REALISATION : J.J. Abrams
PRODUCTION : Lucasfilm, Bad Robot, Truenorth Productions
AVEC : Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Harrison Ford, Adam Driver…
SCENARIO : J.J. Abrams, Michael Arndt, Lawrence Kasdan
PHOTOGRAPHIE : Dan Mindel
MONTAGE : Maryann Brandon, Mary Jo Markey
BANDE ORIGINALE : John Williams
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Science-fiction
DATE DE SORTIE : 16 décembre 2015
DUREE : 2h15
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Dans une galaxie lointaine, très lointaine, un nouvel épisode de la saga « Star Wars », 30 ans après les événements du « Retour du Jedi ».
Que représente Star Wars ? Il semble opportun de commencer par cette bête question. Avec le rachat de Lucasfilm, le groupe Disney entend exploiter la licence pour la rendre aussi lucrative que Marvel. Outre une nouvelle trilogie, c’est tout un lot de spin-off estampillés Star Wars qui vont débouler tous les ans en salle. À l’aube du tsunami, tout spectateur doit passer par cette interrogation. Il ne s’agit pas de s’obliger à analyser et décortiquer l’œuvre mais simplement de constater ce qu’elle incarne à nos yeux. Lorsqu’on pense à Star Wars, il y a immanquablement une définition, une expression ou juste un mot qui s’impose à l’esprit. Pour l’auteur de ces lignes, il y en a un : l’aventure. Une basique aventure ? Non, pas une aventure basique mais la plus belle, la plus pure et la plus inoubliable de toutes. En voyant Star Wars, on découvre un univers jusqu’alors inconnu à nos yeux. Son existence était totalement insoupçonné. En se dévoilant, il révèle à quel point l’imaginaire est infini et proche de nous. L’invention est à son paroxysme, tout comme l’innovation rendant d’autant plus enchanteresse cette ouverture à tous les possibles. Star Wars est une pierre angulaire de l’imaginaire collectif. Que ce soit pour ses séquences d’action, ses péripéties humaines ou sa spiritualité, il a mis en lumière de nouvelles étendues pour notre esprit et nous a incité à les explorer. Pour cela, la trilogie originale est et restera une œuvre majeure du septième art. Naturellement, on est en droit d’attendre que tout ce qui s’y rattache soit digne de ce label et naturellement, on s’apercevra que ça n’est pas le cas.
Ils sont nombreux, les fans à s’être morfondus devant L’Aventure Des Ewoks ou purement liquéfiés face Au Temps De La Guerre Des Etoiles. De tristes objets qui peuvent être considérés pour ce qu’ils sont, à savoir des productions annexes détachables des films. Il en va de même pour les innombrables livres, comics ou jeux vidéo tirés de la franchise. Une conception qui ne s’appliquait pas sur le cas épineux de la prélogie. Sans volonté de la réhabiliter, il faut admettre qu’elle contenait une ambition pas complètement indigne de Star Wars. La prélogie proposera une incroyable et inédite déferlante de moyens technologiques. La problématique de la prélogie tenait surtout à la relation d’amour/haine entretenu par George Lucas avec sa création. Dans le documentaire The Pixar Story, John Lasseter déclarait « l’art défie la technologie et la technologie inspire l’art« . Lucas ne respectera que la première moitié du credo promu par l’ancienne filiale de son empire. Les besoins artistiques constitués à partir d’Un Nouvel Espoir auront motivé la création technologique de la prélogie. Ces outils extraordinaires ne trouveront pourtant qu’une timide exploitation artistique. La tragédie resplendissante et déchirante promise depuis des années ne s’avèrera qu’une pantouflarde série d’anecdotes triviales (qu’y a-t-il de passionnant à apprendre que C-3PO a été créé par Anakin Skywalker ?) et/ou d’une bêtise crasse (le monde est plus fade depuis la révélation des midichloriens). Lors de la préparation de La Menace Fantôme, Lucas jurait que Jar Jar Binks était la clé de tout. Et il synthétise effectivement l’intégralité des forces et faiblesses de la prélogie. Formidable création d’un strict point de vu technique, Jar Jar est absolument aberrant dans sa caractérisation et son utilisation dans l’histoire. Bien que livrant un semblant de jamais vu, l’expérience de la prélogie a entraîné un glissement dans la façon d’appréhender Star Wars. Ce glissement s’annonce définitivement entérinée avec la trilogie initiée par Le Réveil De La Force.
