DreamWorks nous a également offert une présentation de Trollhunters : Rise Of The Titans dont la sortie est prévue sur Netflix le 21 juillet. Ce fut l’occasion d’écouter Guillermo Del Toro avec ce plaisir toujours renouvelé. C’est qu’on aime la jovialité et humilité du cinéaste, toujours plus prompt à mettre en avant les autres au lieu de sa propre personne. Après un hommage au festival d’Annecy, il ne cessera de tarir d’éloge sur les réalisateurs qui ont porté ce projet dont il est l’instigateur. La présentation permit de faire le point sur le chemin parcouru. Del Toro rappelle ainsi l’origine du projet qu’il a d’abord pensé comme une série live puis un seul film d’animation avant de s’orienter vers le principe de trois séries et un film en conclusion. Ce schéma lui semblait nécessaire pour travailler des personnages qu’il voulait faillibles et ouverts à des évolutions drastiques. Afin de conserver cette diversité de ton et de créativité, ce sont trois réalisateurs chacun en charge d’un acte qui s’attèleront à ce film conclusif. Reste toutefois l’interrogation de savoir si le film sera ouvert aux non-initiés. Car s’il est indiqué que le film inclura une réintroduction des personnages pour ne perdre personne, rien ne dit que le néophyte pourra bel et bien trouver son compte dans ce grand final. Au moins, celui-ci pourra s’accrocher aux scènes d’action qui sont au cœur des trois extraits présentés. Deux montrent une très bonne exploitation de la dynamique du groupe pour un résultat spectaculaire. Quant au troisième, il propose une citation réjouissante à une des œuvres de Guillermo Del Toro. On regrettera que la bande annonce mise en ligne dans la foulée évente cette surprise. Alors que les séries se sont avérés une des meilleures utilisations récentes du concept d’univers commun, on attend de pied ferme cette conclusion à la fois épique et humaine.

Du côté de Netflix, on aura droit à une conversation entre David Fincher, Tim Miller, Jennifer Yuh et Jérôme Denjean autour de la saison 2 de Love, Death + Robots sortie quelques semaines avant le festival. Très attendue, la première saison fut une certaine source de déception. Espérant un grand champ d’expérimentation incroyable, elle s’est avérée être une anthologie d’histoires fort plaisantes mais ne se distinguant guère d’autres du même genre. La discussion éclaire sur cette relative incompréhension. Pour Tim Miller, la série n’a jamais eu vocation à être révolutionnaire et sauver une animation américaine trop centrée vers un public enfantin ou familial. Il s’agissait plus simplement de faire quelque chose de différent avec cette animation destinée aux adultes. Bref, d’offrir un petit bac à sable pour de la perversité et de l’outrance qui n’existe pas forcément aux États-Unis. Miller s’amuse en ce sens de son premier contact avec Netflix. Avec sa logique de donnée et de contenu, la société se retrouvait incapable de faire rentrer le projet dans une case prédéterminée. Fincher nous surenchérit en rappelant cette vérité trop oubliée aujourd’hui à Hollywood : « You not gonna get the next thing, unless you try to be the next thing ». Cela n’empêche pas Love, Death + Robots d’avoir surtout ce désir de briser la routine de ses réalisateurs. C’est le cas par exemple de Jennifer Yuh. Alors qu’on connaît surtout son travail chez DreamWorks (elle réalisa Kung Fu Panda 2 et 3), elle se révèle surtout passionnée par la noirceur et la chorégraphie de la violence (rappelons qu’elle travailla sur la série Spawn à la fin des années 90). Cette idée de changer de l’ordinaire gouverne tout, poussant à poser sa marque sur la série plus que chercher à l’expliquer. Cela explique la force et la faiblesse de la série. Pour le reste, la table ronde dévoile quelques détails de fabrication comme l’inclusion de Michael B. Jordan dans l’épisode Life Hutch ou l’utilisation de visage en CGI pour l’épisode en stop motion All Through The House.

A côté de cela, Netflix aura proposé plusieurs sessions pour dévoiler ses projets des mois à venir. Malheureusement, il faut dire que ces présentations sont loin de susciter l’enthousiasme quant à l’offre pourtant diversifiée du géant du SVOD. La section anime fut tout particulièrement une source d’ennui polie. La faute en revient principalement au manque de contenu à montrer. C’est le cas de la série basée sur les contes de Grimm pour laquelle collabore CLAMP. La présentation se limite juste à un artwork. Quant au reste, ça brasse de l’air. Le prequel de The Witcher sort le discours classique sur l’envie de diversifier les formats de la franchise. Dans les faits, cela ressemble à une énième démonstration du besoin actuelle de liquider la moindre zone d’ombre d’un univers quitte à ce que ce soit mal fichu ou sans intérêt. Adaptation réinventée d’un manga très connue au Japon, Therma Romae Novae ne fait guère mieux niveau enthousiasme. Tirée d’un comic de Mark Millar et Leinil Francis Yu (qui s’occupera des designs de l’anime), la présentation de Super Crooks bénéficiera au moins de quelques propos du réalisateur Motonobu Hori. Celui-ci semble paré pour appréhender la patte vulgaire et violente du scénariste écossais. Dans un registre différent, la présentation de We The People suscite plus le scepticisme que l’enthousiasme. Produite par Barack et Michelle Obama, cette anthologie de court-métrages musicaux revendique des ambitions civiques pour « inspirer les nouvelles générations ». Il faut toujours se méfier de ce genre de projet se galvanisant de leur importance et revendiquant un large impact qui lui faut encore accomplir. Au moins, le projet offre des opportunités d’expression pour différents réalisateurs. C’est notamment le cas de Peter Ramsey dont le court se situe entre Moebius et Yellow Submarine.

