Jean est en CP est il est bien embêté lorsque sa maîtresse (très rigolote au passage) lui demande la profession de ses parents. Comme il le lui répondra, son père est patron, sa maman est secrétaire. Problème, il n’a en réalité pas vu sa mère depuis longtemps et ignore où elle se trouve. L’intelligence de Boréal et Chatel, voire très probablement de Regnaud et Bravo, est de considérer celle du spectateur/lecteur qu’ils devinent tout à fait conscient de l’issue du récit. Le duo ne recherche d’ailleurs jamais à orchestrer un faux suspense qui aurait paru bien fortuit et, accessoirement, de mauvais goût. Ce n’est pas comme si le titre lui-même n’était pas le plus clair des indices.
C’est alors logiquement qu’en dépit de sa présence permanente dans l’esprit du public, la mère n’est au final que peu évoquée au sein du récit. Et tout l’enjeu du film (Jean va-t-il découvrir la vérité, et comment) de s’incarner non pas en tant que simple aboutissement d’une suite d’événements mais au contraire de définir chacun d’eux. En d’autres termes, chaque micro instant de vie du petit Jean sera vu par le prisme de cette mère prétendument partie en Amérique, nous faisant ainsi partager la perception d’un gamin en apparence on ne peut plus… gamin. L’occasion de voir d’un autre œil un film a priori mignon tout plein mais qui se pare du coup d’une certaine cruauté lorsqu’il évoque des problèmes typiquement enfantins. Jusqu’à un humour parfois bien senti envers des stéréotypes (le QI du rebelle de la classe) ou, évidemment, la douleur du passage à une vision plus concrète du monde (la métaphore du père Noël, le déguisement d’indien). Ma maman est en Amérique… est donc avant tout un film qui contribue à redonner toute leur importance et leur symbolique aux plus insignifiants de nos actes, lesquels se révèlent intimement liés et finissent par nous définir. Ce sont les fabulations de sa copine Michèle qui influenceront Jean dans sa manière d’appréhender les conflits (et qui offriront ses scènes les plus sympathiques au film, tel le duel de billes) autant qu’elles seront le moteur de son évolution (le fait de penser à sa mère n’empêche pas son absence et le manque qui en découle).
Au fond donc, peu importe que son humour se révèle souvent peu inspiré, qu’il lui manque un léger supplément d’âme ici synonyme d’ambition dans sa mise en scène et autres petits soucis indésirables : si Ma maman est en Amérique… est un charmant petit film, ce n’est pas parce qu’il a quelque chose à dire. C’est parce qu’il le dit bien.