REALISATION : Yoshikazu Yasuhiko
PRODUCTION : Bandai Visual Company, Gakken Co. Ltd., Shochiku
AVEC : Katsuhide Uekusa, Yûko Mizutani, Eriko Hara,, Yûko Sasaki,
SCENARIO : : Yuichi Sasamoto,
PHOTOGRAPHIE : Yoshiyuki Tamagawa
MONTAGE : Takeshi Seyama
BANDE ORIGINALE : Joe Hisaishi
ORIGINE : Japon
GENRE : Animation, Science-fiction
DATE DE SORTIE : 11 mars 1989
DUREE : 1h42
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Après qu’une planète de glace soit entrée en collision avec Venus en l’an 2003, cette dernière connait des changements atmosphériques qui la rendent habitable pour l’homme. À partir de là, un grand nombre d’humains immigrent sur Venus.
La probabilité de l’anéantissement général ne cessait pas de progresser. La seule façon de l’empêcher, c’était de le montrer pour provoquer un sursaut salutaire. Car enfin, quel être humain normalement constitué ne se sentirait pas mobilisé à l’idée que tout ce à quoi il tient dans la vie va disparaître ? Pour sauver la civilisation, j’allais montrer son anéantissement. Et comment croyez-vous que les gens aient réagi à une telle perspective ? Comment se sont-ils comportés à l’annonce de l’imminence du désastre ? Ils l’ont gobé comme un éclair au chocolat ! Loin de redouter leurs propres fins, ils l’ont recyclé. Ils s’en repaissent dans les jeux vidéo, les émissions de télé, les livres, les films… Résultat soudain, le monde entier vénère l’apocalypse et se rue dans les bras du néant avec une joyeuse inconscience. Et pendant ce temps-là, votre Terre commence à pourrir sous vos yeux.
Lorsque Nix tient ce monologue dans À la Poursuite de Demain, c’est toutes les perspectives d’un genre qui sont remuées. À contrepied d’une cinématographie confondant beaucoup trop de nos jours la noirceur avec la maturité, le réalisateur Brad Bird et son scénariste Damon Lindelof choisissaient de se tourner vers l’espoir et la possibilité de rendre le monde meilleur. Une orientation logique si l’on considère que la voie opposée conduit désormais à une impasse et que ses intentions sont condamnées à l’échec. Nous avons été abreuvés jusqu’à plus soif par des œuvres peuplées de visions apocalyptiques. La dystopie se veut un cri d’alarme en grossissant certains aspects de notre société pour en relever les dangers. Sauf que nos oreilles sont saturées et nous n’entendons plus rien. Tout ceci n’est plus qu’un bruit de fond auquel nous sommes habitués et ne prêtons donc plus attention. Car le problème ne tient pas tant à la surenchère dans le pessimisme qu’à la forme qu’elle prend. C’est par le prisme de l’imaginaire que la dystopie veut bousculer les mentalités. Or ce qui pouvait être une forme innovante pour interpeller semble aujourd’hui manquer de se renouveler. Il s’agit de moins en moins d’analyser nos travers et les dysfonctionnements de la société que de reprendre des thématiques déjà bien établies. Ce ne sont plus que des messages coutumiers que l’on ingère peu pour ce qu’ils soulignent que leur caution divertissante. Ça n’est pas un hasard si dans le même À La Poursuite de Demain, Bird fait du cinéma doudou un piège mortel. Un magasin étalant tout un pan de pop culture se révèle n’être qu’un agencement de vignettes familières pour séduire et barrer le chemin vers la vérité. Tout comme on peut s’interroger sur la place du cyberpunk dans notre monde actuel, les descriptions de futurs dégénérés incarnent de moins en moins un état des lieux actuel qu’un recyclage d’une pensée d’antan.
Du haut de ses trente ans, c’est un peu ce qu’impose Venus Wars au spectateur le découvrant aujourd’hui. On ne peut s’empêcher de qualifier comme classique tous les thèmes véhiculés par le film de Yoshikazu Yasuhiko. Suite à une catastrophe naturelle, la planète Venus a développé une atmosphère la rendant habitable par l’homme. Débarquant dans ce qui aurait dû être un nouvel Eden, la journaliste Susan Sommers voit que la colonisation n’a pas pris le tour espéré. Comme elle le déclare, Venus ressemble plus à un enfer qu’à un paradis. Ce constat simpliste nous promet-il une œuvre affichant mollement son propos ? C’est là où Venus Wars se focalise sur ce qui est la préoccupation majeure de la dystopie : sensibiliser son audience. Or il sait bien que les mots ne sont pas suffisants pour cela. Car ceux-ci peuvent difficilement appeler une réponse de son spectateur, le faisant au mieux à acter ce en quoi il croit déjà ou à l’inverse à rejeter ce qu’il ne veut pas entendre. L’énonciation verbale ne porte pas ses fruits car poussant finalement à camper sur ses positions. Peut-être arrive-t-elle à les affiner mais jamais à en bouleverser toute la structure. C’est les émotions suscitées par la forme, la représentation d’un discours qui peuvent contourner nos acquis pour redéfinir notre ligne de pensée.
