Dans Time Out, les quinquagénaires ont le physique de leurs 25 ans. Dans Une soirée d’enfer, les jeunes du même âge en paraissent dix de plus. Et pour cause : à l’exception d’une Anna Faris qui, du haut de ses 35 ans, fait vraiment illusion, et de la sublimissime Teresa Palmer qui approche des 26, Michael Dowse a décidé de s’offrir les services de trentenaires bien rôdés pour incarner ses fêtards. Enfin, ça c’est ce que l’on aimerait nous faire croire. Il n’y a qu’à voir le plan final, vue sur une rue un lendemain de fête apocalyptique pour constater, au choix, que l’on se fout de notre gueule ou que les auteurs de la chose ont commencé les prises de vues par ce plan avant même d’avoir écrit le script.
Concrètement, Une soirée d’enfer narre la nuit vécue par trois personnages, des jumeaux et un de leurs amis, au cours d’une fête de retrouvailles d’anciens étudiants. D’un postulat de départ balisé, on attend un apport d’idées, qu’il soit déconstruit, repensé, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une comédie. À ce titre, Michael Dowse caractérise ses personnages dans l’optique assez évidente des les confronter au regard d’autrui. On attend de voir le comportement que le frère va adopter face à la pression sociale (il travaille dans un vidéoclub, va côtoyer d’anciens collègues qui ont suivi de longues études), la réaction d’une sœur partagée entre demande en mariage et désir d’ailleurs, et la réponse donnée par leur ami à son licenciement. L’apparente originalité ? Le film se déroule à la fin des années 80.
Apparente, parce qu’en dehors de deux-trois tubes caractéristiques de l’époque (et trèèèèès subtilement mis en place par un réal qui connait ses classiques : Video killed the radio star… au moment de découvrir le vidéoclub, l’arrivée de l’amour de jeunesse, au ralenti bien entendu, sur le Bette Davis eyes de Kim Carnes), d’une concession automobile par conséquent reflet de la période présentée ou de quelques coiffures rétros, RIEN ne laisse à penser qu’Une soirée d’enfer prend place à l’aube des années 90. On attend un peu plus qu’une décapotable et trois perruques pour profiter d’un revival 80’s. Un décorum par exemple. Mais des vingt premières minutes durant lesquelles on décelait vaguement les thématiques d’un John Hugues, ce qui suit n’en conserve que la superficialité des enjeux présentés, au gré de clichés qui témoignent du je-m’en-foutisme de l’entreprise et d’un traitement du récit tout à fait contemporain.
Ainsi donc la simili-pression sociale force-t-elle un diplômé à mentir sur sa condition pour séduire son amour d’adolescence. Et c’est tout. Pendant une heure, entre deux passages obligés (jusqu’au moment fatidique où la demoiselle apprendra la vérité, l’amenant à ressortir du grenier le fameux « tu n’as menti que pour me baiser, je te croyais différent ! »… ), le duo ne parlera que de boulot, s’écartant à peine de ce sujet de discussion – auquel tout jeune de 25 ans consacre chacune de ses soirées alcoolisées – pour commettre quelques folies purement impensables et déjantées, comme dire le mot « pénis » le plus fort possible, ou sauter sur un trampoline ! Rien de tel également que de jouer à action/vérité pour inviter à se faire embrasser, un peu comme quand on a 14 ans on essaie d’émouvoir le spectateur de la même manière qu’on a voulu l’ennuyer.
Parce que l’on décerne bien quelques idées ici et là. Le frère est finalement moins soumis à la pression sociale qu’à son incapacité à avancer de son propre chef, chose que l’on nous rabâche quatre ou cinq fois au bas mot. En cela, la mise en parallèle entre sa sœur et sa conquête s’avère aussi pertinente qu’elle est intelligemment orchestrée, par le biais d’une simple réplique que le couple prononce en même temps. Malheureusement, cela ne s’inscrit que dans un traitement thématique didactique et minimaliste, qui ne sert que de parenthèse ponctuelle à un récit privilégiant la romance à l’humour, la constipation à la bonne humeur. Car dans leur envie de faire évoluer un personnage qui n’a aucune confiance en lui, Michael Dowse et ses scénaristes ont tout simplement créé l’un des personnages les plus chiants de l’histoire de la comédie. Une soirée d’enfer embrase trois storylines, et se concentre évidemment les trois quarts du temps sur un coincé du cul tout droit sorti d’une production Fox Searchlight. Aucun caractère, aucun autre centre d’intérêt que le boulot, aucun humour… Le toujours aussi fadasse Topher Grace, qui scénarise également, est parfait en ce sens.