Du côté de la production familiale de Netflix, c’est un peu le même son de cloche. La présentation de Karma’s World est intégralement portée par la verve hyperbolique de son créateur Chris « Ludacris » Bridges. Créé sous l’impulsion de sa relation avec sa fille, il nous vend une série tenant du jamais vu qui illuminera le monde. Ces belles paroles n’étant accompagnées que de quelques images fixes, on demande à voir. Ce manque de matière se retrouve également dans la présentation de Vivo. Pour rappel, cette production Sony Pictures Animation fut rachetée par Netflix lors de la crise sanitaire et doit sortir cet été. L’argument de poids du projet réside dans la présence au casting et surtout à la musique de Lin-Manuel Miranda. Or l’aspect sonore est totalement occulté par cette présentation. De son côté, Back To The Outback en dévoile un peu plus même si le projet respire le Madagascar-like. Le film se présente comme un buddy movie où les animaux les plus mortels de l’Australie s’échappe d’un zoo en compagnie d’un koala. « L’originalité » est que les animaux vénéneux sont les personnages les plus sympathiques alors que le koala est antipathique. Au moins, les extraits sont mignons. Au milieu de tout ça, un projet se détache heureusement. Il s’agit de Centaurworld. Cette série racontera le périple de la jument d’une guerrière qui est téléportée dans un univers à la mignonnerie hallucinogène. Sur le thème classique du poisson hors de l’eau, il va se construire une aventure mêlant fantasy et musical. Le visuel se montre délirant et l’utilisation originale des chansons à des fins narratives promet une belle expérience. La série sera disponible fin juillet.

Si les efforts de présentation chez Netflix sont maigres, le panel Paramount+/CBS Studios réussi l’exploit d’offrir encore moins de contenu. Sur les cinquante minutes de présentation, plus de la moitié sera consacrée à l’impact de la pandémie et les réflexions des intervenants à propos de l’industrie de l’animation dans le monde d’après. C’est du véritable blablatage qui ne va guère plus loin que les banalités d’usage, sans évoquer en détail les séries concernées Tooning Out the News et The Harper House (conçue intégralement durant la période du Covid). La seconde partie évoque l’exploitation de la grande marque Star Trek au travers de deux séries : la comique Lower Decks et Prodigy qui se veut une ouverture de la franchise pour une nouvelle génération. Malheureusement, le résultat est surtout là pour présenter les intervenants en bon trekkies passionnés qui prennent à cœur d’inscrire leurs créations dans le canon. Bref, rien de bien alléchant.

Chez Pixar, le panel fait le choix de passer rapidement sur les projets en cours pour consacrer son temps à la fabrication du dernier né Luca. On ne se plaindra pas tant ce making of est intéressant dans son analyse du style « imparfait » du long-métrage. Mais nous ne reviendrons pas dessus en détail car nous n’avons pas encore vu le film (on a toujours un brin d’amertume de ne pouvoir le découvrir en salles mais probablement que l’un d’entre nous finira tout de même par le chroniquer). Concernant les prochains projets, ils sont tous déjà connus et peu d’informations supplémentaires ont filtré. Pour Disney+, il y aura deux séries dérivées d’œuvre existante. La première Dug Days est tirée de Là-Haut et est une série de court-métrage humoristique. Un extrait semble montrer que l’objectif purement comique de la série est rempli. Un peu plus intéressante, une série tirée de Cars mettra en scène Flash McQueen et Mater dans un équivalent de road movie. Ce postulat pourrait permettre de retrouver l’esprit du premier film qui s’était perdu dans les suites. Niveau film, on aura un autre produit dérivé avec Lightyear. Il faut admettre que le projet consistant à créer le blockbuster qui a inspiré le fameux jouet de Toy Story ressemble à une fausse bonne idée. Cela équivaut à exécuter au premier degré ce qui tenait presque lieu de blague. Il semble que tout ceci soit surtout une excuse pour Pixar afin de concrétiser une incursion dans le domaine du space opera. Reste enfin Turning Red, le seul projet original du lot. Réalisatrice du court-métrage Bao, Domee Shi a conçu ce film comme un prolongement de sa réflexion sur sa relation avec sa mère. Cette histoire de fille se changeant en panda roux géant quand elle est en colère (« L’incroyable Hulk en mignon ») sera une métaphore de l’adolescence. Étant donné les précédents du studio, on peut espérer une bonne dose d’émotion autour de ce simple petit pitch.

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