A la mise en branle du Réveil De La Force, il a été directement établi que la nouvelle trilogie ne tiendrait aucunement compte de l’univers étendu. On peut comprendre cette décision de ne pas s’embarrasser d’une somme de matériaux aussi conséquente que contraignante. Ce choix pousse à rattacher ce nouveau départ à la tradition cinématographique. Il y a une grande nécessité d’instaurer cette connexion par l’absence de George Lucas à la barre. Ayant rejeté les suggestions de l’ancien manitou, Le Réveil De La Force doit se disposer en digne représentant de Star Wars et non pas en un article de substitution. Ça sera le début d’une opération de séduction. Le Réveil De La Force se clamera haut et fort comme un film réalisé par un fan (en l’occurrence J.J Abrams) pour les fans. On nous promettait les retrouvailles avec nos héros adorés et la résurgence d’une ambiance délaissée par la prélogie. La production n’hésitera pas à se vanter du recours à ses tournages en extérieur et ses animatroniques à l’ancienne. Le Réveil De La Force sera un formidable retour aux sources nous dit-on. Ces quelques promesses sont-elles suffisantes pour accomplir la magie Star Wars ? En sortant de la séance, le constat est sans appel : Où est l’inconnu ? Où est l’innovation ? Où est l’imaginaire ? Une aventure n’est-elle pas censée vivre par son caractère imprévisible et surprenant ? Une telle chose ne peut se produire dans l’orientation du Réveil De La Force qui fonctionne comme un remake d’Un Nouvel Espoir. Personnages, situations et enjeux seront constamment calqués sur cet opus initial. Nous ne sommes pas juste en un terrain connu mais proprement terraformé. Cette idée de décalque n’est-elle pas une traduction de la sacrosainte théorie du monomythe ? En vertu du principe développé par Joseph Campbell, cette répétition était inévitable et l’assumer relève de l’hommage intelligent. Sauf que les admirateurs de cette théorie rappelleront que c’est plus un instrument qu’une structure à prendre au premier degré. Les océans sont animés de millions de vagues suivant un mouvement immuable. Pour autant, aucune vague n’est exactement identique à sa voisine et chacune présente ses propres variations. On trouvera ainsi le même nombre de similitudes que de divergences entre Moïse, Superman et Harry Potter.
Par plusieurs aspects, Le Réveil De La Force paraît intégrer cette notion. Finn, Rey et Poe reprennent à différents niveaux les fonctions que pouvaient avoir Luke, Leia et Han auparavant. Les cartes sont mélangées et redistribuées. Rey et Finn rejoignent Luke dans son désir de s’émanciper de sa condition et d’atteindre d’autres buts. Les deux personnages ne veulent pourtant pas échapper à la ferme de leur oncle. Finn ne se retrouve pas dans son rôle de stormtrooper et son obligation d’exécuter mécaniquement des ordres parfois sanglants. Rey erre dans les carcasses de vaisseaux d’une époque révolue afin de collecter les pièces qui lui permettront de quitter la planète où elle est clouée. Ils poursuivent un idéal sans qu’ils sachent tout de suite en quoi il peut consister. Ils seront aiguillés par un mentor et on notera là encore une évolution concluante des schémas. Le mentor était antérieurement Obi-Wan Kenobi, le vieux maître jedi détenteur d’un savoir tombé dans l’oubli. Aujourd’hui, la passation de pouvoir se fait au travers d’Han Solo. Certes, cette nomination s’explique par l’extrême popularité du personnage. Malgré tout, elle revêt un sens pertinent. Lorsqu’on le rencontra, Solo était un aventurier incrédule et blasé. Au fil des événements, il en viendra à accepter de placer sa foi en quelque chose de plus grand. Il est logique de faire de Solo celui qui invitera donc les nouveaux protagonistes vers leurs élévations.
