REALISATION : Bryan Singer
PRODUCTION : 20th Century Fox, Marvel Entertainment, Bad Hat Harry Productions…
AVEC : Hugh Jackman, James McAvoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence, Ian McKellen…
SCENARIO : Simon Kinberg, Jane Goldman, Matthew Vaughn
PHOTOGRAPHIE : Newton Thomas Sigel
MONTAGE : John Ottman
BANDE ORIGINALE : John Ottman
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Super héros, Adaptation
DATE DE SORTIE : 21 mai 2014
DUREE : 2h11
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Les X-Men envoient Wolverine dans le passé pour changer un événement historique majeur, qui pourrait impacter mondialement humains et mutants.Les X-Men envoient Wolverine dans le passé pour changer un événement historique majeur, qui pourrait impacter mondialement humains et mutants.
Lorsque John Carter est sorti en salles il y a deux ans, on a vu pleuvoir des réactions se plaignant d’une impression de déjà vu. L’inspiration du blockbuster financé par Disney aurait été cherchée du côté de Star Wars, Avatar, Stargate et même Prince Of Persia. Autant d’œuvres prises en référence qui ont pourtant récupéré à leur compte l’héritage des livres d’Edgar Rice Burroughs. Nous sommes là face à une tragédie sous la forme d’un serpent se mordant la queue. Le cas est tellement emblématique qu’il pourrait servir de dénomination à ce syndrome. On peut donc dire que X-men : Days Of Future Past souffre d’un syndrome John Carter. Etrangement, là où celui-ci sera fatal au film d’Andrew Stanton, il n’en est guère fait écho dans le cas présent. Peut-être parce qu’il s’inscrit cette fois-ci dans le cadre d’une franchise installée auquel le public est parfaitement réceptif. Mais reprenons depuis le départ. En 1981 est publié l’arc Days Of Future Past dans le cadre d’Uncanny X-Men. L’histoire se concentre sur un futur apocalyptique que Kitty Pride doit empêcher en retournant dans le passé. Trois ans plus tard, James Cameron sort Terminator. Si le point de départ du projet est né d’un cauchemar du cinéaste (l’exosquelette s’extirpant des flammes), il est très clair que Days Of Future Past l’inspirera pour la construction de son scénario à base de cataclysme robotique et de voyage dans le temps. Une adaptation officieuse auquel on peut difficilement ne pas se référer devant le film de Bryan Singer.
La seule introduction suffit à pousser à la comparaison. Au sein d’un monde plongé dans une nuit éternelle, quelques survivants se frayent un chemin dans des ruines jalonnées de cadavres et squelettes alors que des robots géants sillonnent la zone. La situation résulte de leur intelligence artificielle trop performante. En effet, à leur programme initial prévoyant l’élimination des mutants, ils ont ajouté la traque des humains qui pourraient leur donner naissance et ce même si ça n’arriverait que sur plusieurs générations. La probabilité atteignant inévitablement les 100%, on comprend que la seule solution soit de prévenir les évènements dans le passé. En soit, on fera peu de cas de la comparaison pour les raisons exposées plus haut. Singer lui-même semble assumer cette impossibilité d’éviter les parallèles. Il accepte ainsi de laisser passer les aspects suscitant inévitablement le déjà vu (les choix esthétiques entourant le futur) pour valoriser d’autres manœuvres. En conséquence, Days Of Future Past s’écarte totalement des thématiques propres à Terminator. Si les paradoxes temporels et les théories sur l’immuabilité du temps sont avancés, ceux-ci demeurent très succincts. Il en va de même des personnages quant au savoir sur l’avenir et leur propre évolution. Singer ne met pas l’accent là-dessus et préfère se consacrer aux questionnements fondateurs de la franchise. Le choix est logique pour la reprise de main de cette série dont il est l’initiateur.
Singer ne s’est d’ailleurs pas caché qu’il voulait remettre de l’ordre dans la franchise avec cet épisode. Ladite remise en ordre tient de l’anecdote (retour des motifs du générique d’ouverture, réutilisation du thème composé pour X-men 2) ou de la facilité (les potentielles incohérences sont écartées à la façon de J.J. Abrams sur Star Trek) mais la démarche avalise tout ce que le sympathique Le Commencement avait entrepris. Point donc de dérives métaphysiques liées au concept narratif mais un récit se déployant intégralement autour du dilemme des personnages et des enjeux de l’époque visitée. En ce sens, le scénario fait preuve d’une efficacité d’écriture que la franchise n’avait jusqu’alors rarement atteinte. Ce qui se ressent tout particulièrement dans une habileté à créer des connexions pertinentes avec les précédents opus. Pertinentes car non dommageables pour les profanes mais apportant une réelle plus-value à ceux qui les reconnaîtront. Ces ponts entre les épisodes servent ainsi à enrichir l’interaction entre les personnages. Par exemple, lorsque Charles Xavier évoque l’apparition éclaire de Logan dans Le Commencement, la mention sert avant tout à nourrir la dynamique de leurs rapports. Plus complexe encore, lorsque Bolivar Traske veut faire approuver le financement de son arme anti-mutant, son argumentaire se base sur l’extrait d’une thèse universitaire où il est indiqué que le mutant homo sapiens a entraîné l’extinction de son ancêtre néanderthalien. Une thèse citée dans Le Commencement puisqu’écrite par Xavier lui-même fournissant là les instruments contre sa propre cause. Une erreur d’autant plus douloureuse puisque dans X-men 2, il est indiqué que son affirmation était inexacte.
En ce sens, Days Of Future Past est l’épisode démontrant le plus perspicacement les enjeux de la guerre entre mutants et humains. Mise en relief par sa réinvention de faits historiques (l’assassinat de JFK, la guerre du Vietnam), les arguments de chaque camp sont posés avec force et intelligence. La moindre insertion en un sens ou dans l’autre relève un fond de vérité rendant d’autant plus inéluctable le futur destructeur annoncé. Le récit n’hésite d’ailleurs pas en ce sens à créer des jeux de miroirs entre ses arguments, la conviction de l’un se répercutant dans celle de l’autre. Ce que l’on peut retrouver dans un climax où Magneto prend possession des sentinelles destinées à tuer ses semblables et les retourne contre leurs créateurs. Toujours dans la lignée de son prédécesseur, le film assure d’ailleurs son spectacle par une aptitude pour exploiter un minimum les synergies du groupe (l’ouverture à la Portal) et une imagerie rendant justice aux capacité de ses personnages (le vol du stade, la scène déjà culte avec Quicksilver). Le plaisir de ces moments de créativité n’est que renforcé par leur absence de gratuité et la volonté de constamment les rattacher aux enjeux. Ce qui ne rend ainsi guère étonnante une résolution se voulant pour le moins intimiste puisque se basant sur un simple choix. Un choix non imposé par la nécessité de concevoir les conséquences sur le futur mais par la façon d’appréhender le plus justement nos croyances et de faire preuve d’une compréhension mutuelle.
Le film s’accomplit là par cette capacité à relier ses idées entre elles sans omettre le plus élémentaire des divertissements. Il est fort probable que le résultat aurait pu aller encore plus loin avec une finition supplémentaire. A l’instar de Le Commencement, le planning très serré de la production provoque son lot de petites anomalies qui perturbent régulièrement le visionnage (notamment en terme de montage). Mais au final, cela ne rend que plus méritantes les qualités du travail accompli.