Comme si finalement, un personnage taciturne se devait d’être développé unilatéralement et était voué à ne susciter qu’ennui et indifférence. À cela, on se rappelle que Richard Ayoade avait donné une réponse sans demi-mesure dans son superbe Submarine, sorti cette année même dans l’indifférence générale. Dans son approche visuelle de l’histoire d’un adolescent en pleine quête d’identité, le jeune cinéaste usait avec brio de tout un réseau de symboles (outre son constant apport d’idées de mise en scène) à même d’enrichir l’univers psychologique de celui-ci, et ainsi de jouer sur les attentes du spectateur. Rien de cela dans Une soirée d’enfer, Michael Dowse se révélant incapable de donner ne serait-ce que rythme ou cohésion aux scènes qui l’exigent le plus (la séquence de « la boule » shootée et montée de façon tout à fait anecdotique alors qu’elle est censée être représentative de l’évolution du héros). Au moins la mise en images se révèle-t-elle un parfait reflet de son sujet, puisque corolaire d’un scénario qui n’a rien à raconter. Si soirée d’enfer il y a, elle n’existe que dans l’esprit de ses instigateurs.
Réalisation : Michael Dowse
Scénario : Topher Grace, Jackie Filgo, Jeff Filgo et Gordon Kaywin
Production : Brian Grazer
Bande originale : Trevor Horn
Photographie : Terry Stacey
Montage : Lee Haxall
Origine : Etats-Unis, Allemagne
Titre original : Take me home tonight
Date de sortie : 7 décembre 2011
NOTE : 0/6
Si on connaît surtout Florence Foresti pour ses talents d’humoriste, on l’a nettement moins vu dans les salles pour juger de ses capacités de comédienne. Et si on lui connaissait une aisance certaine devant les caméras, nous sommes peu à avoir pu la voir le confirmer sur grand écran, du fait des bides de ses premiers films et notamment celui d’un King Guillaume de triste mémoire. Reste que sa gouaille si caractéristique faisait d’elle une actrice à suivre depuis le sympathique Dikkenek, et l’on se doutait bien qu’il arriverait un jour où elle s’essaierait enfin à l’écriture scénaristique. C’est donc chose faite avec Hollywoo, dans lequel on espérait la voir injecter un peu de sang frais au registre surexploité de la comédie française, lequel nous pond une réussite une à deux fois par an sur X sorties (pour un Nos jours heureux ou Les clés de bagnole, combien de Camping ?), en combinant son énergie et sa personnalité comique.
Une première bonne idée consiste à situer le film aux États-Unis. Peut-être elle aussi épuisée par les comédies cloisonnées dans leur terroir, Florence Foresti s’emploie à très vite nous dépayser au gré des pérégrinations du personnage qu’elle incarne. Suite à une dépression, une actrice américaine quitte la série qui a fait d’elle une star, condamnant par extension ses doublures voix à une retraite anticipée. Celle qui lui prête sa voix française part ainsi vers Hollywood afin de la faire changer d’avis. On pourra regretter que le postulat ne soit pas étoffé d’un ton particulier : en l’état, le prétexte est trop lisse pour paraître absurde (ce qu’il est, fondamentalement), rapidement évacué et quelconque pour être crédible. Le fait est qu’aussi anecdotique puisse-t-il être, celui-ci annonce clairement le schéma à venir du film. Selon toute vraisemblance, cette mission outre-Atlantique sera une réussite et ne sera mise à mal que par les barrières de la langue et du statut. Ce à quoi l’arrivée de son personnage à Los Angeles répond favorablement, lorsque des américains passionnés de rap découvrent un morceau de Diam’s (hé oui, c’est du level). À partir de là, il s’agit pour Foresti de jouer sur les acquis du spectateur, habitué aux chocs des cultures en tous genres.
