Environ quarante projections en dix jours, ce fut ma Berlinale 2012 à moi et c’est déjà énorme ! Mais ce n’est « rien », pour ainsi dire, à l’échelle des quatre cents films montrés dans la capitale allemande du 9 au 19 février. Cette démesure a une conséquence évidente : pour s’y perdre le moins possible, on a tendance à faire des choix radicaux, et donc à « zapper » des sections entières. Je m’en serai ainsi tenu presque exclusivement à la Compétition Officielle et à la section parallèle Perspektive Deutsches Kino, consacrée au nouveau cinéma allemand et pour laquelle j’étais membre du jury jeune franco-allemand Dialogue en Perspective (voir onglet « Autres sections »). Très vite, le Panorama, que l’on pourrait qualifier grosso modo d’équivalent berlinois du « Un Certain Regard » cannois, s’est par exemple avéré décevant : je parle du moins des nouveaux opus de deux cinéastes d’importance, qui y étaient présentés. Tony Gatlif livre un Indignados dont on s’étonne qu’il soit si superficiel quand on sait la rage qui en a initié la réalisation, tandis que l’ex-grand Volker Schlöndorff signe avec La Mer à l’Aube un sous-téléfilm sur Guy Mocquet, trop atroce pour que j’aie trouvé la force de le voir en entier !
En ce qui concerne la Compétition Officielle, je n’ai – là encore – pas pu tout voir. Tout sympathique qu’il soit, toujours là pour mener les équipes des films du tapis rouge jusqu’à leur siège avec un sourire jusqu’aux oreilles, le Président Dieter Kosslick a parfois une posture qui peut agacer. Visiblement en quête d’un nouveau prestige pour son festival, qui perd toujours un peu plus de terrain par rapport à un Cannes omnipotent, il s’impose à lui-même des règles plus strictes qu’il ne faudrait. Pourquoi se contraindre à sélectionner presque uniquement des premières mondiales et ne pas accepter que la plupart des films présentés soient déjà sortis ne serait-ce que dans leur pays d’origine (c’est la règle à laquelle Cannes se tient la plupart du temps) ? Ce faisant, la direction de la Berlinale réduit de fait l’éventail des films qu’elle peut retenir, et prive d’une sélection en compétition des films certes moins prestigieux intellectuellement mais non moins aboutis artistiquement, tels que Shadow Dancer de James Marsh, déjà présenté à Sundance avant sa projection hors-compétition à Berlin. On conseille ainsi à Klaus Wowereit, le Maire de la capitale allemande, de s’y reprendre à deux fois avant de dire, dans son discours inaugural : « Qui a besoin des palmiers quand le cœur du cinéma est à Berlin ? ». En attendant, c’est bien à Cannes que l’on retrouvera des cinéastes majeurs tels que Terrence Malick, Michael Haneke, Wong Kar-waï, Woody Allen, Jacques Audiard, Paul Thomas Anderson, Olivier Assayas ou Wes Anderson.
Toujours est-il que, même privée de très grand nom (Brillante Mendoza, Benoît Jacquot et Billy Bob Thornton n’en sont pas vraiment, les Taviani étaient en perte de régime depuis plus de vingt ans et ont créé la surprise en faisant leur come-back et en remportant l’Ours d’Or), la Compétition Officielle fut globalement d’un très bon niveau cette année. Seuls deux des treize films que j’y ai vus étaient réellement convenus : l’Allemand Un Week-end en Famille (Was bleibt) de Hans-Christian Schmid était une caricature du drame familial intimiste et l’Espagnol Dictado ne proposait pas grand-chose de plus qu’un cahier des charges du thriller psychologique. Pour le reste, bien des films savaient précisément déjouer une banalité qui les guettait sur le papier : Les Adieux à la Reine n’est pas la fresque historique académique qu’ont décriée certains mais une représentation à fleur de peau de l’Histoire, admirable avant tout pour la cohérence de son parti-pris, Barbara propose un nouveau regard sur la RDA en établissant le cadre historique par quelques touches qui suffisent à établir une tension étouffante, et Rebelle déjoue le sensationnalisme de son sujet – les enfants-soldats en Afrique – en mariant à un réalisme cru le surnaturel poétique des visions de sa jeune héroïne.
Tout le monde attendait beaucoup de lui, mais le jury présidé par Mike Leigh n’a pas toujours su récompenser les propositions les plus frappantes de la Compétition. Sans les avoir vus, je m’étonne des prix attribués au Chinois White Deer Plain et au Danois Royal Affair qui, semblant trop académiques, ne m’ont à vrai dire même pas tenté. Reste que plusieurs de mes opus préférés figurent au palmarès : parce que les très bons films étaient selon eux plus nombreux que les prix à attribuer, les jurés ont accordé une mention spéciale au très beau L’Enfant d’en haut qui méritait au moins ça (j’aurais bien donné les prix d’interprétation au tout jeune Kacey Mottet Klein et à Léa Seydoux). L’Ours d’Or pour César doit mourir récompense l’une des propositions artistiques les plus passionnantes de la sélection, où les niveaux et les genres – documentaire, fiction, pièce de théâtre jouée à l’écran – s’entremêlent et offrent quelques moments de vertige, et confirme surtout ce que la sélection du film laissait espérer : un retour ultra-tardif, à plus de quatre-vingts ans, des frères Taviani à un cinéma dynamique et réellement créatif. Car disons-le, ils n’avaient presque rien fait de bon depuis leur Palme d’Or Padre Padrone (1977) ou Kaos (1983)… Mais mon Ours d’Or à moi, ça aurait assurément été Tabou du Portugais Miguel Gomes, visiblement déçu de n’être reparti « qu’avec » le Prix Alfred-Bauer, qui récompense une œuvre particulièrement innovante. Innovent ? Difficile à dire. Le cinéaste affirme avoir signé une œuvre « à l’ancienne », mais propose effectivement une utilisation réfléchie de son support (une partie en 35mm, une autre en 16mm) qui a une drôle de résonance à une heure où le passage au tout numérique est imminent. Et si l’utilisation des différents formats cinématographiques était amenée à faire plus de sens que jamais au moment même où l’on va vers la réduction de leur nombre ?
Les Adieux à la Reine
À moi seule
Aujourd’hui
Barbara
Captive
César doit mourir
Dictado
L’Enfant d’en haut
Postcards from the Zoo (Kebung Binatang)
Metéora
Rebelle
Tabou
Un Week-end en Famille (Was bleibt)
White Deer Plain (Bai Lu Yuan)
Just the Wind
Royal Affair
Mercy (Gnade)
Jayne Mansfield’s Car
Le palmarès (Compétition Officielle) :
Ours d’Or du meilleur fillm
César doit mourir, de Paolo et Vittorio Taviani (Italie)
Ours d’Argent – Grand Prix du Jury
Csak a szel (Just the Wind) de Bence Fliegauf (Hongrie)
Ours d’Argent du meilleur réalisateur
Christian Petzold pour Barbara (Allemagne)
Ours d’Argent de la meilleure actrice
Rachel Mwanza pour Rebelle de Kim Nguyen (Canada)
Ours d’Argent du meilleur acteur
Mikkel Boe Folsgard pour En Kongelig Affaere (A royal Affair) de Nikolaj Arcel (Danemark)
Ours d’Argent de la meilleure contribution artistique
Lutz Reitemeier pour la photo de Bai Lu yuan (White Deer Plain) de Wang Quan’an (Chine)
Ours d’Argent du meilleur scénario
Nikolaj Arcel et Rasmus Heisterberg pour En Kongelig Affaere (A royal Affair) de Nikolaj Arcel (Danemark)
Prix Alfred Bauer, récompensant un oeuvre particulièrement innovante
Tabou de Miguel Gomes (Portugal)
Ours d’Argent – Prix Spécial
L’Enfant d’en Haut d’Ursula Meier (Suisse/France)
Le jury international pour la Compétition Officielle se composait de :
– Mike Leigh, réalisateur britannique (lire notre rétrospective intégrale)
– Anton Corbijn, réalisateur, photographe et designer hollandais (Control, 2007, The American, 2010)
– Asghar Farhadi, réalisateur iranien (Ours d’Or en 2011 pour Une Séparation)
– Charlotte Gainsbourg, actrice franco-britannique
– Jake Gyllenhaal, acteur américain
– François Ozon, réalisateur français
– Boualem Sansal, écrivain algérien
– Barbara Sukowa, actrice allemande (notamment dans Berlin Alexanderplatz, 1980 et Lola, une Femme allemande de Rainer Werner Fassbinder)
VUS :
4 LES ADIEUX A LA REINE
France/Espagne
De Benoît Jacquot (La Fille seule, L’Intouchable, Villa Amalia)
Avec Léa Seydoux, Diane Kruger, Xavier Beauvois, Virginie Ledoyen, Noémie Lvovsky
Sortie française le 21 mars
La 62e Berlinale s’est offerte une ouverture classieuse avec le nouveau film de Benoît Jacquot et sa distribution féminine prestigieuse (Léa Seydoux, Diane Kruger, Virginie Ledoyen). Assez froidement accueilli, le film mérite pourtant d’être considéré au-delà de son statut « officiel » de fresque historique, nous offrant avant tout la chronique d’une passion démesurée…
3 A MOI SEULE
France
De Frédéric Videau (Le fils de Jean-Claude Videau, Variéte Francaise)
Avec Agathe Bonitzer, Reda Kateb, Hélène Fillières, Noémie Lvovsky
Sortie française le 4 avril
Après qu’il l’a séquestrée pendant huit ans, Vincent (Reda Kateb) laisse Gaëlle (Agathe Bonitzer) s’échapper. Si on l’écrit d’emblée, c’est pour coller au parti-pris de Frédéric Videau, qui ouvre son film par cette évasion. Ainsi, le cinéaste exclut clairement des enjeux du film celui de savoir quand et comment Gaëlle s’enfuira de chez son kidnappeur. Ce qui l’intéresse, ça n’est pas tant l’évènement que son avant et son après : la longue vie commune (contrainte) de Vincent et Gaëlle, la réintégration de cette dernière dans la vie « normale », les retrouvailles avec des parents qui ne l’ont pas vue grandir. Certes le film fut-il inspiré par un fait divers survenu en Autriche (l’histoire de Natascha Kampusch), mais l’intention de s’en démarquer est explicitement exprimée dès le début par un carton. De toute manière, Videau s’attache tant aux sentiments et au parcours psychologique de ses personnages qu’il n’aurait pu s’aventurer dans une tentative de restitution précise de faits avérés : ce qui se passe dans la tête de Vincent et surtout dans celle de Gaëlle est souvent un mystère pour le spectateur. Ce parti-pris de montrer l’avant- et l’après-évasion en tentant bien entendu d’établir des liens entre eux (sans que le montage parvienne toujours à se montrer pertinent) établit une configuration émotionnelle complexe. Enlevée à dix ans, dans des circonstances que – là encore – le réalisateur ne s’attarde pas à mettre en scène et évoque simplement au détour d’un dialogue, Gaëlle s’est peu à peu faite une raison : Vincent l’enferme dans un monde dont il est l’unique autre habitant, le chef qui établit les règles, le père intransigeant, l’amant potentiel (la question se fait plus entêtante, comme un grondement sourd, à mesure que Gaëlle grandit dans les flash-backs). Elle ne l’aimera jamais, lui dit-elle, mais, de fait, ce face-à-face contraint laisse des traces profondes en elle dont elle a conscience avant et après son évasion.
Les moments les plus forts du film sont assurément ceux qui laissent entrevoir ce lien profond. Le court instant d’hésitation de Gaëlle lorsqu’elle court hors de la maison après que Vincent lui a délibérément laissé la porte ouverte est décisif. Lorsque ce lien est explicité par les dialogues, cela peut donner également de belles montées d’émotion : ainsi cette conversation de l’adolescente avec sa mère (Noémie Lvovsky, bouleversante en quelques scènes) où elle lui dit simplement qu’elle ne s’est pas échappée. Entre ces deux extrêmes, les actes décisifs et la théâtralité des dialogues de certains passages, le film opte pour une sobriété appréciable dans l’absolu mais qui explique que le tout manque d’émotion. Le jeu tout en retenue d’Agathe Bonitzer ne remporte pas toujours le pari qui le fonde, à savoir nous laisser deviner, dans de nombreux et longs silences, le trouble psychologique du personnage. La trajectoire de l’héroïne, à la puissance de vie telle qu’elle ne porte qu’à peine de jugement moral sur les épreuves qu’elle traverse, peine à trouver son souffle…
4 AUJOURD’HUI
France/Sénégal
D’Alain Gomis (L´Afrance, Andalucia)
Avec Saul Williams, Aïssa Maïga
Sortie française le 9 janvier 2013
Alain Gomis évoque comme source d’inspiration pour son troisième long-métrage Aujourd’hui une légende africaine : un homme croise la Mort dans un marché. Affolé, il s’enfuit dans le désert. Mais la Mort recroise alors son chemin et lui dit : « J’étais étonnée de t’avoir aperçu ce matin au marché, c’était ici que je t’attendais. » C’est dans ce même registre que s’ouvre le film, par un carton : « Par ici, il arrive que la Mort prévienne encore de sa venue. Cela se passe la veille, comme une certitude qui descend dans les corps et les esprits de celui qui est choisi et de ses proches. » Pas de folklore ni de fantastique ici : très vite, on comprend que le film fait de cet étonnant présupposé le point de départ d’une errance réflexive. La première séquence, où Satché (joué par le musicien américain Saul Williams) sort d’une chambre à coucher chez sa mère et où celle-ci, en larmes, se jette dans ses bras, suivie par toute la fratrie, donne de « la » : passée l’explication initiale ultra-succincte, le film n’explique plus rien, nous laisse face au seul déroulement de la journée. En quelque sorte, le travail de pénétration du corps et de l’esprit par cette idée d’une mort prochaine s’opère chez nous pendant les quatre-dix minutes de métrage comme il s’est opéré chez les personnages avant même que le film ne débute. On pense à Orfeu Negro de Marcel Camus (1959) lorsqu’une ambiance carnavalesque saisit la banlieue de Dakar que Satché traverse, salué par tous avec une bonne humeur acharnée qui sonne presque faux, comme si, lorsque la mort est imparablement proche, il valait mieux la célébrer que s’en effrayer.
