Juste retour des choses que Matthew Vaughn se voit confier la réalisation de cette préquelle à la franchise X-men, lui qui avait abandonné la direction du troisième opus pour cause de mésentente avec la production. Face à des délais trop courts pour mettre en boîte le film qu’il souhaitait, il cèdera sa place au redoutable Brett Ratner qui livrera le long-métrage décrié que tout le monde connaît. Pourtant, L’affrontement final n’était pas une complète catastrophe et comprenait des choses fort intéressantes. Des éléments qu’on pourrait facilement imputer à la préparation du projet par Vaughn. Quelques bonnes idées parsèment l’histoire (la scène d’ouverture vient de Vaughn si on en croit le producteur Avi Arad) et les personnages offrent une multitude de fascinantes pistes de réflexion. Du potentiel que Ratner n’arrivera absolument pas à exploiter par son manque de compétence. Le bonhomme ne sait pas comment mener sa barque et laisse en plan pratiquement tous ses personnages. Il est d’ailleurs hilarant de voir les scènes coupées proposées sur le DVD où certains passages ont été tournés de telle manière à donner deux propos radicalement opposés (le choix de Malicia par rapport à ses pouvoirs notamment). Preuve que Ratner se préoccupait moins de conter une histoire que d’offrir de la matière au studio qui se chargera de tout mettre en ordre selon ses désirs. Même le spectaculaire n’était pas au rendez-vous. Déçu que l’impressionnante scène du pont ne constitue pas le point culminant du film, Ratner demandera à ce qu’elle soit déplacée à la fin du film. Un choix qui obligera le grand affrontement final du titre à se situer dans une bête cuvette constituée par la cour d’Alcatraz. Voilà qui est loin d’être à la mesure des Artworks originels présageant un final épique où la puissance du Phoenix devait ravager les gratte-ciels du centre de San Francisco. Bref, Ratner a tout fait pour que le projet parte en eau de boudin.
Après un irrécupérable Wolverine, Vaughn revient désormais aux affaires pour remettre la franchise sur les rails. Pourquoi un tel retournement de veste puisque la production de X-men : Le Commencement est soumis aux même contraintes de production que L’affrontement final ? D’une certaine manière, on peut considérer que Vaughn a pris de la bouteille comme réalisateur. A l’époque du troisième opus, il n’avait réalisé qu’un long-métrage avec le film de gangster Layer cake. Depuis il s’est frotté à des productions plus ambitieuses (les géniaux Stardust et Kick ass) et se sent probablement plus apte à relever un tel défi. Malheureusement, l’intéressé donne un autre son de cloche en interview et lâche une explication plus résignée. Considérant que le genre va péricliter d’ici peu, il souhaite s’atteler à un vrai grand film de super-héros tant qu’on lui en offre encore l’opportunité. Mais qu’importe le pourquoi du comment ! Ce qui nous intéresse est de savoir si Le commencement est tout ce que n’était pas L’affrontement final ? Oui et non. A bien des égards, le film est une réussite grâce à l’équilibre de ses personnages et son sens du spectacle.
Vaughn est attentif aux questionnements de ses caractères. Il consacre du temps à chacun pour faire part de leur conception autour de la condition mutante. Les pistes sont pertinentes (la gestion des pouvoirs d’Erik au travers de sa colère), l’ambiguïté n’est pas négligée (l’altruisme apparent de Xavier est parfois douteux, notamment de par sa relation avec Mystique) et les références avancées fonctionnent (Dr. Jekyll & Mr. Hyde pour le fauve, ce qui conduit à une horrifique transformation en vue subjective). Il y a une richesse du propos assez savoureuse et largement amplifiée par l’époque choisie où les droits civiques étaient au cœur de tous les débats. De même, ce contexte géopolitique est une toile de fond ambitieuse et conduit à une réinvention savoureuse de l’Histoire. Outre un cachet jamesbondien attrayant (excellente production design sixties nous offrant même un générique de fin à la Maurice Binder), l’exploitation de la guerre froide donne des enjeux particulièrement brillants ainsi qu’un poids non négligeable à l’action. Si on pourrait pointer du doigt cette norme récurrente de resserrer l’action dans des décors un brin minimaliste (la cour d’Alcatraz du troisième épisode devient ici une plage cubaine), Vaughn a au moins le mérite d’en fouiller toutes les possibilités en multipliant les péripéties efficaces et en exploitant l’originalité des pouvoirs de chacun personnages (les puristes se plaindront toutefois encore du manque de synergie entre ces derniers).
Là où le film coince néanmoins, c’est dans sa finition. Avec juste une seule année pour concevoir le film de A à Z, la production fut un marathon afin de tout boucler dans les temps. A tout juste quelques semaines de la sortie, des reshoots étaient encore effectués. Cette précipitation se sent malheureusement dans le film et à bien des niveaux. Le script tout d’abord, qui a été conçu au fil de réécritures successives entre le choix de Bryan Singer d’inclure à l’histoire l’idée du spin-off autour de Magneto et les retouches du duo responsable de l’infâme Thor. Si Vaughn et sa partenaire Jane Goldman ont harmonisé la matière à disposition, il reste des soucis dans l’orientation de la préquelle. C’est avec un peu trop d’empressement que le film cherche à lever tous les mystères de la création des X-men. Aussi captivant soit l’intrigue contée, la déception pointe du fait qu’un projet d’une telle envergure pouvait difficilement contenir autant de choses. Il s’installe ainsi une déception par rapport à certains aspects comme la relation entre Xavier et Erik. L’opposition de leur philosophie est bien décrite mais l’amitié qui les lie manque d’illustrations approfondies pour rendre véritablement déchirante leur séparation. Si la naissance de cette lutte fratricide trouve une résonnance émotionnelle chez le spectateur, celle-ci se repose essentiellement sur l’excellence des deux interprètes. Même problème autour de la réalisation. Vaughn a toujours conçu des mises en scène dites impersonnelles (pas de gimmicks, de patte esthétiques ou d’identité visuelle) mais brillantes par leurs extrêmes efficacités au regard des situations contées. Ici le résultat n’est pas toujours brillant, la faute à un montage ne se montrant pas pertinent pour mettre en valeur les plans filmés. Un exemple frappant sera le caméo (hilarant) d’une vedette de la trilogie originale. L’efficacité du gag tenait à sa rapidité d’exécution. Or pour une raison inconnue, Vaughn et son monteur ont choisit de prolonger cette apparition par un plan qui ne sert strictement à rien. Il s’agit d’un détail mais bien d’autres du même genre s’accumulent. Au bout du compte, ils sont trop nombreux pour ne pas être pris en considération.
Peut-être bien qu’avec un peu moins de pression pour finaliser l’objet (certains effets spéciaux semblent incroyablement bâclés), le résultat aurait été tout autre. Si Vaughn avait voulu offrir le baroud d’honneur d’un genre déclinant, il a raté son objectif. Mais en l’état, il a offert un spectacle on ne peut plus honorable.
Réalisation : Matthew Vaughn
Scénario : Ashley Miller, Zack Stentz, Jane Goldman et Matthew Vaughn
Production : Marvel Studios
Bande originale : Henry Jackman
Photographie : John Mathieson
Origine : USA
Titre original : X-men : First Class
Date de sortie : 01 juin 2011
NOTE : 4/6