Si l’on voulait vraiment rester optimiste sur la chose, on pourrait accepter l’idée qu’elle a réussit son coup. Car dans un sens, il n’y a pas plus de choc des cultures qu’il n’y a de mise en avant desdites cultures au sein du récit. De même, rien dans Hollywoo ne touche réellement au monde du doublage, voire au monde du cinéma. Inutile d’attendre un équivalent du passage de Jay et Silent Bob sur le tournage de Will Hunting 2 par exemple.
Paradoxalement, cette envie de nous éviter les passages obligés reste le plus gros défaut du film à l’aune de ce qui le remplace. Certes, le scénario possède une limpidité bienvenue et la propension de Foresti à jouer à fond la carte du sentimentalisme pour mieux le désamorcer (quasi exclusivement en fin de film) reste louable. Mais grosso-modo, l’humour qui fait loi ici ne cache jamais ses inspirations : chansons, films, slogans publicitaires, franglais. Chaque dialogue avec un américain est donc à peu près le même : quelques mots en anglais, un verbe français que l’on termine par -ing + une référence à l’un des trois premiers thèmes cités précédemment pour désigner quelqu’un ou quelque chose (« écoute-moi bien Slumdog millionaire », « on dirait Kirikou », « Do you know Matmut, do you know Chevalier et Laspallès ? », « Ouais grosse »…). Et quand bien même on apprécie l’actrice, faire chanter « Meunier tu dors » par Jamel Debbouze (toujours très bon au demeurant dans son rôle… disons… de Jamel Debbouze) à des hyènes, où se servir de raccourcis aussi foireux que Vin => Raisin => Fruit pour terminer sa réplique sur un « Cinq fruits et légumes par jour », fait un peu de la peine. Du level on vous dit. Bref, Hollywoo pouvait paraître mauvais a priori et les apparences ont rarement l’occasion d’être trompeuses dans le doux paysage de la comédie française. Si cela sous-entend ici des intentions louables, pas sûr qu’un tel constat puisse se suffire à lui-même.
Réalisation : Frédéric Berthe et Pascal Serieis
Scénario : Florence Foresti, Pascal Serieis et Xavier Maingon
Production : Cyril Colbeau-Justin et Jean-Baptiste Dupont
Bande originale : Philippe Rombi
Photographie : Ludovic Colbeau
Montage : Elodie Codaccioni
Origine : France
Date de sortie : 7 décembre 2011
NOTE : 2/6
Une famille chinoise, une famille algérienne, deux restaurants qui partagent la même terrasse, deux patrons qui ne peuvent pas s’encadrer. Au milieu, un serveur français qui se croit chinois et travaille pour eux, qui cherche à séduire la jolie algérienne d’en face. Y a pas à dire, l’exposition qui nous est faite de ce joyeux monde se pose là comme un summum de minimalisme sinon très con (et donc potentiellement très bon), en tout cas propice aux délires en tous genres si tant est qu’on veuille bien débrider son imagination. Et ça tombe bien, puisque le réalisateur et un des scénaristes de la chose n’est autre que Nicolas Benamou, dont ce premier film est l’aboutissement d’expériences comme cadreur au Morning live, réalisateur de clips (les Bratisla boys ou Fatal Bazooka) ou réal de seconde équipe sur le Fatal de Michaël Youn. Et dont il partage, vous l’aurez compris, l’humour qui a fait le succès de celui-ci ainsi qu’une certaine tendance à rire d’absolument tout. Aussi, De l’huile sur le feu peut s’avérer décevant sur ce point précis.
À dire vrai, le manque d’enthousiasme repose moins sur le type de comique adopté que sur la structure dans laquelle il évolue. Car si certains gags s’avèrent prévisibles, le fait qu’ils soient l’enjeu d’une scène entière (la couscoussière) amène fatalement à suivre celle-ci d’un œil distrait, en guettant un éventuel élément perturbateur qui ne viendra jamais. Et compte tenu d’un humour évidemment basé sur les différences de culture et de religion, De l’huile sur le feu regorge de ce genre de moments. Passées les premières séquences qui soulignent un conflit entretenu par les préjugés de chacun (jusqu’aux plus basiques), on ne devine que trop vite les situations à venir, quand bien même on espère en rire une énième fois. Les algériens et la viande halal, les chinois mangeurs de chiens… En passant du statut de simple gag à celui de véritable enjeu quant à l’avancée du récit, certains faits amènent plusieurs séquences à user d’un faux rythme qui, dans l’accumulation, créent un ventre mou dont Nicolas Benamou ne parvient pas à s’extraire. Tout juste sauve-t-il son film par ce qui est son principal atout : fort d’un univers très personnel et jamais avare en détails, le néo-réalisateur fait preuve d’une générosité salvatrice dans le registre balisé de la comédie, qu’il gratifie notamment de personnages complètement fucked-up.