Ce motif de la marche sera bel et bien là tout au long du film : le personnage traverse les rues, salue les passants et s’arrête plusieurs fois chez de vieilles connaissances : une ancienne amante (Aissa Maiga, comme toujours éblouissante) ou encore l’homme auquel il demande de se charger de laver son corps le lendemain, lorsqu’il sera mort. La quasi-absence d’enjeux dramatiques qui marqueraient des étapes du film vers sa destination finale inéluctable laisse entrevoir quelque chose de terrible : la vie de Satché se termine bientôt, et tout lui fait comprendre qu’elle n’aura pas été très remplie. « Tu vas mourir et tu n’as rien fait » lui dit le personnage d’Aissa Maiga. On apprend que Satché est tout juste rentré d’un séjour aux Etats-Unis, sans que ses amis comprennent pourquoi il a voulu quitter le faste américain pour les rues mal goudronnées et l’horizon social bouché de la capitale sénégalaise. Peut-être le personnage anticipait-il, sans le savoir, ses adieux à la vie : revenir à ce qu’il est au fond de lui, à ses racines, se trouver une place dans le monde à travers le regard que les autres portent sur lui : c’est ce que le film s’attache discrètement à dépeindre, sans tapage, par petites touches. Le caléidoscope d’images de lui-même que les différents seconds rôles lui renvoient (sa mère le porte aux nues, ses sœurs font l’inventaire de ses défauts, etc.) plonge Satché – et nous avec – dans une réflexion entêtante. Mais ce que le film a assurément de meilleur, et parfois de bouleversant, c’est cette restitution des adieux purement sensitifs à la vie. Le jeu sur la lumière éblouissante du soleil, puis sur le déclin précipité du jour aurait assurément pu être davantage dramatisé, car il aurait permis de faire percevoir l’approche de la fin par les images même, nous la faire percevoir physiquement à chaque instant. Mais les gros plans et les ralentis qui subliment littéralement la famille du personnage dans les derniers instants du film resteront parmi les plus belles images de cette Berlinale.
3 BARBARA
Ours d’Argent de la meilleure réalisation
Allemagne
De Christian Petzold (Contrôle d’Identité, Fantômes/Gespenster, Yella, Jerichow)
Avec Nina Hoss, Ronald Zehrfeld
Sortie française le 2 mai
Tous les films de l’Allemand Christian Petzold savent être à la fois aux prises avec le réel – caractéristique principale de l’Ecole Berlinoise dont il est l’une des figures de proue – et faire sourdre de celui-ci quelque chose d’autre, de mystérieux. Ce quelque chose est toujours, d’une manière ou d’une autre, fantomatique. Tandis que Gespenster (2005) veut littéralement dire « Fantômes » et que l’héroïne de Yella (2009) s’avère elle-même être un fantôme, la famille de fugitifs politiques de Contrôle d’Indentité (2002) menacent d’en devenir s’ils continuent à refuser de vivre pleinement. Dans Barbara, l’héroïne se trouve dans un entre-deux, dans une sorte d’antichambre à la vie future et idéalisée qu’elle s’est planifiée. Médecin dans un prestigieux hôpital du Berlin de 1980, Barbara (Nina Hoss) a osé faire une demande de visa pour partir refaire sa vie en Allemagne de l’Ouest. En guise de punition, elle a été transférée dans un petit hôpital perdu en province, loin de tout. En réaction aux images galvaudées que le cinéma a données à voir de la RDA depuis la chute du Mur, Petzold sort le régime communiste de ses représentations traditionnelles pour le montrer comme un cadre dans lequel des hommes et des femmes vivaient malgré tout. Mais même sans une image grisâtre qui surlignerait la dureté du quotidien de ce temps-là, le film a quelque chose de mortifère qui tient à son personnage principal. L’héroïne paraît errer dans les couloirs du petit hôpital et dans sa campagne environnante comme un esprit en attente de son incarnation, d’un rapport vivant à ce (ceux) qui l’entoure(nt).
Le film repose sur cette tension entre un environnement sociopolitique enfin dépeint avec naturel et un personnage qui a au contraire quelque chose d’inhumain. Barbara est pour le personnel de l’hôpital et les agents de la STASI qui la surveillent un objet de fascination. Cela est posé dès les premières images, où le docteur André (Ronald Zhrfeld) et l’agent Schütz (Rainer Bock) auquel il doit faire ses rapports observent la jeune femme fumer une cigarette sur un banc avant d’entamer son premier jour de travail. Barbara a une aura mystérieuse qui tient moins au fait qu’elle vienne de la capitale allemande (cela fait son effet sur quelques employés, il est vrai) qu’à son étrange renoncement à vivre pleinement. Il y a bien ses patients pour la sortir de sa torpeur et la pousser à s’impliquer dans son travail, notamment Stella (Jasna Fritzi Bauer), une jeune femme enceinte qui ne cesse de s’enfuir de ces « maisons de travail » qui ne sont rien d’autre que les camps de concentration du régime. Ou ce Nocturne de Chopin (le n°6, qui rythmait déjà une scène-clé de Voyage au Bout de l’Enfer dont Petzold a bien sûr le souvenir) qu’elle joue chez elle avant d’être interrompue par une voiture qui passe devant sa fenêtre pour la surveiller. Ou encore cette belle lumière qui, souvent, semble vouloir venir la réchauffer, l’inviter à revenir à la vie. Mais rien n’y fait, et pendant presque toute la durée du métrage, Nina Hoss conserve le même jeu figé. Tout cohérent que soit l’ensemble, on ne peut s’empêcher de regretter que Petzold nous refuse des sursauts émotionnels qui viendraient nous tirer de la torpeur dans laquelle, mine de rien, son film nous plonge.
>>> Lire notre entretien avec Christian Petzold
4 CAPTIVE
France/Philippines/Allemagne/RU
De Brillante Mendoza (Serbis, Kinatay, Lola)
Sortie française le 19 septembre
C’est bien sûr lors du Festival de Cannes 2009 que Brillante Mendoza et Isabelle Huppert se sont rencontrés. Elle était présidente du jury, lui est reparti avec un Prix de la mise en scène assez controversé pour Kinatay, ce geste cinématographique insensé qui ne s’encombre d’aucune contrainte, jusqu’à toucher aux limites de la propension du public à se confronter à la violence. Autant que la radicalité de ses partis-pris formels, le cinéaste philippin revendique les visées politiques de plusieurs de ses films, qui naissent de son besoin de dénoncer de sombres phénomènes à l’œuvre dans son pays depuis quelques années. Avec Captive, il évoque quelque chose de plus ample encore que la criminalité à Manille : les prises d’otages récurrentes que les Philippines connaissent depuis une dizaine d’années. Le cinéaste choisit de revenir au gros évènement qui a lancé cette terrible vague : l’enlèvement de plus d’une vingtaine de Philippins et de touristes venus d’Occident par le groupe terroriste islamiste Abu Sayyaf. Certains d’entre eux sont restés captifs pendant plus d’un an, de mai 2001 à juin 2002. Pour un cinéaste qui aime faire se dérouler ses histoires sur un temps limité, parfois sur une seule journée, le changement de temporalité est radical ! Mais par un décompte des jours d’abord assez régulier puis fait de bonds d’ampleur complètement aléatoire, il sait admirablement restituer le dérèglement des otages, jusqu’à celui de leur perception de l’écoulement du temps. L’autre changement d’échelle s’opère sur le plan spatial : si le film se déroule sur une seule et même île, celle-ci est un vaste espace sauvage et hostile dont la traversée est une épreuve de tous les instants. Sur le trajet en mer, entassés dans un petit bateau, où dans la marche épuisante à travers la jungle, la caméra vient écraser les otages en des zooms vertigineux. On retient tout particulièrement celui, hallucinant, qui passe des nuages dans le ciel aux arbres, puis au personnage d’Isabelle Huppert avant de montrer jusqu’aux fourmis sur le sol.
Par une telle prouesse plastique, Mendoza semble vouloir mettre tristement en perspective le sort de ce groupe avec les dizaines d’autres évènements de ce type survenus dans son pays en une période relativement courte. Un autre passage du film renverra les otages à leur quasi-insignifiance aux yeux de tous (des gouvernements qui tardent à négocier, de l’armée philippine qui intervient avec une puissance de tir démesurée et désordonnée, jusqu’à causer la mort accidentelle de plusieurs otages) : l’annonce à la radio des attentats du World Trade Center. La scène est déchirante : à l’horreur ultime de l’évènement vient s’ajouter celle toute personnelle des captifs, certains désormais qu’ils ne trouveront de place ni dans les médias ni dans les agendas gouvernementaux et militaires pour au moins quelques semaines. Lorsqu’un élément – visuel ou narratif – rappelle ainsi l’isolement du groupe, le spectateur n’est que plus intensément ramené à l’épreuve que celui-ci traverse et qui est fondamentalement physique. Comme toujours chez Mendoza, nous sommes invité à faire partie du film, mais à occuper une place d’accompagnateur-observateur passif du calvaire d’autrui. L’épreuve est ici d’une nature assez différente de celle vécue dans Kinatay par exemple, en ce que sa caractéristique principale est la durée, l’inlassable répétition dans le temps des violences, les démons continuellement présents de la faim et de la peur. On se surprend ainsi à souffler d’épuisement lorsqu’une nouvelle séquence débute, séparée de la précédente par une longue période : dans l’ellipse en question, on se représente (on plutôt on ressent, dans son corps) l’épuisement terrible des otages.
Captive a donc à offrir avant tout une expérience physique, de même que le tournage a été, pour les acteurs, dénué de toute psychologie, Mendoza refusant de leur livrer quelque script que ce soit et jouant avec les effets de surprise et la dureté des conditions naturelles pour tirer de ses interprètes une tension réelle – un défi qu’Isabelle Huppert a cherché en souhaitant travailler avec le cinéaste, et qui mérite qu’on redise qu’elle est l’une de nos actrices les plus stimulantes encore aujourd’hui. Mais réciproquement, le film n’a-t-il pas à offrir « que » cette dimension sensorielle, cette restitution précise d’une épreuve ? Le réalisateur a beau en présenter autre chose en interview – une vision de l’humanité où chacun est captif de sa propre cause, on peine à se raccrocher à quoi que ce soit – et notamment à de vrais personnages épais et intéressants – alors qu’on en éprouve par moments le besoin, l’expérience cessant alors d’être percutante pour devenir lassante et révéler une certaine vacuité…
4 CÉSAR DOIT MOURIR
Ours d’Or
Prix du jury oecuménique
Italie
De Paolo et Vittorio Taviani (Padre Padrone, La Nuit de San Lorenzo, Fiorile)
Sortie française le 17 octobre
On n’aurait pas parié sur une victoire italienne à la dernière Berlinale, et encore moins sur celle des doyens Taviani, qui ne faisaient que décevoir depuis au moins vingt ans. C’était sans compter sur la fraîcheur retrouvée de leur dernier opus, un film-expérience au statut ambigu et au trouble fascinant…
2 DICTADO (CHILDISH GAMES)
Espagne
D’Antonio Chavarrías (producteur de Fausta de Claudia Llosa, Ours d’Or 2009)
Espagne + effroi + enfant : voilà une recette qui a fonctionné du tonnerre dans quelques films marquants de la dernière décennie : Les Autres d’Alejandro Amenabar (2001), L’Echine du Diable de Guillermo Del Toro (2002) et L’Orphelinat de Juan Antonio Barona (2008). La singularité de Dictado d’Antonio Chavarriás, unique film hispanophone de la Compétition Officielle cette année, c’est qu’il offre au genre un cadre à priori bien plus réaliste que ses prédécesseurs. Disons que le Barcelone contemporain dans lequel l’action est située est bien loin des maisons, pensions ou orphelinats des films précédemment cités. Daniel (Juan Diego Botto) et Laura (Barbara Lennie, qui tenait un second rôle dans La Piel que habito) forment un beau couple d’instituteurs. A l’école, Daniel est approché par un homme à l’air ahuri, un peu fou, qui s’avère être Mario, un ami d’enfance, avec lequel il avait passé tout un été à la campagne. Il est inquiet au sujet de sa fille, Julia (Magica Perez), six ans, et demande à Daniel de la rencontrer. Bientôt, Marion se suicide et le couple en vient à recueillir l’enfant. Tandis que Laura voulait un enfant depuis longtemps, Daniel est réticent, pour des raisons qui tiennent à son enfance : ce fameux été, lui et Mario ont été impliqués dans un incident ayant entraîné la mort de la soeur ce dernier, Clara. Lorsque Julia emménage, elle tisse très vite des liens avec Laura, mais une tension monte entre elle et Daniel.
A mesure que l’histoire dévoile ses secrets, on réalise à quel point le personnage principal est hanté par le monde de l’enfance, ce qui explique peut-être son choix d’être enseignant comme un acte auto-flagellateur, comme le paiement d’une dette à l’innocence… A de rares moments frappants, cette normalité que le quotidien des personnages conserve en surface se voit violemment perturbée. La scène où, tandis que Julia prend son bain, son père rentre à son tour dans la baignoire et s’y donne la mort, le sang se mêlant lentement à l’eau qui déborde de toutes parts, est certainement la seule image du film qui parvienne à durer en nous pour quelque temps. Il y a bien le grand regard noir de la petite Magica Perez, qu’Antonio Chavarriás confie avoir cherchée pendant des mois, mais cela ne suffit en rien à nous sortir de la torpeur dans laquelle on se trouve vite plongé. Car, autant dans son atmosphère visuelle grisâtre que dans sa musique orchestrale qui surligne chaque micro-enjeu, le film est finalement très convenu. Restent quelques hommages au Vertigo / Sueurs froides d’Hitchcock, avec un personnage hanté par un autre mais qui est cette fois une enfant, et avec également l’épisode du ruban rouge qui renvoie au chignon dans le chef-d’œuvre que l’on évoque. Le final de Dictado montre qu’il n’a rien d’autre à nous livrer que son strict cahier des charges. Non, Chavarriás, ne mérite même pas la comparaison avec Amenabar, Del Toro et Barona – encore moins avec Hitchcock, cela va sans dire – et l’on se demande même un peu ce qu’il fait dans la Compétition Officielle de cette Berlinale…
4 L’ENFANT D’EN HAUT
Ours d’Argent spécial
Suisse/France
D’Ursula Meier (Home)
Avec Léa Seydoux, Kacey Mottet Klein, Gillian Anderson, Martin Compston
Sortie française le 18 avril
Le film n’a l’air de rien, comme ça, avec ses personnages équipés pour faire du ski. Mais la montagne n’est qu’une toile de fond (remarquablement utilisée) pour le second long-métrage de la réalisatrice de Home (2008), qui nous offre une relation complexe et finalement bouleversante entre deux personnages dont les interprètes auraient bien mérité des Ours d’Argent berlinois…
>>> Lire la critique du film
>>> Lire notre entretien avec Ursula Meier
0 POSTCARDS FROM THE ZOO (KEBUN BINATANG)
Indonésie/Allemagne/Chine/Hong-Kong
D’Edwin
Une gamine est abandonnée par son père dans un zoo de Jakarta. Elle y est élevée par les employés et en permanence au contact des animaux. Le zoo est sa seule maison, jusqu’à ce qu’un mystérieux jeune homme habillé en cow-boy ne vienne l’en sortir… Parce qu’il est présenté à la Berlinale après Bestiaire de Denis Côté (Forum) et ses longs plans fixes qui parvenaient à rendre les animaux fascinants, ou encore le magnifique Tabu et ses bêtes sauvages mélancoliques dignes d’Apichatpong Weerasethakul, ce film indonésien ne paraît que plus vain encore. Rien n’y opère : ni la mélancolie de pacotille, ni la fascination censée être exercée par les animaux filmés de manière sur-esthétisée. Si Dieter Kosslick ne l’a sélectionné que pour faire de la Berlinale le premier grand festival à présenter un film indonésien en compétition, alors c’est pathétique.