Ce genre d’idées offre un certain renouvellement et attise la sympathie. On se réjouit devant un BB-8 dont le design et la personnalité n’en font pas un simulacre de R2-D2. Néanmoins, Ils n’arriveront pas à s’épanouir par l’excessif besoin de se raccrocher à la trilogie originale. Ne pas chercher à implanter et justifier des raccords visibles entre les périodes, ça serait précisément honorer le monomythe. Au début des années 80, George Lucas affirmait vouloir proposer des personnages principaux inédits à chaque trilogie pour cette raison. C’est démontrer que les histoires se répètent invariablement au sein de l’Histoire quelque soit les êtres impliqués et les lieux visités. L’univers s’enrichit dans cette démarche au lieu de demeurer figé comme le fait Le Réveil De La Force. Depuis Le Retour Du Jedi, George Lucas est souvent qualifié (non sans fondement) de vendeur de jouets. Si tel est le cas alors J.J. Abrams ne devrait être traité que de consommateur de jouets. Il ne crée pas de nouvelles choses mais se contente de récolter ce qui traîne sur les étagères. Figurines, vaisseaux, bestiaires, instructions… tout le jeu est déjà là. Pourquoi le réinventer ou percer les secrets de son fonctionnement ? L’antagoniste du Réveil De La Force est un bon exemple de cette reprise superficielle des acquis. Le premier ordre se présente comme l’héritier de l’Empire. Il en récupère l’envergure et tous les motifs visuels. Or, cela ne produit pas sens. Dans un environnement où la République est censée resplendir, il est illogique qu’un tel groupe se prônant comme son ennemi ait pu tranquillement développer ses colossaux moyens. On peine à comprendre pourquoi les instances dirigeantes n’ont eu d’autres possibilités que de retourner à la clandestinité contre une organisation supposément minoritaire. La mise en place d’une telle configuration a pour seule motivation la reproduction des mécanismes connus et appréciés. C’est omettre le changement de contexte (nous connaissons au moins pour partie le monde de Star Wars) et peut-être la force primordiale d’Un Nouvel Espoir.
Un Nouvel Espoir était narrativement simple ou, pour être plus approprié, d’une précieuse simplicité. Le modèle le plus élémentaire reste l’introduction de Luke Skywalker. En quelques secondes, le héros est croqué avec un naturalisme sidérant. De la même manière, l’ouverture nous dit tout ce que l’on a besoin de savoir de la situation. Avec spectaculaire, elle nous montre d’un côté les rebelles aux maigres ressources et de l’autre l’écrasant empire à la force colossale. Le Réveil De La Force tente une approche similaire avec l’ombre de ce monumental croiseur sortant des ténèbres, symbole d’un mal resurgissant du passé. L’image est forte sur le moment mais se dégonfle puisque ce fameux mal ne donne finalement jamais l’air d’avoir disparu. Le Réveil De La Force ne retient d’Un Nouvel Espoir que son rythme trépidant. Il oublie que celui-ci était permis par cette capacité de transmettre le plus instinctivement possible la moindre information. Des passages entiers sont reproduits et empilés le plus frénétiquement possible sans considération pour les effets qu’ils doivent fournir.
Prenons la première apparition du leader Snoke qui sert d’équivalent à l’empereur Palpatine. Celle-ci est copiée sur L’empire Contre-Attaque, le seigneur tout-puissant étant représenté par un gigantesque hologramme dominant ses lieutenants. L’impact visuel était évident mais surtout renforcé par notre ressenti vis-à-vis des dits lieutenants. Toujours définit comme un sbire, Dark Vador était perçu cependant en tant que redoutable forme ultime du mal. Cela sera la première fois qu’on le verra se soumettre et prêter une totale allégeance envers quelqu’un, contredisant pour ce faire ses propres directives. Alors qu’il envoyait sans vergogne ses troupes au casse-pipe deux scènes plus tôt, l’appel de son maître le conduit à abandonner immédiatement la poursuite du faucon millénium dans le champ d’astéroïdes pour avoir une réception parfaite. Tout ceci concourt à transformer l’empereur en une figure fascinante et inquiétante. Dans Le Réveil De La Force, le passage se positionne comme un interchangeable tunnel de dialogues chargés de faire avancer l’intrigue. Elle n’a aucune puissance et n’est qu’un outil fonctionnel un peu travaillé visuellement. Situer la scène dans le premier volet de la trilogie plutôt que dans le second où on est habitué aux personnages influe également.