Le personnage incarné par Vincent Lacoste (découvert dans l’excellent Les beaux gosses de Riad Sattouf), lequel fait déjà du Vincent Lacoste, témoigne de cette envie. Il est d’ailleurs impossible de le décrire concrètement sans spoiler un minimum, chose que nous éviterons de faire étant donné que quelques-uns de ses aspects constituent certaines des meilleures répliques du film. Quoiqu’il en soit, l’idée est de ne jamais le faire passer pour débile, du fait de l’absurdité de ses comportements. L’écriture est habile en cela. Outre une relation peu surprenante mais joliment menée avec celle qu’il cherche à séduire, le fait de ne présenter ce livreur qu’au bout d’une dizaine de minutes l’empêche d’être la cible de rires moqueurs de la part du spectateur. La présentation en amont de deux restaurateurs aussi loufoques l’un que l’autre a posé les bases d’un univers sinon déjanté, en tout cas insolite dans lequel les évènements les plus improbables deviennent cohérents. Le personnage se montre d’ailleurs attachant dés le début car l’intrus n’est plus lui, mais l’algérienne (Alice Belaidi, excellente) dont l’attitude premier degré n’est pas raccord avec le décorum mis en place.
C’est ce qui évite à De l’huile sur le feu d’être plombé par ses blagues foireuses et autres problèmes rythmiques. De détails visuels (le restaurant algérien s’appelle Berbère King, sert des Benzema sans cornichon ou des McRibéry, un trou dans le sol de la forme du visage qui s’est fracassé dessus) en joyeusetés sitôt exécutées, sitôt oubliées (un chien ou un notaire qui pètent…), le long-métrage capte l’attention en permanence jusque dans ses moments les plus inintéressants (et ils sont nombreux).
Il faut dire que sa galerie de personnages participe aussi d’un ennui souvent évité, la palme revenant au patron chinois, complètement hystérique et que l’on croirait sorti tout droit des guignols de l’info. Dans ses envolées verbales parfois incompréhensibles, c’est un Tien Shue magistral qui nourrira des disputes qui iront crescendo, jusqu’à un final cataclysmique (et sans doute inspiré du générique de fin des Onze commandements) dont on aurait jamais espéré voir ne serait-ce qu’un dixième. Ce n’est certainement pas amené de la meilleure des façons, mais la cohérence et le jusqu’au-boutisme sont là.
En l’état, De l’huile sur le feu n’est donc qu’une comédie à peine sympathique. Mais c’est peu de dire que le parcours de Nicolas Benamou est à suivre attentivement.
Réalisation : Nicolas Benamou
Scénario : Cécile Sellam, Nicolas Benamou, Jerome Borenstejn, Mathieu Oullion et Romain Théo Levy
Production : Christophe Cervoni, Éric Juheurian et Mathias Rubin
Bande originale : Clément Tery
Photographie : Julien Meurice
Montage : Carlo Rizzo
Origine : France
Date de sortie : 14 décembre 2011
NOTE : 2/6
Dans le commentaire audio de Bienvenue à Zombieland, auquel il participait, Jesse Eisenberg raconte comment il est arrivé sur le projet. Confronté à deux scénarios, l’acteur avoue avoir privilégié le film de Ruben Fleischer pour sa rigueur et sa qualité. Il sera sous-entendu plus tard que son choix était le bon : selon lui, le film fonctionne très bien en dehors d’une séquence sans véritable lien avec le reste. Si on n’approuvera pas totalement son point de vue, il est vrai que Bienvenue à Zombieland savait se montrer intéressant dans la peinture de ses personnages et s’appuyait sur un vrai équilibre entre la comédie et le zombie-flick. Ainsi la seconde collaboration entre Fleischer et Eisenberg apparaissait-elle excitante à cet égard. L’idée de voir le premier réinvestir la comédie et un nouveau genre extrêmement codé (le film de casse, tendance loosers, dont Le casse de Central Park fut un bien triste représentant il y a quelques semaines), avec le second dans le rôle principal, semblait promettre une comédie fun et bien foutue. Ce qui, à l’heure d’aujourd’hui, était déjà le bienvenu.