4 METEORA
Allemagne/Grèce
De Spiros Stathoulopoulos (PVC-1)
Metéora veut dire en grec « suspendu dans les airs ». C’est à la fois le nom des célèbres monastères orthodoxes situés dans les plaines de Thessalie et celui du deuxième long-métrage du cinéaste gréco-colombien Spiros Stathoulopoulos, après PVC-1 qui s’était fait remarquer à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes en 2007 entre autres parce qu’il n’était constitué que d’un seul et unique plan-séquence. On retrouve ce goût pour la prouesse dans ce second opus. Il se manifeste ne serait-ce que par le fait d’avoir situé une histoire au pied et au sommet de ces hautes colonnes de grès vieilles de millions d’années et d’avoir pénétré ces lieux de recueillement après des négociations peu évidentes avec les autorités religieuses locales. Après avoir tourné son premier long dans la Colombie de sa mère, le cinéaste éprouvait le besoin de renouer avec les racines grecques héritées de son père. Il dit avoir pensé immédiatement à ce décor presque surréaliste. Comme dans un autre film de la Compétition Officielle de la 62e Berlinale, L’Enfant d’en haut de la Suisse Ursula Meier, le point de départ est ici un cadre qui est en lui-même déjà porteur de fiction, ou qui du moins renferme par essence une symbolique. Metéora, ce sont ces deux immenses rochers avec chacun à son sommet un monastère, l’un réservé aux hommes, l’autre aux femmes ; entre les deux, une vallée parsemée de quelques habitations rurales ; et au-dessus, le ciel – ou le Ciel, devrait-on plutôt écrire. Parfois, il arrive que les nuages qui passent lentement sous les monastères cachent les monolithes, donnant ainsi l’illusion que Metéora est bel et bien « suspendue dans les airs ». Comme le dit le réalisateur, cette image des monastères flottants est « une allégorie de l’âme humaine perpétuellement suspendue entre une existence spirituelle et une existence séculaire ». Dans ces moments où les deux bâtiments « flottent », une symétrie percutante est atteinte : Metéora est prise entre le ciel et la terre, entre le Paradis et l’Enfer.
C’est l’armature simple de l’histoire du jeune moine Theodoros et de la nonne Urania : alors qu’ils ont voué leurs vies à Dieu, une tendresse grandissante entre eux remet en question leur vie monastique. C’est aussi cette configuration qui définit la dialectique de l’œuvre entière : une constante tension entre le mystique et le tellurique. Stathoulopoulos ne choisit pas entre deux approches qui correspondraient respectivement à un pôle ou à un autre, il confronte les deux pour mieux mettre en relief le dilemme moral de ses personnages. On a ainsi, d’une part, ces instantanés dépouillés de la vie des paysans dans la vallée, auxquels Theodoros rend fréquemment visite. On y discute des cycles éternels de la vie et on voit ceux-ci à l’œuvre, avec la naissance, la traite et l’abattage des bêtes filmés au fil des saisons. Il y a aussi ces scènes récurrentes d’oraison qui, bien qu’elles montrent les personnages dans leur lien à Dieu, appartiennent bel et bien au pan tellurique du film en ce qu’elles nous placent, dans de beaux éclairages naturels, au plus près de la chair – et notamment de celle d’Urania qui s’auto-flagelle après s’être masturbée. Pour mettre en scène le second pôle, mystique, le cinéaste recourt à un surprenant outil : l’animation. Inspirés par l’esthétique des icônes orthodoxes byzantines, les passages animés sont de petits bijoux. En même temps qu’ils tirent le film du côté de la fable et accentuent la symbolique du décor naturel en représentant les Enfers sous-terraines dans lesquels les personnages menacent de tomber, ils permettent une représentation directe et démesurée des troubles de l’âme des deux amants. Ainsi Urania s’imagine-t-elle périr en Enfer après que le grès de Metéora s’est fissuré sous ses pieds, tandis que Theodoros, dans le moment le plus follement beau du film, se voit en pécheur ultime crucifier lui-même Jésus, déclenchant un torrent de sang qui envahit progressivement l’écran.
Dans le dernier temps du métrage, Statoulopoulos parvient à renoncer cet outil de l’animation et à porter ses images en prise de vue réelle à un degré de surréalisme que l’on n’attendait pas. Lorsque les amants franchissent finalement le pas et font l’amour dans les ténèbres d’une grotte, renonçant ainsi tacitement à leurs vœux, la poussière que l’on voit dans le rai de lumière qui les éclaire semble être de la fumée. De la fumée venue des Enfers. Et lorsque les amants quittent les hauteurs de Metéora, main dans la main, pour refaire leurs vies ensemble, on les quitte en train de dévaler une pente, symbolique que le Russe Alexandr Sokourov décline tout le long de son récent Faust. En assumant sa stylisation et son symbolisme jusqu’au bout, Metéora pourra paraître à certains n’être qu’un film vain à force d’être sur-maîtrisé, de ne rien laisser au hasard. Les autres seront transportés pour un bon moment par son souffle mystique…
4 REBELLE
Ours d’Argent de la meilleure actrice pour Rachel Mwanza
Prix du jury oecuménique – Mention spéciale
Canada
De Kim Nguyen
Sortie française le 28 novembre
Déjouant les attentes des spectateurs vis-à-vis de son sujet – les enfants-soldats en Afrique, Rebelle n’a de parenté avec un certain « cinéma du réel » qu’au stade de son tournage : l’actrice principale, Rachel Mwanza, qui a empoché l’Ours d’Argent de la meilleure actrice au nez et à la barbe d’artistes confirmées telles qu’Isabelle Huppert, Léa Seydoux ou Nina Hoss, est une « fille des rues » que le réalisateur canadien a dénichée au Congo ; les interprètes étaient dirigés au jour le jour, sans avoir le droit de lire le script à l’avance, etc. Le résultat à l’écran est, en revanche, bien plus atypique dans son rapport au réel, et c’est tant mieux. Collant finalement à son sujet, Kim Nguyen choisit de mêler à un réalisme cru des visions oniriques et toute une atmosphère nourrie de légendes africaines. Les visées symboliques et universelles du film transparaissent à travers le seul parti-pris de ne pas spécifier le lieu de l’action. Voici une guerre civile en Afrique, une de plus. Après que son village est brûlé par des rebelles et que ses parents sont assassinés, Komona est enrôlée de force comme enfant soldat dans la jungle – une de plus. Son commandant brutal ne l’entraîne pas seulement à manier des armes, il la force aussi à coucher avec lui. Cherchant une échappatoire à l’horreur, elle se tourne vers un garçon un peu plus âgé, aux cheveux clairs, qu’elle appelle le Magicien et dont elle tombe amoureuse… Dès les premières images, quelque chose de surréel flotte dans l’air. Les images trop belles (comme si cette beauté n’était là que pour rendre plus cruels encore les ravages qui surviendront fatalement) et la musique atonale suffisent à faire planer une tension sur le petit village de l’héroïne. On sent comme une attente dans ces plans rapprochés sur les regards alertes des habitants ou dans ceux, larges, qui montrent les baraques de fortune depuis l’eau d’où arriveront effectivement les rebelles. Dans ce début comme dans tout le film, la puissance émotionnelle vient de cette alternance de moments calmes, contemplatifs, comme en apesanteur, et de déferlantes de violence extrême montrées sans concession (les balles font mal comme rarement, les sons des tirs ayant certainement été retravaillés en post-production). Cette alternance et la cohabitation de la réalité des horreurs faites aux enfants et des croyances avec lesquelles ceux-ci mettent en perspective leur sort font de Rebelle une œuvre fascinante qui, heureusement, parvient à rendre plus marquante encore l’évocation de son sujet que si celle-ci avait été exclusivement réaliste. On pense notamment à ces silhouettes au corps peint de blanc qui errent dans la jungle et hantent Komona : ce sont les fantômes des victimes de ces affrontements auxquels elle prend part. Le film parvient à mettre en relief la simplicité fondamentale de l’acte de tuer : à peine a-t-elle été contrainte de tirer sur ses parents que Komona s’entend dire « tu es maintenant une rebelle » ; presque immédiatement après son assassinat, un personnage devient l’un de ces fantômes blancs. En le mettant ainsi en images et en histoire, le film sait ramener le meurtre à son horrible essence.
5 TABOU
Prix Alfred Bauer
Prix FIPRESCI (Fédération internationale de la presse cinématographique)
Portugal/Allemagne/Brésil/France
De Miguel Gomes (La Gueule que tu mérites, Ce cher Mois d’août)
Sortie française le 5 décembre
A mi-parcours, la compétition Berlinale se trouve enfin un film pour la dominer nettement. Les images de cet objet cinématographique étrange et fascinant, où présent et passé, réalité et fantaisies de l’esprit impactent les uns sur les autres, nous marqueront assurément pour un bon bout de temps.
1 UN WEEK-END EN FAMILLE
Allemagne
De Hans-Christian Schmid (Requiem, La Révélation – Storm)
Sur le papier, Hans-Christian Schmid avait tout à fait sa place en Compétition Officielle à la Berlinale. Ne serait-ce que ses deux derniers films, Requiem (2006), drame familial marqué par les croyances religieuses, et La Révélation – Storm (2010), thriller politique glaçant, en faisaient un cinéaste qui compte dans le paysage cinématographique allemand. Mais une fois qu’on a vu son nouvel opus Was bleibt (« Ce qui reste »), tristement traduit Un Week-end en famille, on n’en vient pas seulement à s’interroger sur la légitimité de la sélection officielle du film ; on remet également en question notre jugement sur les réalisations précédemment citées. Le film est clairement dans la continuité de ses prédécesseurs, mais sa froideur est si vulgairement ostentatoire que l’on en vient à considérer celle des précédents opus de la même façon : comme l’aveu d’une absence de regard de la part du cinéaste. Comme si Schmid, lorsqu’il ne savait pas donner autrement corps à son sujet, optait pour l’élégance et l’aspect « sérieux » d’une atmosphère visuelle glacée. Trop facile. L’architecture rectiligne – type « modernisme 60s » – de la demeure familiale, la gamme de couleurs bien précise des costumes et des décors, les filtres bleutés de l’image : tout concourt avec la même évidence criarde à la création d’une ambiance froide et déprimée qui renvoie bien sûr à l’état des liens entre les personnages. En bonne caricature du drame familial intimiste, Un Week-end en Famille va convoquer une fratrie et en révéler les secrets et les névroses. Les répliques édifiantes et les antagonismes surlignés jusqu’à saturation (entre les deux frères), les révélations que l’on voit venir grosses comme des montagnes et les accès de colère incontournables forment une bouillie mal réchauffée dont ne parvient à s’extraire, furtivement, que le personnage de la mère. Dépressive de longue date, elle ne supporte plus de « se sentir comme un bagage » (sic) et voudrait être considérée comme un être à part entière, non plus comme la charge que son mari et ses fils supportent à tour de rôle. Plutôt que de laisser la place qu’elle mérite à cette pulsion de liberté de l’un de ses personnages, Schmid l’étouffe lui-même dans une forme impitoyable dont strictement rien ne s’échappe.
ET AUSSI :
White Deer Plain (Bai lu yuan)
Ours d’Argent de la meilleure contribution artistique pour la chef opératrice Lutz Reitemeier
Chine
De Wang Quan’an (Le Mariage de Tuya, La Tisseuse, Apart together)
La Chine impériale approche de sa fin, traversant d’importantes contestations politiques et sociales. Dans un village de la province de Shaanxi, deux grandes familles et leurs fils ont toujours vécu en paix. Mais l’agitation générale les mène à une lutte féroce pour l’acquisition de terres. Une jeune femme, récemment arrivée dans le village, se trouve prise entre les deux camps… Wang Quan’an est un habitué de la Berlinale, et pas des moindres, puisqu’il a remporté l’Ours d’Or en 2007 pour le beau Mariage de Tuya ainsi que l’Ours d’Argent du scénario pour Appart together en 2010.
Just The Wind (Csak a szél)
Ours d’Argent
Hongrie/Allemagne/France
De Bence Fliegauf (Dealer, Milkyway, Womb)
Une famille tsigane vit en Hongrie dans une ferme isolée. C’est l’été. Depuis quelques mois, une bande de « chasseurs » commet des crimes racistes, s’attaque aux familles tsiganes, brûle leurs maisons et en tue les habitants, ces gitans surnommés « les corbeaux ». Anna, Rio et Mari vont effleurer le danger sans le voir, jusqu’au jour où les chasseurs arrivent…
Royal Affair
Ours d’Argent du meilleur scénario
Ours d’Argent du meilleur acteur pour Mikkel Boe Følsgaard
Danemark/République tchèque/Allemagne/Suède
De Nikolaj Arcel
Avec Mads Mikkelsen
Sortie française le 21 novembre
Médecin à Hambourg, alors gouverné par le Roi du Danemark, Johann Friedrich Struensee accompagne en 1768 le monarque dans son voyage à travers l’Europe, long d’un an. Peu à peu, il gagne la confiance du roi psychologiquement instable, qui en fait son médecin personnel. Mais Struensee veut plus : avec la Reine Caroline Mathilde, qui s’éprend de lui, il gère de plus en plus les affaires de l’Etat…
Mercy (Gnade)
Allemagne/Norvège
De Matthias Glasner (Sexy Sadie, Le libre Arbitre)
Un couple s’est installé en Norvège au bord de la mer polaire pour se retrouver mais se trouve confronté à un crime et à un terrible secret… Par le réalisateur du film coup-de-poing Le libre Arbitre, récompensé à la Berlinale et sorti en France en 2008.
Jayne Mansfield’s Car
USA/Russie
De Billy Bob Thornton (Sling Blade, De si jolis Chevaux)
Avec Billy Bob Thornton, Robert Duvall, John Hurt, Kevin Bacon, Dennis Quaid
En 1969, un vétéran de la Second Guerre mondiale apprend la mort de son ex-femme, partie depuis longtemps vivre en Angleterre avec un autre homme. Elle souhaitait être enterrée en Alabama, sa terre natale, mais la rencontre entre familles américaine et anglaise va se passer encore moins bien que prévue. Après une dizaine d’années, Billy Bob Thornton repasse derrière la caméra, entouré d’un casting masculin de haut vol.