Si la description de Susan d’un rêve qui a pourri fonctionne, c’est le design l’accompagnant qui va permettre de frapper les esprits. Au-delà d’être une terre désertique aucunement agréable, Venus donne surtout l’impression d’avoir vu son développement stoppé en cours de route. L’environnement tient de l’industrialisation répondant aux besoins les plus basiques. Aucun confort ne transpire des images et une ambiance de précarité domine. On ne sent ainsi jamais que la population est censée s’installer de manière définitive. Le désordre règne dans chaque coin de cadre comme si les protagonistes étaient sur le point d’arriver ou de partir. Bref, on baigne en pleine apathie. C’est ce qui ressort des courses de moto constituant la principale source de distraction sur Venus. La compétition y a moins d’importance que les démonstrations de violence pimentant un peu un quotidien morose. C’est à ce sport que le personnage principal Hiro et ses compagnons consacrent leurs temps, quand bien même leur entraîneur leur dit ouvertement qu’ils ne sont pas très doués. Comme pour ses spectateurs, Hiro a l’air de vouloir tromper son ennui et former un groupe solidaire en l’absence d’autres éventualités d’avenir.
Tout ce statu quo est chamboulé lorsque la guerre est déclarée. Une invasion brusque intervenant sans crier gare à la fin de l’exposition… et qui se terminera tout aussi rapidement. Passé l’assaut initial, la vie reprend son cours sous l’occupation. Le changement de pouvoir ne semble rien impliquer dans un monde si amorphe. Venus Wars en tire là sa scène-clé. Dans un centre commercial, Maggy, l’amie de Hiro, déclare vouloir voir la vie du bon côté et que certaines choses demeurent en dépit de la guerre. Le personnage est alors cadré en plongée dévoilant une fresque colorée sur le sol. Hiro ne partage pas cet optimisme. S’en suit un plan en contre-plongée sur une peinture de ciel bleu à moitié détruite et une série de plan montrant les différents impacts de la guerre. Baisser la tête et laisser courir ou constater la réalité pour ce qu’elle est et y faire face, tel est le choix s’imposant aux protagonistes. Un peu plus tard, Hiro révélera l’origine de son caractère désabusé. Avec sa famille, il est venu sur Venus pour s’installer dans une colonie fermière. Or le projet était voué à l’échec, aucune culture n’arrivant à prendre. Tout n’a été monté que pour des raisons politiques et médiatiques. Hiro en est venu à rejeter toute forme d’institution qu’elle concerne le gouvernement ou la rébellion.
Car quand il choisit de jouer à l’insurrection, c’est en attaquant le tank stationné près de son ancien circuit de course. Sans tomber dans la pure vengeance, son acte tient avant tout d’une contestation envers le vol du le peu de bonheur dont il jouissait. Ainsi n’accorde-t-il pas plus confiance à une institution officielle qu’au commandement des rebelles, pensant que ce dernier veut l’instrumentaliser au profit de son combat. Ce qui est effectivement le cas malgré un fond de respect mutuel. Plutôt que de scander ses propos alarmistes, Venus Wars se structure autour du parcours émotionnel de ses personnages et le besoin d’agir en accord avec soi. C’est d’ailleurs ce sentiment d’immersion qui se dégage du brillant travail d’animation. Pour bien nous plonger dans l’univers, le film veut créer une sensation de pris sur le vif. Cela tient évidemment du paradoxe dans un domaine artistique où tout créé de A à Z. C’est là où ressort l’intelligence de la mise en scène de Yoshikazu Yasuhiko. La mise en valeur de l’animation et de la masse de travail qu’elle a réclamé n’est pas forcément à ses yeux une priorité. S’il veut retranscrire la rudesse de son monde, alors il doit le montrer en tant que tel. De ce fait, il n’hésite pas à recourir aux gros plans plongeant au cœur de l’action et à composer des cadres peinant à la saisir. Combiné à la nervosité et vélocité de l’animation, le résultat devient sidérant pour nous faire vivre au plus près le moment. Chaque élément laisse ainsi transparaître sa dureté et son poids, ce qui s’avère primordial pour l’illustration de la guerre. Celle-ci apparaît presque déshumanisé, mettant très peu en avant les troupes. Ce sont plutôt les tanks et autres méchas qui tiennent le devant de la scène. Cette absence de visage humain est d’autant plus forte que l’animation nous signifie constamment la puissance de ces engins sans âme. Ce qui ne fait que rejoindre le discours du général en charge de l’occupation. La guerre devient une sorte d’état d’esprit immuable qui dépasse le seul individu et le déresponsabilise.
Si Venus Wars voit donc de manière très traditionnelle l’espoir dans une jeunesse qui pourrait contrer les erreurs de ses aînés, c’est son approche très cinématographique du sujet qui lui permet de toucher le spectateur.