Mais dans ce cas, qu’est-ce qui fait de 30 minutes maximum un échec quasi-total ? Le vide est tel qu’il ne faut pas vingt minutes pour éprouver un profond désintérêt envers la chose. À la fois longuet dans son exposition et nonchalant dans sa progression, le film prend excessivement son temps pour poser les bases du récit, à commencer par un intérêt trop affirmé pour des personnages qui ne sont pourtant guère plus étoffés au fil du temps. En voulant créer une opposition entre les deux couples d’amis liés par l’intrigue, Fleischer se laisse dévorer par un scénario abusant de dialogues sur-démonstratifs visant à révéler la nature de ces différences (la confiance de l’un repose sur la sincérité quand l’autre ne vit que dans le déni). Une décision d’autant plus maladroite qu’aucun écho ou aucune résolution ne viendra le rendre pertinent. Pour ainsi dire, chaque duo évolue isolément de l’autre, si tant est d’ailleurs que ceux-ci évoluent : les deux amitiés reposent sur les mêmes mécanismes quatre-vingt minutes durant.
De même, si Fleischer assurait un joli dosage entre l’humour et le film de zombies dans son premier long-métrage, 30 minutes maximum est, lui, avant tout une comédie pure. De fait, l’action induite par son synopsis en est réduite à sa plus simple expression. Ce sont les gags seuls qui font avancer les situations, pas vraiment folichonnes par ailleurs, dans lesquelles s’aventurent les personnages. Considérez que Danny McBride n’est jamais drôle et Eisenberg jamais exploité dans cette optique, et vous aurez une vague idée de l’absence d’enthousiasme qu’un tel constat implique.
Enfilant les références dans le but de justifier le comportement surprenant des personnages (L’arme fatale ou Call of Duty semblent donner une certaine assurance), Fleischer et ses scénaristes échouent pourtant dans cette intention. Il faut bien avouer qu’entre l’ennui provoqué par une histoire qui n’a rien à raconter ou une erreur de casting improbable (le personnage de Michael Pena est traité au premier degré sans qu’il n’ait jamais l’air crédible, même lors d’un passage à l’acte), 30 minutes maximum n’a guère de classe pour mettre ses rares atouts en valeur. Espérons qu’il ne soit pour son réalisateur qu’un simple accident de parcours.
Réalisation : Ruben Fleischer
Scénario : Michael Diliberti et Matthew Sullivan
Production : Ben Stiller, Stuart Cornfeld et Jeremy Kramer
Bande originale : Ludwig Goransson
Photographie : Jess Hall
Montage : Alan Baumgarten
Origine : Etats-Unis
Titre original : 30 minutes or less
Date de sortie : 28 décembre 2011
NOTE : 1/6
Lorsque le personnage incarné par Jason Bateman se réveille en pleine nuit pour s’occuper de ses bébés et que l’un d’eux lui envoie du talc sur le visage, avant d’envoyer par terre le paquet de couches qu’il avait près de lui, on croit très vite deviner le ton bienséant et confortable de la comédie familiale typique. On voit d’avance le bonhomme se montrer épuisé par son rôle de père, les conflits avec une femme qui en fait plus que lui et tout ce que cela implique en termes d’inexistence des enjeux et de gags faisandés. Et là, d’un coup, comme ça, l’autre bambin balance un jet de merde sur le nez du paternel puis, profitant d’une faille défensive de celui-ci, lui en envoie un second directement dans la bouche. Une manière comme une autre pour les auteurs de chier, littéralement vous l’aurez compris, sur le politiquement correct précédemment mis en place. Et par conséquent de présenter la note d’intention de cet Échange standard vulgaire tout plein et à l’humour jamais situé plus haut que la ceinture, aux tendances scato heureusement abolies par la suite.