Ai Weiwei: never sorry
Au Pays du Sang et du Miel
Bel ami
Colonel Blimp
La Porte du Dragon (Flying Swords of Dragon Gate)
Piégée (Haywire)
Shadow dancer
4 AI WEIWEI: NEVER SORRY – Documentaire
USA
D’Alison Klayman
Sortie française le 5 décembre
Dans ce premier long-métrage pour lequel elle l’a suivi pendant deux ans, Alison Klayman filme le combat acharné d’Ai Weiwei, artiste et activiste chinois majeur, comme une pratique d’hygiène quotidienne. La défense de la liberté d’expression n’est pas autre chose. Fort.
2 AU PAYS DU SANG ET DU MIEL
USA
D’Angelina Jolie
Sortie française le 22 février
Elle est attachante la Jolie, décidée à soulager un peu de la misère du monde et attachée à revenir en images sur un conflit peu traité au cinéma. Mais pour convaincre les cinéphiles – et non les citoyens du monde -, il aurait fallu proposer… plus de cinéma. Ou en tout cas autre chose qu’un Roméo & Juliette bosniaque prévisible et académique, qui ennuie très vite…
0 BEL AMI
Royaume-Uni/Italie
De Declan Donnellan et Nick Ormerod
Avec Robert Pattinson, Uma Thurman, Kristin Scott Thomas, Christina Ricci
Sortie française le 27 juin
On conçoit que tout grand festival international ait besoin de son quota de célébrités et de glamour. Mais il y a un prix à payer : accepter dans sa sélection officielle des films nettement moins exigeants sur le plan artistique. A cet égard, la Berlinale 2012 a franchi une limite de décence nettement moins concevable. On refuse de s’attarder sur cette nouvelle adaptation de Maupassant qui, déjà sur le papier, sentait le roussi. Seule l’inexpérience cinématographique du tandem de réalisateurs (relativement reconnus en Angleterre comme metteurs en scène de théâtre) laissait planer un doute : puisqu’on ne les connaissait pas encore, on pouvait après tout laisser à ces apprentis cinéastes le bénéfice du doute… Au final, c’est nettement pire que ce que l’on redoutait : on comprend aisément qu’Uma Thurman et Kristin Scott-Thomas n’aient pas osé se montrer sur le tapis rouge du Berlinale Palast et l’on se demande bien ce qu’elles font à côtoyer les poupées de cire que sont Christina Ricci et Robert Pattinson, décidément translucide au possible. C’est censé être une histoire de passion dévorante et de cynisme cruel, on ne ressent pas la moindre émotion, le tout est d’une platitude ahurissante, même pas sensuel à force de corseter l’éventuel sex-appeal de ses interprètes dans une mise en scène sans la moindre saveur. On en vient à regarder ça de manière très distanciée, comme un mode d’emploi de l’académisme cinématographique. En cela, Bel Ami est presque intéressant.
6 COLONEL BLIMP
RU, 1943
De Michael Powell et Emeric Pressburger
Ressortie française en copie neuve le 4 avril
Après Les Chaussons rouges et Le Narcisse noir, voilà que réapparaît en copie neuve un autre film majeur du duo Powell-Pressburger, indépendant et génial, éminemment original au sein de l’histoire du cinéma britannique, adulé par Spielberg, De Palma, Coppola et surtout Scorsese qui dit de ce film qu’il devient « plus riche, grandiose, émouvant et profond » à chaque nouvelle vision. Une seule nous aura suffit pour prendre déjà la mesure de ce chef-d’oeuvre. A travers un triangle amoureux atypique entre Londres et Berlin, de la Première à la Seconde Guerres Mondiales, les cinéastes font monter doucement l’émotion, offrent des touches d’humour bienvenues, prennent à revers nos attentes pour mieux nous toucher au coeur sans crier gare. Pas un coup de feu n’est tiré dans cet étrange film de guerre, et pourtant il est à mettre au même rang que L’Homme que j’ai tué de Lubitsch (1931) ou La Grande Illusion de Renoir (1937) pour la force avec laquelle il prône la fraternité et l’antimilitarisme. Le monologue de Théo à son retour en Angleterre renferme, mine de rien, en quelques minutes, l’une des plus belles dénonciations de l’absurdité de la guerre que le cinéma ait connue.
2 LA PORTE DU DRAGON (FLYING SWORDS OF DRAGON GATE) – 3D
Hong Kong/Chine
De Tsui Hark (Il était une Fois en Chine, Time and Tide, Detective Dee – le Mystère de la Flamme fantôme)
Avec Jet Li, Zhou Xun, Chen Kun, Kwai Lun Mei
L’an dernier, Detective Dee a divisé. On parie déjà qu’il en sera de même pour La Porte du Dragon tant celui-ci est dans la continuité de son prédécesseur. Très clairement avec ces deux opus, Tsui Hark revendique son approche ludique du cinéma : l’une des raisons pour lesquelles certains ont défendu Detective Dee est que le cinéaste hong-kongais y donnerait à voir à chaque plan les rouages mêmes de l’illusion qu’il crée – d’autres le diront autrement : les CGI étaient tellement atroces qu’ils en faisaient mal aux yeux ! Notons un certain progrès avec ce nouveau film : l’ensemble est loin d’être visuellement parfait, et l’on a encore droit ici à quelques horreurs (la tête coupée d’un personnage est enfermée dans une caisse en bois qui nous explose à la tête dans un pic de laideur extrême), mais il faut bien dire qu’en découpant moins frénétiquement ses scènes de combats, Tsui atteint un certain souffle qu’il parvient à conserver sur de plus longues plages de temps que dans le précédent film. L’ampleur de certains affrontements, où les combattants parcourent de longues distances dans les airs avant que leurs sabres ne se croisent, est joliment décuplée par une musique qui sait mêler presque constamment orchestration classique (version traditionnelle chinoise bien sûr) et percussions suffisamment rythmées pour être en phase avec les coups que se portent les personnages. Il est intéressant de noter qu’en même temps qu’il vise une ampleur des décors et des combats, toujours plus mégalos, le cinéaste s’attache également aux plus petits détails : ainsi de ces subtils jeux de mains pendant les combats ou de ces « épées volantes » du titre qui offrent certainement aux affrontements leurs plus beaux moments… Ce rapport du gigantesque au minuscule, Tsui en fait même un ressort narratif-clé puisque tout le foutoir dans lequel s’affrontent les personnages finira réduit à pas grand-chose dans un coup de théâtre plein d’ironie. Sur le plan visuel, le réalisateur joue aussi sur ces différentes d’échelle frappantes en filmant la destruction de l’Auberge du Dragon avec l’aide d’une maquette à peine dissimulée…
Ce plan, précisément, fait partie de ces moments frappants où Tsui revendique une parenté avec la série B. C’est du moins ce que l’on suppose, au vu du ridicule de certains passages, et pas seulement sur le plan visuel. Les dialogues, en particulier, sont parfois d’une solennité assez pitoyable (et même bouffons vis-à-vis du pouvoir politique chinois, ce que l’on connaissait à Zhang Yimou mais encore peu à Tsui Hark) : « Ce sont les gens qui aiment le pouvoir et l’argent qui périssent dans la grotte » (sic). Si l’on ajoute à cela une évidence criarde de la postsynchronisation, des personnages limités à des attitudes manquant cruellement de naturel et plusieurs incohérences narratives (des personnages à priori gravement blessés prennent tout leur temps pour aller mourir là où il faut, voire oublient de mourir!), on se trouve face à un drôle d’objet qui, à force de se revendiquer (peut-être) comme foutraque et ludique avant tout, se maintient à distance de son spectateur et ne parvient jamais à l’absorber et à le faire se passionner réellement pour ce qu’il raconte. Perdu dans une histoire embrouillée où presque personne n’émerge de la masse informe des personnages, privé d’arc dramatique réellement prenant, on en est réduit à se raccrocher à de petits enjeux isolés, à tel combat dont on ne sait plus très bien ce qui l’a provoqué mais qui parvient néanmoins à nous captiver. Cela tient au talent de Tsui pour créer des situations improbables où les personnages sont pris malgré eux dans une escalade vertigineuse de prouesses physiques. Et à ce niveau-là, La Porte du Dragon a un nouveau plaisir à nous offrir : la 3D. Bien qu’il ait reçu l’aide précieuse des techniciens d’Avatar, Tsui n’atteint jamais la beauté plastique d’un James Cameron, loin de là. Mais il s’amuse avec ce nouvel outil (c’est le premier film chinois en Imax 3D) avec un plaisir communicatif. Il suffit de rappeler ce moment où, pendant un combat, Jet Li doit éviter des fils tranchants disposés dans tous les sens et qui menacent de le découper en petits cubes comme cela vient d’arriver à un autre personnage quelques instants plus tôt. Certains fils, bien entendus, sortent de l’écran, et on tient alors l’un de ces moments où l’on est réellement happé par l’intensité de la situation en même temps que l’on a conscience qu’un créateur complètement barré s’amuse avec nous. Dommage que ces moments-là du film, on puisse les compter sur ses doigts…
4 PIÉGÉE (HAYWIRE)
USA
De Steven Soderbergh (Sexe, Mensonges et Vidéo, Traffic, Contagion)
Avec Gina Carano, Ewan McGregor, Michael Douglas, Michael Fassbender, Antonio Banderas, Channing Tatum, Mathieu Kassovitz
Sortie française le 11 juillet
Steven Soderbergh a récemment confirmé ce que Matt Damon avait révélé au moment de The Informant !, à savoir qu’il comptait prochainement mettre un terme à sa carrière : « plus que » trois projets et il s’arrête (Magic Mike, une histoire de stripteaseurs en cours de montage, The Man from U.N.C.L.E. inspiré de la série diffusée en France sous le nom « Des Agents très spéciaux » et un biopic du pianiste gay Liberace avec Michael Douglas) ! Pour tout dire, on n’arrive pas trop à y croire tant le cinéaste semble au top de sa forme, peut-être pas de l’avis de tous sur le plan artistique, mais en tout cas dans le rythme auquel il enchaîne les tournages. Après avoir vu une performance de la pointure d’arts martiaux Gina Carano à la télévision, il a monté à toute vitesse un projet financé sans major mais avec néanmoins un de ces castings de luxe qu’il s’offre régulièrement : Ewan McGregor, Michael Douglas, Michael Fassbender, Antonio Banderas, Channing Tatum et le frenchie Mathieu Kassovitz sont tous là pour faire des misères à une espionne ultra-sexy qui se fera un plaisir de botter le cul de plusieurs d’entre eux (le bonus non négligeable d’une projection en festival, c’est qu’à chaque fois qu’elle le fait, la salle applaudit) ! Disons-le : Lem Dobbs aurait certainement pu faire tenir son scénario sur une serviette en papier. Piégée commence justement dans un café, tranquillement, et c’est de ce lieu parfaitement anodin que tout commence de manière parfaitement anodine : l’héroïne, Mallory, y est bientôt rejointe par un ex-collègue des services secrets. Et là, déjà, dans une ouverture fracassante, le cadre et le contexte triviaux accueillent un ahurissant combat avec une ironie mordante qui provoque, si tôt dans le métrage, des éclats de rire !
La jeune femme vole une voiture, embarque malgré lui son propriétaire ahuri et c’est leur conversation sur le trajet qui servira longtemps de récit-cadre à une succession de flash-backs qui nous expliquent comment cette espionne surentraînée en est venue à devoir affronter toute sa hiérarchie. Ce dispositif narratif très second degré est sans équivoque : Soderbergh a voulu une incursion dans le genre qui soit ludique et décomplexée. Il ne fournit ni plus ni moins que cela. Les scènes d’action sont des perles de chorégraphie, entre un réalisme cru permis par les talents incroyables de Gina Carano et d’irrésistibles touches comiques et sexy (le sommet du film est assurément le combat entre Mallory et l’agent joué par Michael Fassbender, avec lequel elle est chargée de former un couple factice le temps d’une soirée), les décors ne mentent jamais sur leur proximité aux stéréotypes du genre, pas plus que les personnages qui eux aussi sont construits de sorte qu’ils rappellent au spectateur les figures ressassées mais tout en s’en distançant légèrement, avec une auto-dérision particulièrement mordante dans le cas d’Antonio Banderas. N’oublions pas non plus ce délice que Soderbergh s’offre une nouvelle fois : plusieurs personnages, bien que campés par des stars ultra-bankables, ne font pas long feu, et l’impact de leur mort sur le spectateur est précisément décuplé par le statut des acteurs, de même que la pauvre Gwyneth Paltrow succombait dès les premières minutes de Contagion. Sans lourdeur ni complaisance, avec juste un plaisir communicatif, Soderbergh s’empare du film d’action comme un gamin surdoué s’emparerait d’un jeu trop simple pour lui : il en épuise vite les potentialités et se permet même parfois de s’en moquer avec classe (ce combat sur une plage que la caméra laisse de côté pour filmer seulement le coucher de soleil sur la mer). On tient assurément l’un des films les plus jouissifs de l’année !
4 SHADOW DANCER
RU/Irlande
De James Marsh (The King, The Red Riding Trilogy, Le Projet Nim)
Avec Clive Owen, Andrea Riseborough, Gillian Anderson
Sortie française le 9 février 2013
L’entêtement du directeur de la Berlinale, Dieter Kosslick, à sélectionner uniquement des avant-premières mondiales en Compétition Officielle a relégué Hors Compétition cette coproduction anglo-irlandaise qui aurait pourtant fait un bon prétendant anglo-saxon aux Ours (mais le film a déjà été présenté au dernier Festival de Sundance). Non pas que Shadow Dancer propose quelque chose d’aussi surprenant que plusieurs des films de la Compétition, mais c’est un télescopage de drame intimiste et de thriller politique d’une rigueur admirable. Dès les premières images, les deux niveaux sont réunis : celui, proche du corps et du visage de l’héroïne, attaché à sa psychologie, et celui des confrontations politiques et des actes terroristes qui justifie ces plans larges sur une foule londonienne que Colette pourrait faire exploser d’une minute à l’autre. Nous sommes un matin de 1993 dans le métro de la capitale britannique et la jeune femme n’y arrive pas : elle regarde autour d’elle une femme enceinte, les visages des gens qui sont tous de potentiels parents, et elle ne peut accepter l’idée de les tuer aussi simplement. La force du film, c’est de ne pas raconter la prise de conscience de son héroïne comme un processus mais de prendre d’emblée celle-ci à un point de rupture dans sa vie : il se pourrait que ce bref moment où elle observe ces inconnus dans le métro soit le premier basculement. A moins que celui-ci ne soit intervenu plus tôt, à la naissance de son fils. Car c’est là le cœur du film : comme le signale la pré-affiche du film en référence au « Tinker, Tailor, Soldier, Spy » de John Le Carré, Colette est « Mother, Daughter, Sister, Spy », Colette n’est plus seulement fille et sœur d’activiste de l’IRA, elle est depuis peu mère, et elle sera donc espionne. Arrêtée par le MI5 – et notamment le charismatique Mac (Clive Owen) – suite à son attentat londonien raté, elle est contrainte de devenir une taupe au sein de l’IRA… et donc au sein de sa propre famille. Dans cette superposition du cadre à priori chaleureux de la famille et celui à priori crapuleux du crime, on pense à l’Australien Animal Kingdom. Shadow Dancer n’en a certes pas l’ampleur, mais c’est également parce qu’il ne prend pas autant le temps de brosser toute une galerie de personnages fascinants. Ça n’est pas son dessein : plus le film se resserre sur son héroïne et son ressenti émotionnel, plus on pense que, s’il n’aurait certainement pas pu atteindre un Ours pour sa réalisation ou son scénario certes rigoureux mais pas assez frappants, le film aurait assurément pu être récompensé à travers son interprète, la remarquable Andrea Riseborough.