Cédant son siège pour les prochains épisodes, Abrams apparaît vouloir réaliser en un unique long-métrage tous ses fantasmes labellisés Star Wars sans prendre le temps de les ménager dans une architecture probante. Il a ses références (la fameuse correction du Retour Du Jedi) et rien ne l’arrêtera pour les incorporer. Deus Ex Machina (le catapultage d’Han Solo dans l’intrigue, Rey ayant une maîtrise innée de la force) et tours de passe-passe narratifs (la disparition/réapparition de Poe) sont le lot d’un film qui ne saisira jamais vraiment le concept de redécouverte. A quoi bon refaire à l’identique la scène de la cantina en y ajoutant un plan-séquence virevoltant et illisible ? Cette étape pour voyageurs spatiaux émerveillait car illustrant la variété et donc l’ampleur de l’univers. En la réitérant, on nous confronte à ses frontières. La seule véritable variation tient à la taille (la Starkiller au combien plus grosse et destructrice que la Death Star) et tout le monde sait qu’elle ne compte pas (qu’a de menaçant ce type de base qui s’est déjà fait exploser deux fois ?). Au mieux, celle-ci procure un plaisir éphémère. Accordons que cette jubilation fugace est présente dans Le Réveil De La Force. La joie évidente d’Abrams à manipuler ses jouets sur une vaste échelle est vaine mais communicative. De par son dynamisme, le film n’ennuie pas et divertit en délivrant ces petits frissons disparaissant aussi rapidement qu’ils sont apparus. A l’instar du plan d’ouverture mentionné plus haut, Abrams se montre apte à concevoir des images séduisantes et de grisants mouvements de caméra. Il prouve toutefois ses limites de metteur en scène en n’arrivant jamais à faire en sorte que ces plans trouvent leur répondant dans celui qui précède et celui qui suit.
Le Réveil De La Force finit par ressembler à Kylo Ren. Au premier abord, on est captivé par son allure iconique et son dilemme moral intéressant à défaut d’être original. Puis, il enlève son masque et tout devient supercherie. Son style n’est qu’un gadget inutile, un apparat uniquement là pour alimenter le trip d’un ado mal dans sa peau. D’un standard de qualité, Star Wars est devenu une simple étiquette. Il n’y a qu’à voir comment en bon produit franchisé il place consciencieusement ses billes pour les futurs films (le rêve de Rey donnant son lot d’indices sur son passé et son futur). Star Wars est désormais un blockbuster parmi les autres blockbusters. Un blockbuster techniquement rodé et tout à fait regardable mais qui n’est plus générateur de rêve.
1 Comment
Bonjour,
Merci pour votre analyse très claire et très complète de l’état de Star Wars reprise par Disney
Une autre licence a également subit le même traitement : il s’agit de Tron. Tron Legacy a connu une realisation très stylisée à defaut comme son aîné de proposer des thematiques réellement génératrices de réflexion : lutte entre le bien et le mal, danger d’une IA surpuissante et incontrôlable, omniprésence d’une entreprise tentaculaire (…).
Toutes ces thématiques sont donc effacées au profit d’un développement lisse basée sur l’action. Il n’y a pas comme pour Star Wars Rogue One une réelle reprise des fondements de l’univers et surtout un enrichissement de la saga avec de nouveaux éléments (vaisseaux, personnages, planètes, faction, décors (…)). Sw7 empile les scènes d’action comme pour masquer le vide intrinsèque des personnages clairement peu ou pas développés.
Les incohérences du scénario deviennent béantes du coup : comment Poe disparaît il ? D’où vient le Nouvel Ordre ? De quelles cendres impériales renaît il ? Quels sont ses buts ? Celui de la résistance ?
Cette curieuse impression de vide donne l’impression d’une vitrine marketing étincelante mais desesperedé se creuse. Là où Gareth Edward a su à partir de vieux éléments faire un nouveau film sombre, JJ Abrahams n’a produit qu’un vieux film avec de nouveaux éléments. Paradoxal.
Solo a apparemment payé la désaffection du grand public pour l’oeuvre de Georges Lucas ou plutôt sa reprise par le géant du divertissement.
Respecter une œuvre est un exercice difficile notamment ses canons. Les briser provoque donc un rejet pour l’auteur ce qui a des conséquences certaines sur le long terme.
Soyons clairs : Star Wars Wars est une guerre dans les étoile. Rogue One a su retrouver le ton malgré les reshoots par Tony Gilroy. Or Disney semble avoir oublie l’impact culturel de Star Wars dans l’imaginaire collectif.
Un retour en arrière est il possible ?