Reste qu’avec David Dobkin et les scénaristes de Very bad trip aux commandes du projet, il était à craindre une comédie bridée dans ses élans comiques. Le premier nommé fut le réalisateur de Serial noceurs. Aussi sympathique soit-elle, cette comédie refusait d’assumer un point de départ réjouissant (deux amis s’incrustent dans des mariages pour séduire, et évidemment fucker, les célibataires qu’ils y rencontraient) au profit d’un romantisme relativement dépoussiéré mais qui du coup, pouvait paraître hors de propos. Échange standard se montre surprenant en ce sens : si sa conclusion se montre trop succincte pour éluder toute morale bien-pensante (« la famille, la stabilité, c’est important », toussa…), tout ce qui précède témoigne d’intentions pleinement assumées en dépit des multiples faiblesses du film. Et après les derniers films de frères Farrelly ou Adam Sandler peu inspirés (et a priori ce ne sont pas The three Stooges ou Jack & Jill qui vont changer la donne), c’est toujours ça de pris.
David Dobkin ne s’étale d’ailleurs pas en digressions pour amener son intrigue. Deux amis de longue date, l’un devenu père de famille et avocat, l’autre acteur sans réussite et baiseur invétéré, s’avouent mutuellement leur lassitude d’une vie qui ne leur convient plus. Le second désire se poser quand le premier rêve de sexe et d’interdits. Au moment d’uriner dans une fontaine, les deux prononcent la même phrase au même moment, celle qui fait part de leur envie d’avoir la vie de l’autre. Le lendemain, ils se réveillent en ayant échangé leur corps.
Bref, un point de départ con comme la lune et traité comme tel eu égard aux multiples longs-métrages ayant déjà eu cette idée de nouvelle identité depuis des lustres. Récemment encore, Hot tub time machine suivait quatre amis qui remontaient le temps vers une époque jugée meilleure, celle de leur jeunesse évidemment. Comme ici, l’essentiel était de s’évader d’un quotidien plus morne tu meurs grâce à une quelconque opportunité (une semaine de célibat pour deux hommes mariés dans Bon à tirer, par exemple). S’il était plus question de la notion de choix ou de retrouver une sexualité débridée dans les deux films cités, il s’agit dans Échange standard de se concentrer sur les aspects purement sentimental et sexuel d’une telle métamorphose. La réussite réside dans l’absence de comparaison entre les deux modes de vie, ce à quoi le film aurait pu se prêter compte tenu des vies antagonistes de ses personnages. Non, il est plutôt question de mise en parallèle de ceux-ci à des fins comiques. Si propos il y a, c’est avant tout celui de vivre comme bon nous semble, au mépris des conventions et de la pression sociale.
Bien entendu, chacun sera forcé à tirer profit de la situation pour apprendre à mieux connaître qui ils étaient auparavant. Ce à quoi les scénaristes répondent par un traitement par l’humour, seul moteur de leur évolution. Tout est loin d’être rose cependant. Échange standard se montre ainsi souvent caricatural dans la gestion de ses thématiques. « Tu vois, ça, c’est du gel », dira l’un des deux amis, de façon tout à fait sérieuse. De même, entre l’un à qui on fait la morale parce qu’ « être adulte, c’est mettre un caleçon » ou l’autre qui apprend à négocier une fusion en quelques jours, le long-métrage ne s’épargne pas une certaine bonne conscience malgré son humour ouvertement vulgos. Mais là encore, le résultat se révèle être une déception, aussi prometteur fut-il. Souvent lourd et peu enclin à l’inventivité, le film est sauvé par quelques joyeusetés (dont un tournage porno plutôt réjouissant), qu’un casting excellent se plaît à interpréter.
Olivia Wilde, Leslie Mann, deux prétendantes de choix à l’esquimau euhouard 2011 de la section Un certain regard sur ton cul
Le rôle permet à Bateman de ne pas faire du Bateman (chose qui avait tendance à flinguer le pourtant sympathique Comment tuer son boss ? sorti cette année), même s’il trahit l’intégrité de son personnage par quelques mimiques, et le voir balancer des saloperies devant les magnifiques Leslie Mann (topless pour l’occasion) et Olivia Wilde, fait partie des meilleurs moments du film.
Vous l’aurez compris, sans être une réussite, Échange standard reste l’une des comédies les plus recommandables de ce mois-ci.
Réalisation : David Dobkin
Scénario : Jon Lucas et Scott Moore
Production : David Dobkin et Neal H. Moritz
Bande originale : John Debney
Photographie : Eric Alan Edwards
Montage : Lee Haxall
Origine : Etats-Unis
Titre original : The change-up
Date de sortie : 28 décembre 2011
NOTE : 3/6