PAS VUS :
Althawra… Khabar (Reporting… a Revolution) – Documentaire
Egypte
De Bassam Mortada
Un film sur le role pivot joué par les medias independent pendant la Révolution Egyptienne. Six journalistes partagent leur expérience intense et choquante, et admettent la possibilité de maintenir une position neutre face à une oppression si brutale.
Anton Corbijn inside out – Documentaire
Pays-Bas/Belgique/Irlande
De Klaartje Quirjins
Portrait du photographe et cinéaste, membre du jury cette année.
Un Jour de Chance (La Chispa de la Vida)
Espagne
D’Álex de la Iglesia (Le Jour de la Bête, Le Crime farpait, Balada triste)
Avec Salma Hayek, José Mota, Fernando Tejero, Blanca Portillo, Juan Luis Galiardo
Sortie française le 12 décembre
Un publiciste au chômage devient chanceux après une blessure à la tête… Après une escale anglo-saxonne (Crimes à Oxford, 2008) et une fresque que certains disent sublime, Balada triste (2011), De la Iglesia revient à sa pure veine comique espagnole bien à lui ! Voir le teaser espagnol
La Dame de Fer
Royaume-Uni
De Phillida Lloyd (Mamma Mia)
Sortie française le 15 février
Margaret Thatcher, première et unique femme Premier ministre du Royaume-Uni (de 1979 à 1990), autrefois capable de diriger le royaume d’une main de fer, vit désormais paisiblement sa retraite imposée à Londres. Agée de plus de 80 ans, elle est rattrapée par les souvenirs. Pourquoi pas, par curiosité pour Meryl Streep qui recevra un hommage à la Berlinale (voir « Autres sections ») ? Mais le film sent mauvais l’hagiographie. Et on n’attend pas vraiment de subtilité de la part de la réalisatrice de… Mamma Mia !
Voir la rubrique « Hommage » dans l’onglet « Autres sections »
On Death Row – Documentaire
USA
De Werner Herzog (Aguirre, Bad Lieutenant – Escale à la Nouvelle Orléans, La Grotte des Rêves perdus)
Une plongée en quatre parties (!) dans une prison texane sous haute surveillance, sous la forme de longs entretiens avec ddes condamnés à mort. Le film, présenté pendant le festival soit en deux parties, soit d’un trait, dure en tout plus de trois heures. Après La Grotte des Rêves perdus qui avait créé l’évènement l’an dernier par son utilisation remarquable de la 3D, Herzog sait décidément octroyer à ses docus une singularité qui en fait toujours des évènements du festival !
Desperado City
RFA, 1981
De Vadim Glowna
Hommage au réalisateur.
Don – The King Is Back
Inde/Allemagne
De Farhan Akhtar (Don)
Quand Shah Rukh Khan joue les tombeurs dans la plus pure tradition hollywoodienne, pourquoi pas ? La Famille indienne (2004), New York Masala (2005) ou Veer-Zaara (2006) sont après tout de bons gros plaisirs coupables ! Mais lorsqu’il incarne le chef d’un gang international, et en plus dans la suite d’un film que l’on n’a pas vu et qui n’a même pas été aimé en Inde, on s’en passe sans regret…
Ein Tag mit dem Wind
Allemagne, 1978
De Haro Senft
Un garçon de huit ans est déterminé à trouver une femelle pour tenir compagnie à son lapin solitaire. Hommage au réalisateur.
Eléni : la Terre qui pleure (Trilogia – To Livadi pou dakrizi)
Grèce/France, 2003
De Theo Angelopoulos
En 1919, l’Armée rouge entre dans la ville d’Odessa. Parmi les étrangers qui quittent la ville se trouve Eléni, une jeune orpheline recueillie par Spyros le patriarche de la communauté grecque. Dans la foule en fuite, elle rencontre Alexis, le fils de Spyros, avec qui elle a des jumeaux. Le film se déroule entre 1919 et 1949, date de la fin de la guerre civile en Grèce. Hommage à Theo Angelopoulos, décédé le 24 janvier dernier.
Extrêmement fort et incroyablement près
USA
De Stephen Daldry (Billy Elliot, The Hours, The Reader)
Avec Tom Hanks, Sandra Bullock, Max von Sydow, Thomas Horn
Sortie française le 29 février
Un petit garçon tente de découvrir le secret que renferme une clé laissée par son père disparu lors des attentes du 11 septembre. Il paraît bien loin le réalisateur du magnifique The Hours, avec cette production Warner Bros qui sent la mièvrerie à plein nez.
The Flowers Of War
Chine
De Zhang Yimou (Le Sorgho rouge, Epouses et Concubines, Hero, La Cité interdite)
Christian Bale incarne un homme d’Eglise plongé au milieu de la guerre sino-japonaise à Nanjing, tandis qu’un groupe de soldats risque sa vie pour sauver des écoliers. Le sujet du massacre de Nanjing avait déjà été magnifiquement traité dans City of Life and Death de Lu Chuan (Chine, 2010). On doute que Zhang puisse faire mieux, d’autant que si on n’a pas eu de nouvelles de lui depuis longtemps en France, c’est en partie parce que – disent certains spécialistes – il aurait tendance à vendre sa carrière au diable de l’Etat chinois pour être bien dans le rang…
Glück (Bliss)
Allemagne
De Doris Dörrie
Un jeune réfugié et un punk au chômage tombent amoureux et se retrouvent entre tendresse et situations tendues.
Hijos de las nubes, la ultima Colonia (Sons of the Clouds, the last Colony) – Documentaire
Espagne/USA
D’Álvaro Longoria
Avec Javier Bardem
L’histoire d’une guerre coloniale oubliée dans le Sahara Occidental et l’investissement d’un acteur internationalement reconnu. Un docu qui examine le sort d’un peuple négligé et explore les voies opaques et souvent cruelles de la diplomatie internationale…
I, Anna
RU/Allemagne/France
De Barnaby Southcombe
Avec Charlotte Rampling, Gabriel Byrne, Eddie Marsan
Pendant son enquête autour d’un meurtre brutal, un détective se sent de plus en plus intrigué par une femme mystérieuse dont il sait instinctivement qu’elle a quelque chose à voir avec l’affaire. Le film est annoncé comme un hommage au film noir des années 1960 et 1970.
Marley – Documentaire
RU/USA
De Kevin Macdonald (Le dernier Roi d’Ecosse, Mon meilleur Ennemi, L’Aigle de la neuvième Légion)
Sortie française le 12 juin
Evocation de la vie du célèbre « reggaeman » sur plus de 2h30, avec notamment des archives inédites enfin ouvertes par la famille Marley.
Octobre
URSS, 1928
De Sergei M. Eiseinstein
Voir la rubrique « Retrospektive » (onglet « Autres sections »)
Side by Side – Documentaire
RU
De Chris Kenneally
Le documentariste a demandé à Keanu Reeves (pourquoi lui ?) de s’entretenir avec des réalisateurs prestigieux tels que James Cameron, David Lynch, Lars Von Trier, David Fincher, Martin Scorsese ou Christopher Nolan sur les développements récents du cinéma à l’ère du digital…
The Story of Film : An Odyssey – Documentaire
RU
De Mark Cousins
Sortie DVD française le 30 octobre
L’histoire du cinéma en 15h (divisées en deux parties) ? C’est l’ambition de ce documentaire. Rien que ça.
Ulysse, souviens-toi ! (Keyhole)
Canada
De Guy Maddin (My Winnipeg, The Saddest Music In The World)
Avec Jason Patric, Isabella Rossellini, Udo Kier
Sortie française le 22 février
Un gangster égoïste, mari violent et père mal aiment rentre chez lui après une longue absence. Mais la maison lui est comme étrangère. Pièce après pièce, il entreprend une odyssée au plus profond de ses souvenirs… Déjà présenté à Toronto, ce film en noir et blanc propose une variation sur L’Odyssée.
Young Adult
USA
De Jason Reitman (Thank you for smoking, Juno)
Avec Charlize Theron, Patrick Wilson…
Sortie française le 28 mars
Une femme d’une trentaine d’années qui écrit des romans pour jeunes adultes retourne dans sa ville natale afin de retrouver son ancien amour, aujourd’hui marié et père d’un enfant… Le tandem de Juno, le réalisateur Jason Reitman et la jeune scénariste Diablo Cody, se reforme pour cette comédie dramatique dont, franchement, on n’attend guère plus qu’un beau red carpet avec Charlize Theron.
10+10
Cherry
Indignados
La Mer à l’Aube
En 2011, c’est Même la Pluie, le beau film de l’Espagnole Icíar Bollaín, qui a reçu le PPP. Ont également été présentés au Panorama : le très bon documentaire allemand Khodorkovsky, l’Argentin Medianeras, le Belge Bullhead ou encore le très remarqué (et à juste titre) Tomboy de Céline Sciamma.
LES FILMS DE FICTION
3 10 + 10
Taïwan
De Hou Hsiao-hsien, Wang Toon, Wu Nien-Jen, Sylvia Chang, Chen Guo-Fu, Wei Te-Sheng, Chung Meng-Hung, Chang Tso-Chi, Arvin Chen, Yang Ya-Che et autres
Hou Hsiao-Hsien, chef de file du cinéma taïwanais, se dit confiant dans l’avenir : la production connaît un nouvel essor et de nombreux auteurs émergent. 10 + 10, projet initié par le festival de Taipei, est une commande à vingt cinéastes d’un court-métrage chacun, avec pour seule contrainte que celui-ci dure cinq minutes et évoque le caractère unique de leur pays. La seconde règle n’est assurément pas mise à profit de manière pertinente par tous. Plusieurs films montrent les sublimes paysages naturels ou un Taipei grouillant de vie ; la religion est très présente, de même que les traumatismes de la guerre et plus généralement la violence. Mais ce sont bien là les seuls éléments qui esquissent la captation d’une spécificité de l’île, voire d’une « âme » du pays. Les contributions les plus marquantes sont ainsi celles qui, par leur simplicité, parviennent (paradoxalement?) le mieux à dire quelque chose d’une société entière. L’ensemble commence très fort, avec l’hilarant « The Ritual » de Wang Toon, où deux amis montent à grand-peine d’interminables escaliers menant au temple d’un dieu, au sommet d’une colline. Là, ils déballent les affaires qu’ils portaient : des tickets à gratter avec lesquels ils espèrent faire fortune avec un coup de pouce divin et… un écran de cinéma de fortune qu’ils déroulent pour voir Avatar en 3D et le montrer aux divinités, mettant même des lunettes aux statues de ces dernières ! En une même vignette délicieusement absurde sont convoqués deux traits saillants et à priori antithétiques du Taiwan contemporain : la ferveur religieuse et la marche effrénée de la technologie, autant dire la tradition et la modernité.
On aime aussi quelques courts qui travaillent joliment le thème du passage du temps et font ainsi une utilisation impressionnante du format imposé de cinq minutes (là ou d’autres surchargent à tout prix, tels The Dusk of the Gods de Sylvia Chang, The Orphans de Chu Yen-Ping ou Sparkles de Chang Tso-Chi et ses images de guerre qui en font certainement un court inutilement luxueux). Green Island Serenade de Hou Chi-Jan nous fait passer des années 1950 à aujourd’hui en une seule et même chanson, apparemment mythique, qu’interprète à la radio la même femme. 100, le titre du court de Ho Wi-Ding, joue non seulement lui aussi sur les nombres, en écho au titre général du « film porte-manteau », mais indique aussi l’âge de son unique protagoniste : le centenaire grimpe lentement une colline, uniquement pour aller chercher son courrier dans la boîte aux lettres très éloignée de sa maison. Son visage filmé en gros plan, attentif au paysage majestueux parce que conscient qu’il pourrait chaque jour le voir pour la dernière fois, exprime à lui seul ce passage du temps. Mais c’est sans surprise Hou Hsiao-Hsien qui clôt idéalement le tout avec La Belle Epoque (titre en français), évocation épurée et éblouissante de l’héritage culturel et de ce qui est finalement la structure-clé de la société taiwanaise comme de toute autre, la famille.
1 CHERRY
USA
De Stephen Elliott
Avec Ashley Hinshaw, James Franco, Heather Graham, Dev Patel, Lili Taylor
Sympathique musique pop, jolie police d’écriture du générique et magnifique jeune fille filmée sous tous les angles tandis que son boyfriend la ramène chez elle : lorsque Cherry commence, on n’en espère déjà pas grand-chose, les différents éléments se combinant à priori en un nouveau produit formaté d’un certain cinéma américain indépendant, engoncé dans une joliesse qui glisse trop souvent vers la fadeur. Mais on ne s’attend en rien à la catastrophe quasi-totale qui va suivre. On suit une ado de dix-huit ans (Ashley Hinshaw), qui trouve comme moyen facile de sortir de son quotidien white-trash (père violent et mère alcoolique, la base) l’industrie pornographique. Ça commence avec des photos osées dans sa petite ville de province, puis ça déménage à San Fransisco, au cœur de « la chose ». Elle y trimbale son meilleur ami (secrètement amoureux d’elle, forcément) joué par Dev Patel, s’installe avec un jeune homme qui se chargera de représenter à lui seul l’énorme communauté gay locale, y rencontre un avocat (James Franco) qui veut la « sauver » de cette débauche ainsi qu’une réalisatrice de porno lesbien (Heather Graham) qui a des problèmes similaires avec sa copine à elle. Ce premier film vise en vain à une « décontraction » voire même, selon le directeur de la section Panorama, à une certaine « fraîcheur » dans l’évocation de l’industrie pornographique. Nous, on ne voit de frais que le joli minois d’Ashley Hinshaw, que l’éclairage parvient parfois à mettre en valeur mais dont le scénario ne sait que faire : une figure angélique? une jeune femme en quête d’elle-même ? On ne peut s’empêcher de penser qu’elle est tellement lisse que, de toute manière, elle aura beau chercher, elle ne trouvera rien au fond d’elle ! Mais le plus affligeant, c’est l’absence de tout point de vue sur ce qui est montré. Ces séquences de tournage de film X où les personnages se chevauchent comme des bêtes puis affichent un sourire niaiseux entre les prises sont simplement ahurissantes. La fin donne peut-être la clé : devenue elle-même réalisatrice de porno lesbien, Cherry ressort à la jeune provinciale qu’elle filme ce qu’on lui avait demandé à elle : «_Tu aimes te toucher _Oh oui ! (sourire niais) Je le fais bien ? _Tu es parfaite. ». Si la fille en question est parfaite, c’est qu’elle a l’air bien cruche. Le film est donc plus que parfait.
3 INDIGNADOS
France
De Tony Gatlif
Sortie française le 7 mars
« Face à l’urgence, j’ai poussé un coup de gueule. Face à l’urgence, j’ai pris ma caméra. J’ai fait un film, tout de suite, tout seul, avec mes moyens ». L’urgence, c’est celle de s’indigner, comme Stéphane Hessel nous y engageait dans son court livre paru fin 2010. Depuis la sortie en salles du dernier film de Tony Gatlif, Liberté, début 2010, c’est peu dire qu’il y a eu de quoi : le Discours de Grenoble de Sarkozy, les violences faites aux Roms à l’été 2010 qui sont allées jusqu’à provoquer l’ire des institutions européennes et encore et toujours les retombées sociales de la crise… Lorsque le mouvement des Indignés éclate en Espagne, le cinéaste se montre ultra-réactif, se rend immédiatement sur place avec son équipe et ressort une ébauche de fiction qu’il avait mise de côté depuis quelque temps. En même temps qu’il saisit sur le vif des milliers d’hommes et de femmes qui se dressent face à un système dont ils ne sont pas responsables de la débâcle, il esquisse donc le parcours à travers l’Europe de Betty, jeune immigrée clandestine africaine. Cette jeune noire est le symbole évident de tous les indésirables, le résumé de tous les rejetés de nos sociétés occidentales. Ainsi le principal problème d’Indignados apparaît-il très tôt : non seulement le quasi-seul personnage auquel se rattache le pan fictionnel du film est résumé à un symbole, mais ce qu’il traverse – à savoir un réel saisi sur le vif – est lui-même rattaché trop fréquemment à des idées, arraché à sa pure et simple manifestation pour être tiré vers l’abstraction.
On conçoit bien que tout parte de bonnes intentions. Mais le fait est qu’en optant par exemple pour la restitution de nombreuses phrases (pour ne pas dire maximes) de Stéphane Hessel en une police d’écriture imitant les banderoles des manifestants, Gatlif alourdit son film. De même que ces pochoirs qu’on dirait appliqués à même l’écran – en surface donc, les messages demeurent superficiels en ce qu’ils peinent à s’incarner plus en profondeur dans les images même du film. Le plus douteux, ce sont ces moments où, en plus de nous donner à lire les mots de l’auteur, le réalisateur enchaîne immédiatement sur la représentation littérale de l’idée en question : on a même droit à un renard dans un poulailler (« Le renard libre dans un poulailler libre », métaphore critique du libéralisme) ! Parce que c’est une idée, plus qu’une personne réelle, que Gatlif trimballe dans notre Union Européenne en crise (de la Grèce à l’Espagne, en passant par la France), les différents épisodes de l’histoire fictive ne sont que des paraboles bien peu subtiles. On quittera ainsi la jeune femme prisonnière, autant de cette ville neuve abandonnée – avec ses milliers de maisons clonées, vides alors que des milliers de gens cherchent un abri – que de la construction narrative du film, globalement trop verrouillée.
Gatlif échoue ainsi à placer sa fiction au service du réel, et c’est davantage dans les moments de pure confrontation du spectateur avec les Indignés et leur pulsion de vie que l’on retrouve le réalisateur de Gadjo Dilo (1997) et d’Exils (2004) qui, lorsqu’il filme avec ses tripes, sait nous toucher nous aussi au plus profond. On aime ces images de délaissés tournées en noir & blanc, comme pour rappeler que cette misère est un fléau de tous temps. Et surtout ces moments de pure incarnation : ce flamenco viscéral, que l’on aime tant chez Gatlif, et qui paraît incarner ici, au milieu d’une cour couverte de slogans tagués, l’âme brute des Indignados ; ces longues captations de manifestations, où la colère est sans cesse compensée par la joie d’avancer groupés, rythmés par des percussions entraînantes ; ces innombrables lits qui jonchent les trottoirs parisiens et sur lesquels reviendront s’allonger, la nuit tombée, tous ces SDF dont les noms défilent à l’écran ; ces regards silencieux, filmés frontalement, qui en disent long ; ces oranges qui dévalent par centaines les rues et les escaliers d’une vieille ville tunisienne. Ces oranges, on finit par oublier qu’elles sont là pour symboliser la propagation de la colère puis de la révolution tunisienne à partir de la mort de Mohamed Bouazizi, marchand ambulant qui s’était immolé par le feu. Dans ce beau moment suspendu, ces images des oranges ne valent plus que pour la folie de leur course. C’est ce pan très simple du film qui séduit bel et bien dans Indignados : cette représentation de et cette invitation à une marche perpétuelle et nécessaire vers un futur qu’il ne tient qu’à nous de conquérir.
VUS (OU PRESQUE) :
0 LA MER A L’AUBE
France/Allemagne
De Volker Schlöndorff
Avec Léo Paul Salmain, Ulrich Matthes, Martin Loizillon, Jean-Pierre Darroussin
Sortie française le 21 mars, direct to DVD
Impossible de tenir en place plus de 20min devant ce téléfilm sur Guy Môcquet. Rien : ni mise en scène, ni jeu d’acteur, ni originalité. A oublier. C’est très triste pour Schlöndorff. Et tant pis pour Darroussin…
ET AUSSI :
L’Age atomique de Héléna Klotz, France
Prix FIPRESCI (Fédération internationale de la presse cinématographique
Deux jeunes garçons, Victor et Rainer, viennent en RER passer la soirée à Paris. Dans une boîte de nuit du bord de Seine, ils courent de déceptions en déceptions, de dragues infructueuses en bagarres de rue. Mais tandis que la nuit les emporte, ils s’éloignent de la ville vers la forêt. Dans le silence de la nature éclairée par la lune, le désir entre les deux amis se fait de plus en plus frémissant. De leur amitié naît un nouveau jour. Ce premier long de la fille de Nicolas Klotz a reçu le Grand Prix du long-métrage français au festival Premiers Plans d’Angers, de quoi attirer l’attention sur lui…
Bugis Street Redux de Yonfan, Hong Kong
C’est la saison de la mousson à Singapour. A Bugis Street, l’épicentre de la nuit multi-sexuelle et de la libido déchaînée, une adolescente débarque de la campagne dans le love hotel de SinSin pour y travailler comme employée de maison. Le réalisateur Yonfan vient présenter la version restaurée d’un film qu’il avait déjà présenté à Panorama en 1995. Le casting transgenre avait alors défrayé la chronique…
Chocó de Jhonny Hendrix Hinestroza, Colombie
Chocó a vingt-sept ans, deux enfants, une petite cabane en bois près d’un village colombien, un job sous-payé dans une mine d’or et un mari qui dilapide le peu d’argent qu’ils ont et la viole le soir, quand il a trop bu. Néanmoins, elle croit sincèrement que les choses vont s’améliorer…
Death For Sale de Faouzi Bensaïdi, France/Belgique/Maroc
Trois copains, Malik, Allal et Soufiane, qui vivent de menus larcins dans la ville de Tétouan, décident de tenter un grand coup : le cambriolage de la grande bijouterie de la ville… Le réalisateur du très beau Mille Mois (Prix Un Certain Regard à Cannes en 2003) pourrait bien nous livrer le pendant féminin du récent Sur la Planche de Leïla Kilani et confirmer ainsi le dynamisme du jeune cinéma marocain. Il annonce « un film violent, noir, traversé par un humour décalé ». On demande à voir !
Diaz – Don’t Clean Up This Blood de Daniele Vicari, Italie/Roumanie/ France
Avec Elio Germano
La nuit du 21 juillet 2001, 400 agents de police ont fait irruption à l’École Diaz de Gênes et blessé de nombreux activistes pacifistes présents à l’occasion du G8, des actes qui ont été qualifié de « plus grave suspension des droits démocratiques dans un pays occidental depuis la Deuxième Guerre mondiale » par Amnesty International. Le film est basé sur les témoignages et actes présentés au procès, qui a condamné en appel 25 des 27 prévenus, y compris des membres du commandement des forces de l’ordre, après quoi la Cour de Cassation a relaxé en novembre 2011 l’ancien chef de la Police et de la DIGOS (la brigade anti-terrorisme) de Gênes de l’accusation d’avoir incité à des faux témoignages.
Die Wand (The Wall) de Julian Roman Pölsler, Autriche/Allemagne
Prix du jury oecuménique
Avec Martina Gedeck
Une femme se joint à un couple d’ami pour un séjour à la montagne. Le soir venu, ses amis se rendent sans elle dans un pub et ne revient pas le matin suivant. Partant à leur recherche, elle fait une découverte terrible : un mur invisible, derrière lequel il semble n’y avoir aucun signe de vie, la sépare désormais du reste du monde. Seule avec un chien, un chat et une vache, elle doit tenter de survivre seule dans la forêt. Elle note dans un carnet ses pensées, peurs et difficultés, sans savoir si qui que ce soit pourra les lire un jour…
Dollhouse de Kirsten Sheridan, Irlande
Cinq jeunes gens font irruption dans une maison. Les propriétaires sont absents. Ils sont comme des étrangers dans cet espace si propre, moderne et stylisé. Ils s’adonnent à une destruction presque compulsive. Lorsque le voisin tape à leur porte, la présence de celui-ci semble changer dramatiquement les dynamiques du groupe…
Elles de Malgoska Szumowska, France/Pologne/Allemagne
Avec Juliette Binoche, Anais Demoustier, Joanna Kulig, Louis-Do de Lencquesaing, Krystyna Janda
En salles en France depuis le 1er février
Anne, journaliste dans un grand magazine féminin enquête sur la prostitution estudiantine. Alicja et Charlotte, étudiantes à Paris, se confient à elle sans tabou ni pudeur. Ces confessions vont trouver chez Anne un écho inattendu. Et c’est toute sa vie qui va en être bouleversée. Le sujet paraît traité avec suffisamment d’audace (la question non plus du danger de la prostitution, mais de l’éventuelle plaisir que peuvent en retirer volontairement nombre de jeunes femmes, d’après des études faites en France et en Pologne pour les besoins du film) pour qu’on s’y intéresse… même si l’on attend pas grand-chose du film sur le plan artistique…
From Seoul To Varanasi de Kyuhwan Jeon, Corée du Sud
Une histoire d’adultère à Séoul.
GLAUBE, LIEBE, TOD (BELIEF, LOVE, DEATH) de Peter Kern, Autriche
Une octogénaire petite mais agile part passer quelque temps sur une péniche avec son fils obèse, déjà âgé de soixante-trois ans. Après qu’un autostoppeur qu’ils ont pris pendant leur trajet sur l’autoroute a exacerbé les tensions entre eux, une fois sur la péniche, la mère ne peut s’empêcher de pousser son fils à bout avec ses questions sur son taux de glucose et sa tension…
Headshot de Pen-Ek Ratanaruang, Thaïlande/France
Sortie française le 31 octobre
Un tueur à gages reçoit une balle dans la tête pendant l’exécution d’un contrat. Lorsqu’il se réveille de deux mois de coma, il découvre qu’il voit littéralement tout à l’envers. Les premières images, visibles ici laissent espérer un parti-pris exploité dans tout son potentiel plastique…
HIGHWAY de Deepak Rauniyar, Népal/USA
Un couple de Katmandu essaye en vain d’avoir un enfant. L’homme part pour les montagnes népalaises afin pour demander de l’aide à un guérisseur miraculeux…
Hot boy noi loan – cau chuyen ve thang cuoi, co gai diem va con vit (Lost In Paradise)
de Vu Ngoc Dang, Vietnam
Hô-Chi-Minh-Ville peut être un endroit très froid. Et pourtant, la mégapole attise les espoirs et les désirs de Khoi, qui s’est échappé de sa campagne. Un voyage d’initiation classique, de l’innocence à l’expérience et la maturité…
Iron Sky de Timo Vuorensola, Finlande/Pays-Bas/Australie/ Allemagne
Avec Christopher Kirby, Götz Otto, Julia Dietze, Udo Kier
Fin 1945, dans le plus grand secret, un groupe de scientifiques d’une base nazie en Antarctique s’est échappé, direction : la face cachée de la Lune ! Là, dans une base spatiale nommée « Soleil Noir », une armada d’OVNI est construite, dans le but d’assujettir la population mondiale… Un mix d’ésotérisme nazi et de mysticisme SF pour un objet cinématographique qui pourrait bien être le plus gros « n’importe quoi » de cette Berlinale !
Keep The Lights On d’Ira Sachs, USA
Teddy Award
Sortie française le 22 août
Une histoire d’amour passionnelle entre deux hommes.
Leave It On The Floor de Sheldon Larry, USA/Canada
Cette comédie musicale nous entraîne dans la vibrante subculture des soirées branchées de Los Angeles où Brad, tout juste rejeté par sa mère en raison de son homosexualité, trouve solidarité, acceptation et confiance en soi.
Love de Doze et Niu Chen-zer, Chine/Taïwan
Avec Shu Qi, Vicky Zhao, Ethan Juan, Mark Jau
Un film qui connecte vaguement plusieurs histoires d’amour dans le Taipei d’aujourd’hui.
Mai-wei (My Way) de Kang Je-kyu, Corée du Sud
En 1928, pendant l’occupation japonaise de la Corée, le jeune Tatsuo arrive avec ses parents à Séoul, où son grand-père est occupe un haut poste militaire. Il rencontre un jeune coréen, Joon-sik. Joon-sik, sa petite sœur et leur père travaillent et résident dans la maison familiale. Les deux enfants aiment s’affronter dans des marathons… On est bien tenté de profiter d’un grand festival pour découvrir des films asiatiques, tant ceux-ci peinent souvent à parvenir jusqu’en France. Mais là, ça a quand même l’air terriblement académique : le trailer international.
Man On Ground de Akin Omotoso, Afrique du Sud
Ade, courtier londonien, tente de retrouver son frère dans l’Afrique du Sud dont il est originaire. Ses recherches le mènent dans les townships de Johannesburg. Lorsque des émeutes xénophobes éclatent, il est obligé de se réfugier dans le bureau du patron de son frère, où il découvre un terrible secret…
Mommy Is Coming de Cheryl Dunye, Allemagne
Claudia et Dylan forment un couple lesbien plutôt heureux. Mais Dylan en particulier est convaincue que le Berlin homosexuel doit certainement avoir plus excitant à offrir qu’une simple monogamie. Les deux femmes planifient un séjour de découverte sexuelle…
My Brother The Devil de Sally El Hosaini, Royaume-Uni
Label Europa Cinemas
Deux frères arabes à Londres. Mo, 14 ans, idéalise son aîné Rashid, dix-neuf ans, membre d’un gang et dealer de drogue. Lorsque Rashid décide de mener une vie complètement différente, Mo doit faire face à ses propres préjugés pour sauver la vie de son frère.
Parada (The Parade) de Srdjan Dragojevic, Serbie/ Croatie/ Macédoine/Slovénie
A Belgrade, les hommes appartiennent à plusieurs groupes irréconciliables. Y a-t-il la possibilité ne serait-ce que d’une Gay Pride – surtout après que les éditions précédentes ont fini dans le sang ? L’activiste Mirko trouve le soutien d’une source improbable…
Rentaneko (Rent-a-Cat) de Naoko Ogigami, Japon
Une étrange femme loue des chats aux gens seuls. Potentiellement un joli petit film poétique et décalé : le trailer japonais.
Une seconde Femme (Kuma) de Umut Dag, Autriche
Sortie française le 6 juin
Une jeune femme, originaire d’un village turc et mariée comme seconde épouse d’un homme plus âgée qu’elle est envoyée à Vienne, où elle rencontre l’amour et la haine. Une évocation du microcosme complexe de la communauté turque de Vienne.
Sharqiya d’Ami Livne, Israël/France/Allemagne
Bédouin, Kamel vit avec ce qu’il reste de sa famille, dans un camp au bord du désert de Néguev. Leur habitat va bientôt être démantelé. Bien que les Bédouins aient vécu dans la région depuis des siècles, ils n’ont aucun moyen de prouver qu’ils sont propriétaires de leur terrain…
The Convoy d’Alexey Mizgirev, Russie
Un portrait apocalyptique de la police et de l’armée dans la Russie d’aujourd’hui. Un capitaine traumatisé a pour ordre de ramener un déserteur et de le mener devant une cour militaire. Traverser la Russie hivernale se révèle être une expérience labyrinthique, cauchemardesque…
The Woman Who Brushed Off Her Tears de Teona Strugar Mitevska, Macédoine/Allemagne/Slovénie/Belgique
Avec Victoria Abril
A Paris, le fils d’Elena meurt. En Macédoine, Aysan se bat pour garder la garde de son fils. Les deux femmes doivent lutter pour s’en sortir dans un monde dominé par les hommes.
Wilaya de Pedro Pérez Rosado, Espagne
Après avoir vécu en Espagne pendant seize ans, Fatimetu revient dans le camp de réfugiés du Sahara où elle vivait lorsqu’elle était enfant et où sa sœur et elle trouvent un moyen de gagner leur vie ensemble. Mais Fatimetu est déchirée entre la vie dans le désert et ses souvenirs d’Espagne.
Xingu de Cao Hamburger, Brésil
Images impressionnantes d’une nature sauvage immaculée sur fond d’une bande-son atmosphérique : le film revient sur une page clé de l’histoire brésilienne. En 1943, trois frères se donnent pour mission la création du Parc national afin de protégé le peuple indigène Xingu.
PANORAMA DOKUMENTE
Anak-Anak Srikandi (Children of Srikandi) du Collectif des Enfants de Srikandi, Allemagne/Indonésie
Srikandi est une figure de la légende indienne de Mahâbhârata, qui change de sexe pour vivre et combattre parmi les hommes. Ce personnage sert de base à huit réflexions très personnelles sur la vie lesbienne, bisexuelle et transgenre dans l’Indonésie ismalique…
Angriff auf die Demokratie – Eine Intervention (Democracy Under Attack – An Intervention) de Romuald Karmakar, Allemagne
Dix hommes et femmes viennent s’exprimer devant un microphone à l’occasion d’un congrès organisé en décembre 2011 à Berlin, avec comme sujet l’état actuel de notre démocratie.
Audre Lorde – The Berlin Years 1984 to 1992 de Dagmar Schultz, Allemagne
Vingt ans après la mort de la poète afro-américaine Audre Lorde, qui se définissait comme « une mère, activiste et poète lesbienne, féministe et noire », ce documentaire revient sur un long séjour berlinois qui fut déterminant pour elle.
“Blut muss fließen” – Undercover unter Nazis de Peter Ohlendorf, Allemagne
Sur six années, le journaliste Thomas Kuban a filmé secrètement une jeune communauté de néonazis. D’après une récente étude, l’extrême droite est devenue en Allemagne le premier mouvement jeune. Avec comme points d’orgue… des concerts. Le documentariste Peter Ohlendorf re-parcourt avec Kuban les endroits d’Allemagne et d’Europe où il avait filmé secrètement ces séquences.
Brötzmann – Da gehört die Welt mal mir (Brötzmann – That’s When The World Is Mine) de Uli M Schueppel, Allemagne
En 2010, le groupe de rock progressif Caspar Brötzmann Massaker, actif dans les années 1980 et 1990, se retrouve pour un concert au légendaire Berghain de Berlin.
Call Me Kuchu de Malika Zouhali-Worrall et Katherine Fairfax Wright, USA
La loi anti-homosexuels que des groupes religieux ougandais tentent de faire passer entraînerait l’emprisonnement des homosexuels et même, pour les « cas sérieux », la peine de mort. Dans un pays où 90% de la population tolère cette criminalisation de l’homosexualité, un groupe d’activiste homosexuels combat pour empêcher la proposition de loi d’être votée…
Detlef de Stefan Westerwelle et Jan Rothstein, Allemagne
Herr Wichmann aus der dritten Reihe (Henryk from the back row) d’Andreas Dresen, Allemagne
Henryk Wichmann est un avocat forcené et le père de trois filles ; mais il est aussi élu parlementaire CDU à Potsdam, toujours prêt à contrer l’opposition SPD-Die Linke. Lorsque le Parlement n’est pas en session, il traverse sans cesse sa circonscription, l’une des plus grandes en Allemagne, mais peu peuplée et très marquée par le chômage…
In the Shadow of a Man de Hanan Abdalla, Egypte
Dans la foulée de la Révolution égyptienne, quatre femmes décrivent les évènements et évoquent ce que c’est que d’être une femme dans une Egypte à priori en marche vers une nouvelle société. On attend un documentaire courageux, intime et politique.
König des Comics (King of Comics) de Rosa von Praunheim, Allemagne
Vie et carrière de Ralf König, un illustrateur de BD à succès, qui travaille particulièrement la représentation de l’homosexualité.
La Vierge, les Coptes et Moi de Namir Abdel Messeeh, France/Qatar/Egypte
Sur fond des récents évènements politiques en Egypte, le réalisateur questionne les prétendues apparitions de la Vierge Marie aux Chrétiens coptes. Sa recherche sceptique mène à une réinterprétation fictionnelle de la réalité qui fait de son film une comédie sur la réalisation de documentaires…
Marina Abramović The Artist is Present (Marina Abramović The Artist is Present) de Matthew Akers, USA
Portrait de l’artiste contemporain, pendant et après son exposition au MoMA de New York.
Olhe pra mim de novo (Look at me again) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Brésil
Portrait d’un individu qui a décidé de dépasser la trinité « hétéro-homo-bisexuelle » pour prendre un autre chemin, à la recherche de nouveaux horizons…
The Reluctant Revolutionary de Sean McAllister, Royaume-Uni/Irlande
Un guide touristique au Yémen abandonne progressivement sa distance professionnelle vis-à-vis du « printemps » politique que traverse son pays. Son expérience avec le réalisateur, qu’il rencontre comme l’un des derniers touristes encore de passage dans ces temps turbulents, le politise…
The Summit de Franco Fracassi et Massimo Lauria, Italie
Evocation de la face sombre des déploiements policiers brutaux durant les manifestations anti-mondialisation qui ont accompagné le G8 de 2001.
Ulrike Ottinger – die Nomadin vom See (Ulrike Ottinger – nomad from the lake) de Brigitte Kramer, Allemagne
Portrait de la cinéaste allemande, qui a amené l’art contemporain dans la ville tranquille de Constance, près du lac du même nom.
Unter Männern – Schwul in der DDR (Among Men – Gay in East Germany) de Markus Stein et Ringo Rösener, Allemagne
En RDA, l’homosexualité était tolérée mais non permise. Six hommes se souviennent de leur mode de vie d’alors et de leurs stratégie pour composer avec la pression sociale.
Vito de Jeffrey Schwarz, USA
Portrait de l’historien du cinéma Vito Russo, qui a travaillé sur l’homosexualité au cinéma. Activiste dans l’Amérique post-Rideau de Fer, il fut une figure centrale dans le mouvement américain pour les droits des homosexuels.
Wo men de gu shi (Our Story –10-year ‘Guerrilla Warfare’ of Beijing Queer Film Festival) de Yang Yang, Chine
Words of Witness by Mai Iskander, USA
Portrait d’une journaliste du Caire qui tente de faire entendre sa voix dans la nouvelle diversité d’opinions en Egypte et de trouver sa propre place dans la société.
La section comprend un programme principal, un Forum Expanded qui explore de nouvelles formes d’expression artistique, cinématique et politique, ainsi qu’un ensemble de projections spéciales.
Ont notamment été présentés dans cette section en 2011 : Absent de l’Argentin Marco Berger, Les Mains libres de Brigitte Sy, le british Submarine ou encore le fascinant documentaire The Ballad of Genesis and Lady Jaye de Marie Losier.
VUS :
Bestiaire
Our Homeland
Le Sommeil d’Or
3 BESTIAIRE
Canada/France
De Denis Côté (Curling)
Déjà dans Curling, seul de ses films à être sorti en France (à l’automne 2011), le Québécois Denis Côté donnait une place importante à la nature et aux animaux. Le tigre qui apparaissait dans le sommet d’étrangeté du film s’invitait jusque sur l’affiche, volant la vedette aux acteurs, avec leurs « gueules » fascinantes qui nous les faisaient presque observer de manière anthropologique… voire zoologique, puisqu’ils devenaient de quasi-bêtes étranges, à la psychologie impénétrable. Le cinéaste explore cette composante-là de son précédent film dans Bestiaire, un objet cinématographique expérimental et inclassable par excellence, où la confiance dans l’impact des seules images sur le spectateur, sur leur capacité à créer une atmosphère, est plus grande encore. Et pour cause : le film est officiellement « sans dialogues ». Tout juste entend-on quelques grommellements de personnages humains, dont le fait qu’ils ne soient pas sous-titrés indique bien qu’ils ne sont pas destinés à être compris. Le reste de la bande-son n’est donc que bruits d’animaux et de la nature, avec également une musique atonale qui nous plonge dans une torpeur propice à une quasi-méditation. Si l’on parle de méditation, c’est que le film s’inspire selon son réalisateur de l’idée hindoue du darshan, moment de contact visuel de l’homme avec une créature divine. Reconnaissons que l’idée en question est remarquablement figurée, par une utilisation avisée des moyens qu’offre le cinéma. Outres cette bande-son, les partis-pris visuels participent d’un flottement réflexif : les longs plans fixes nous laissent le temps d’observer le moindre détail et surtout, de faire évoluer notre point de vue sur les êtres observés. Privés de leur parole, les hommes (employés du zoo canadien où sont filmés la plupart des animaux, touristes, etc.) sont relégués à leur pure corporéité, à un ensemble de gestes, d’expressions, d’attitudes. Le montage, confrontant hommes et animaux, est certainement le plan qui renferme le plus de sens pour le film. On ne sait pas bien où Denis Côté veut en venir, assurément ne cherche-t-il pas à délivrer le moindre propos. Son livre d’images, ni documentaire ni fiction, demeure une expérience fascinante, mais certainement destinée aux seuls festivals…
4 OUR HOMELAND (KAZOKU NO KUNI)
Japon
De Yang Yonghi
En décembre 1959, le gouvernement nord-coréen met en place un plan de rapatriement des Coréens vivant au Japon. Cette politique durera vingt ans. Un jeune homme part ainsi pour la Corée du Nord, tandis que sa petite sœur reste au Japon. Vingt-cinq ans plus tard, ils se retrouvent. Le jeune homme retourne au Japon pour recevoir un traitement médical pour trois mois… Le réalisateur sait traiter ce sujet socio-politique sans tapage, sans verser dans le « tract cinématographique » ou le réquisitoire grandiloquent. Entièrement ausculté au niveau d’une cellule familiale déchirée, le problème de ces Japonais qui ont émigré en Corée du Nord avec l’illusion de pouvoir en revenir est ramené à son essence humaine, et sans que ses fondements historiques soient oubliés en route. Remarquable dans son écriture, le film réserve de sacrées surprises : il ne s’agit pas seulement des jeunes frères et sœurs séparés très tôt l’un de l’autre mais également des parents dont on apprendra sur le tard qu’ils sont à l’origine de cette « expérience socialiste » du frère aîné en Corée du Nord qui est devenue malgré lui un emprisonnement à ciel ouvert. Cette révélation rajoute un niveau de tension supplémentaire – la culpabilité donc – à une histoire déjà éprouvante sur le plan émotionnel. Encore peu expérimenté (c’est son premier film de fiction, après deux documentaires), Yang Yonghi peut déjà se targuer de marcher sur les traces de Kore-Eda Hirokazu : la sobriété formelle qui correspond à la retenue, à la bienséance nippone et qui constitue une sorte de surface lisse que la douleur profonde des personnages va venir craqueler nous rappelle le magnifique Still walking (2009), la composante politique en plus. Seuls quelques pics d’émotion un peu trop faciles viennent modérer notre enthousiasme. On espère pouvoir reparler du film très vite à l’occasion d’une distribution française…
2 LE SOMMEIL D’OR
France/Cambodge – Documentaire
De Davy Chou
Evocation de l’âge d’or du cinéma cambodgien, pendant les années 1960 et jusqu’au début des années 1970. Trois films de cette époque sont projetés dans le cadre du Forum Special. La première image de ce documentaire est proprement fascinante : on remonte une route de campagne au crépuscule à bord d’un camion, tandis que deux voix évoquent, hors-champ, leurs souvenirs de l’âge d’or du cinéma cambodgien. On met un certain temps à réaliser que les images sont montrées « à l’envers », que les véhicules que l’on croise roule en marche arrière. A ce stade, on espère un document teinté d’onirisme – espoir suscité aussi par le titre du film, mais on ne nous offrira tout au mieux que quelques interviews touchantes filmées dans de beaux décors qui sont autant de réminiscences d’une époque dont les restes sont peu nombreux, la guerre et la dictature ayant presque tout ravagé. Le reste du temps, disons qu’on a le temps de s’ennuyer…
ET AUSSI :
Al Juma Al Akheira (The Last Friday) de Yahya Alabdallah, Jordanie/Emirats Arabes Unis
Un chauffeur de taxi à Amman se voit forcer de remettre de l’ordre dans sa vie…
Ang Babae sa Septic Tank (The Woman in the Septic Tank) de Marlon N. Rivera, Philippines
Un jour dans la vie de trois jeunes réalisateurs ambitieux, passionnés mais mal avisés qui organisent un rapide pré-production dans un Starbucks Coffee… Au vu des premières images, ça a tout l’air d’être atroce. Une comédie lourde et filmée avec les pieds (une de plus), que ça ait été ou non un carton au box-office national, à priori, c’est sans nous !
Avalon d’Axel Petersén, Suède
Beziehungsweisen (Negotiating Love) de Calle Overweg, Allemagne
Un film à moitié documentaire et à moitié de fiction qui suit plusieurs thérapies de couple.
La Demora (The Delay) de Rodrigo Plá, Uruguay/Mexique/France
Prix du jury oecuménique
Une femme, plongée dans une misère noire, est contrainte d’abandonner son père psychologiquement malade. Le nouveau film du réalisateur uruguayen du remarqué La Zona – Propriété privée (2008).
Escuela normal (Normal School) de Celina Murga, Argentine
A travers les élections au conseil étudiant dans une école élitiste à Parana, exploration du contraste entre idéaux politiques, idéologies institutionnelles et leur pratique au quotidien.
Espoir voyage de Michel K. Zongo, France/Burkina Faso – Documentaire
Le réalisateur tente, en Côte d’Ivoire, de trouver ce qu’il est arrivé à son frère. Celui-ci a quitté leur Burkina Faso natal des années auparavant et n’est jamais revenu, cherchant comme beaucoup d’autres du travail dans ce pays voisin plus attractif.
For Ellen de So Yong Kim, USA
La réalisatrice sud-coréenne, qui vit aux Etats-Unis, met ici en scène Paul Dano en rockeur irresponsable qui tente enfin de bâtir une relation avec sa fille. Le film a beaucoup fait parler de lui au dernier Festival de Sundance.
Formentera d’Ann-Kristin Reyels, Allemagne
Un jeune couple berlinois part en vacances sur une île au soleil en se promettant de faire quelque chose de bien pour eux-mêmes et pour leur relation. Libérés des obligations du quotidien, ils commencent à se questionner sur tout ce en quoi ils croient, y compris l’un l’autre…
Francine de Brian M. Cassidy et Melanie Shatzky, USA/Canada
Melissa Leo incarne une ex-détenue en liberté conditionnelle qui va s’épanouir au contact des animaux.
friends after 3.11 d’Iwai Shunji, Japon
En réaction aux évènements de Fukushima, réflexions sur la situation politique, économique et social d’un pays en état de dépendance…
Habiter / Construire de Clémence Ancelin, France – Documentaire
Au milieu du désert tchadien une entreprise française construit une route bitumée. Entre acculturation et espoir d’une vie meilleure, la route progresse inexorablement vers la grande ville dans une brousse encore traversée par quelques bergers nomades.
Hemel de Sacha Polak, Pays-Bas/Espagne
Prix FIPRESCI (Fédération internationale de la presse cinématographique
Hemel enchaîne les partenaires sexuels et vit sa sexualité comme un moyen de provocation.
Hiver nomade de Manuel von Stürler, Suisse
Portraits de deux bergers nomades dans la Suisse française hivernale…
Jaurès de Vincent Dieutre, France – Documentaire
Dans une conversation avec Eva Truffaut, le réalisateur réfléchit à sa relation avec Simon, depuis l’appartement duquel il filmait le monde extérieur, capturant la lutte de réfugiés rassemblés devant la station de métro parisienne Jaurès.
Kashi (Choked) de Kim Joong-hyun, Corée du Sud
Histoire d’une destruction familiale causée par la mère.
Kid-Thing de David Zellner, USA
Annie, une gamine rebelle privée d’attention parentale, passe son temps à errer dans la campagne, à voler à l’étalage, à commettre des actes de vandalisme et à passer de faux coups de téléphone. Sa routine se brise lorsqu’un jour, dans les bois, elle entend une vieille dame appeler à l’aide depuis un mystérieux trou… David Zellner et son frère Nathan (producteur et chef op), qui font partie de ce mouvement du cinéma américain indépendant que l’on appelle le mumblecore (micro-budget, acteurs non professionnels, liberté de la narration), ont financé leur long via KickStarter.
Koi ni itaru yamai (The End of Puberty) de Kimura Shoko, Japon
Madoka, professeur timide, est désirée par Tsubura, un élève excentrique…
Die Lage (Condition) de Thomas Heise, Allemagne – Documentaire
Dans des images au noir et blanc laconique, suivi des préparatifs de la visite du Pape en 2011 à Thüringen.
Modest Reception (Paziraie Sadeh) de Mani Haghighi, Iran
Dans la province iranienne, un riche couple distribue autour de lui des sacs en plastiques pleins d’argent – une aumône qui n’est pas sans entraîner des vexations…
No Man’s Zone (Mujin chitai) de Fujiwara Toshi, Japon/France – Documentaire
Inspiré par Stalker de Tarkovski, le cinéaste avant dans la zone contaminée autour des réacteurs nucléaires de Fukushima et évoque des images d’une apocalypse invisible…
Nuclear Nation de Funahashi Atsushi, Japon
Dans l’après-Fukushima, un maire privé de ville tente désespérément de maintenir soudée une communauté dispersée dans différents abris d’urgence dans la banlieue tokyoïte.
Parabeton – Pier Luigi Nervi und römischer Beton (Parabeton – Pier Luigi Nervi and Roman Concrete) de Heinz Emigholz, Allemagne
Příliš mladá noc (A Night Too Young) d’Olmo Omerzu, République Tchèque/Slovénie
Invités imprévus d’une étrange célébration du Nouvel An, deux pré-adolescents découvrent les dynamiques sexuelles troublantes de l’âge adulte…
Revision de Philip Scheffner, Allemagne – Documentaire
Reconstitution des circonstances qui ont entraîné la mort de deux hommes près de la frontière germano-polonaise en 1992.
Salsipuedes de Mariano Luque, Argentine
Ils ont eu de la chance, le camping est situé dans le paysage imposant d’une forêt. Les oiseaux chantent avec douceur et, heureusement, il n’y a pas beaucoup de touristes. Mais Carmen et son mari Rafa n’arrivent pas à profiter de leurs vacances… Ce tout jeune cinéaste argentin, sélectionné à la Cinéfondation cannoise l’an dernier, s’attaque dans ce moyen-métrage au thème de la violence conjugale.
Sekret (Secret) de Przemysław Wojcieszek, Pologne
Ksawery et Karolina rendent visite à Jan à la campagne. Ksawery est un danseur drag queen et Karolina son agent. Jan est le grand-père de Ksawery. Ksawery est gay, Karolina juive. Jan garde un sombre secret du temps de l’Holocauste…
Sleepless Knights de Stefan Butzmühlen et Cristina Diz, Allemagne
Dans un village de l’Estrémadure où les ancêtres pratiquent toujours le rite médiéval de la chasse du Mal hors de chez eux, un Madrilène devient ami avec un policier local, sur fond d’exode rurale, de chômage des jeunes et de crise d’une nation, et au milieu d’un cadre naturel qui semble d’un autre monde…
Soldier / Citizen (Bagrut Lochamim) de Silvina Landsmann, Israël – Documentaire
Confrontation avec l’irréconciliable regard de jeunes Israéliens sur les citoyens et voisins arabes.
Spanien (Spain) d’Anja Salomonowitz, Autriche
Tepenin Ardı (Beyond the Hill) d’Emin Alper, Turquie/Grèce
Une réunion de famille dans le village du grand-mère est assombrie par un conflit autour de la terre et des droits de propriété. Dans des paysages à la beauté austère, les hommes partent finalement en croisade contre un ennemi invisible…
Tiens moi droite de Zoé Chantre, France – Documentaire
Dans cet essai filmique intime, la réalisatrice utilise des sketches animés dessinés au crayon pour documenter sa longue expérience de scoliose.
Toată lumea din familia noastră (Everybody in Our Family) de Radu Jude, Roumanie/République Tchèque
Quand une sortie avec sa fille, planifiée de longue date, est annulée, Marius entre en un dur conflit avec son ex-femme et la famille de celle-ci…
What Is Love de Ruth Mader, Autriche – Documentaire
En cinq miniatures de la province autrichienne, exploration de plusieurs visages de l’amour.
Zavtra (Tomorrow) d’Andrey Gryazev, Russie – Documentaire
La performance artistique radicale du groupe Voina vise à mobiliser l’opposition au système en place en Russie. Le film suit le groupe dans ses manifestations.
FORUM SPECIAL
A peine connu en Occident, Kawashima Yuzo (dont Shohei Imamura a été l’assistant réalisateur et qui a lui-même été assistant d’Ozu et Shimazu aux studios Shochiku) a pourtant capté les changements sociétaux du Japon comme peu d’autres cinéastes, selon les programmateurs du Forum…
« Avec ses figures de personnages essayant d’évoluer dans un monde en proie à la misère et à la chute des repères moraux, son regard sur la condition féminine, Kawashima Yuzo incarne la transition entre le cinéma japonais de l’âge d’or et celui de la Nouvelle Vague. » (Cinemasie.com)
Kino to ashita no aida (Between Yesterday and Tomorrow) de Kawashima Yuzo, Japon, 1954
Le Paradis de Suzaki (Suzaki Paradaisu Akashingo) de Kawashima Yuzo, Japon, 1956 (photo)
Chronique du Soleil à la Fin de l’Ere Edo (Bakumatsu taiyoden) de Kawashima Yuzo, Japon, 1957
Brand X de Wynn Chamberlain, USA, 1969
Un classique du cinéma américain underground, une satire des medias qu’on a longtemps crue perdue et qui nous revient cette année.
in arbeit / en construction / w toku / lavori in corso (in the works) de Minze Tummescheit et Arne Hector, Allemagne – Documentaire
Construit sur le principe de la chaîne d’interviews, où le premier interviewé choisi le second et ainsi de suite, ce documentaire rencontre des gens qui ont en commun de travailler dans un structure coopérative. Mais la question clé dont ils discutent, c’est celle de leur propre intégrité : fait-il sens et est-ce seulement possible de se positionner en dehors des processus industriels, de l’arène politique et du marché globalisé ?
Lawinen der Erinnerung de Dominik Graf, Allemagne – Documentaire
Portrait d’une personnalité importante de la télévision allemande, l’auteur, réalisateur et producteur Oliver Storz.
Swoon de Tom Kalin, USA, 1992
L’un des films les plus marquants du New Queer Cinema des années 1990, le mouvement dans lequel s‘inscrivent Gregg Araki ou Todd Haynes. Le film avait été présenté au Forum il y a tout juste dix ans.
Décrite par les programmateurs du Forum comme une pionnière du cinéma indépendant américain, Shirley Clarke se voit rendre un hommage en deux films, qui ont en commun le motif de la musique jazz :
The Connection de Shirley Clarke, USA, 1962
Ornette: Made in America de Shirley Clarke, USA, 1985
En complément du documentaire Le Sommeil d’Or présenté dans sa sélection principale, le Forum projette trois films de l’âge d’or méconnu du cinéma cambodgien :
Peov Chouk Sor de Tea Lim Koun, Cambodge, 1967
Puthisen Neang Kongrey (12 Sisters) de Ly Bun Yim, Cambodge, 1968
Puos Keng Kang (The Snake Man) de Tea Lim Koun, Cambodge, 1970
PERSPEKTIVE DEUTSCHES KINO
Retrouvez bientôt un compte-rendu de la section complète, pour laquelle l’auteur de ces lignes est membre du jury jeune franco-allemand « Dialogue en Perspective »
GENERATION
Cette section montre depuis 1978 des films destinés particulièrement à un jeune public. Deux jurys, l’un composé de sept jeunes adultes et l’autre de onze collégiens berlinois, remettront comme chaque année les Ours de Crystal. Parallèlement, un jury composé de cinq artistes internationaux remettra également des Ours de Crystal du meilleur long-métrage et du meilleur court-métrage.
En 2011, c’est On the Ice d’Andrew Okpeaha MacLean (lire notre critique) qui était reparti grand gagnant, remportant non seulement l’Ours de Crystal du jury 14plus, mais également le prix du Meilleur premier film, attribué à un film du festival, toutes sections confondues.
La sélection 2012 regroupe quelque 58 films longs et courts issus de 32 pays différents, parmi lesquels 12 premiers longs-métrages.
RETROSPEKTIVE 2012 : « The Red Dream Factory »
Chaque année, la rétrospective célèbre un artiste ou un courant important de l’histoire du cinéma. Après l’intégrale Ingmar Bergman de 2011, c’est un studio de cinéma peu souvent évoqué mais néanmoins important qui est à l’honneur cette année : le soviétique Mezhrabpom-Film, ainsi que son antenne allemande Prometheus Film, active de 1922 à 1936. Plus de quarante œuvres seront montrées, les films muets étant accompagnés en direct par des artistes de renommée internationale.
Cette structure, dont la double nationalité était particulièrement originale pour l’époque, fut cofondée par Moisei Aleinikov, un producteur et expert en cinéma de l’époque tsariste et qui a su traverser sans trop d’embûches les bouleversements de la Révolution de 1917, et Willi Münzenberg, un communiste allemand. Elle a produit en tout plus de 600 films et fut démantelée sous la pression des régimes hitlérien et stalinien.
Avec quelques classiques du pur cinéma révolutionnaire soviétique (n’ayons pas peur des mots : du cinéma de propagande) cohabitent des œuvres à caractère plus réaliste, centrées sur le quotidien des petites gens. Mezhrabpom fut également producteur des premiers films d’animation et des premiers films parlants soviétiques, dont certains seront montrés lors de la « Retrospektive ».
On retrouvera notamment des classiques comme Le Cuirassé Potemkine (1925), le chef-d’œuvre d’Eisenstein, ou Kuhle Lampe oder Wem gehört die Welt? (photo) de Slatan Dudow (1932), premier film allemand ouvertement communiste.
En parallèle (et en complément) de la « Retrospektive » sera projetée une version restaurée d’Octobre (1928), la célèbre fresque réalisée par Eisenstein pour les dix ans de la Révolution. La partition originale d’Edmund Meisel sera jouée par le Berlin Radio Symphony Orchestra le 10 février au Friedrichstadt Palast.
HOMMAGE ET OURS D’HONNEUR POUR MERYL STREEP
Chaque année, la Berlinale décerne un (ou des) Ours d’Honneur. La distribution européenne de La Dame de Fer, où elle incarne Margaret Thatcher, offre une occasion toute trouvée de distinguer Meryl Streep, l’une des actrices les plus talentueuses et les plus populaires de la planète. Si l’on a de sérieux doutes quant à la qualité du film en question, qui sera projeté hors compétition le 14 février au Berlinale Palast de la Potsdamer Platz, on n’en a nettement moins quant au plaisir que prendront les festivaliers à (re)voir quelques-uns des films qui ont marqué la carrière de la comédienne : de Kramer contre Kramer de Robert Benton (1979) à The last Show de Robert Altman (2006), en passant par Le Choix de Sophie d’Alan J. Pakula qui lui avait valu un Oscar de la meilleure actrice en 1983, Le Mystère Silkwood de Mike Nichols (1983), Out of Africa de Sydney Pollack (1986) et le magnifique Sur la Route de Madison, de et avec Clint Eastwood (1995).