REALISATION : Keiichi Satō
PRODUCTION : Tōei Animation
AVEC : Kaito Ishikawa, Kenji Akabane, Kenshō Ono , Nobuhiko Okamoto, Ayaka Sasaki…
SCENARIO : Tomohiro Suzuki
BANDE ORIGINALE : Yoshihiro Ike
ORIGINE : Japon
GENRE : Anime, Animation
DATE DE SORTIE : 21 juin 2014 au Japon
DUREE : 1h32
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Depuis la nuit des temps, chaque fois que les forces du mal menacent le monde, des combattants de l’espoir, les Chevaliers du Zodiaque, se dressent sur leur chemin. Quelques années après la “Guerre Sainte” qui a eu lieu au Sanctuaire, une jeune femme, Saori Kido, voit sa vie bouleversée par la découverte de sa véritable identité.
Lorsqu’il évoque les produits issus de la culture otaku dans son ouvrage Génération otaku, les enfants de la postmodernité, le philosophe et critique culturel Hiroki Azuma rappelle que l’un des pôles essentiels de cette culture consiste en la réinterprétation d’œuvres originales. Fanzines, jeux vidéo, figurines… Celle-ci se base sur la consommation d’éléments d’attraction (signes visant à stimuler la fascination des spectateurs pour les personnages, comme le chara-design, leurs propriétés ou capacités…) prétexte à décliner l’oeuvre originelle en une infinité de produits dérivés. Ce qui intéresse les otakus n’est donc pas l’univers d’une œuvre dans son ensemble (ses détails, sa grandeur, bref ; « le grand récit »), mais la base de données qui servira à la décliner. Ainsi, pour Azuma, les otakus amateurs d’Evangelion sont indifférents au sens de la série ou au message que celle-ci pouvait vouloir transmettre, mais portent leur attention sur trois points précis : les personnages, les détails de certains dessins et la mise en scène.
S’il nous semblait pertinent de nous attarder sur ces quelques observations, c’est parce qu’elles incarnent à merveille ce qui fait l’essence même de Saint Seiya – Legend of Sanctuary et des manières diamétralement opposées dont il sera reçu. Une scène du film résume d’ailleurs à merveille son ambivalence. Peu après avoir foulé le sol du sanctuaire, les chevaliers de bronze prennent connaissance des enjeux à venir. Shiryu se lance alors dans un monologue pour énoncer les étapes nécessaires à la réussite de leur mission, notamment en citant une à une les douze maisons du zodiaque. Du moins avant de se faire brutalement stopper par Yoga, lequel lui sous-entend clairement que ses explications, on en a un peu rien à cirer. Les deux réactions les plus évidentes à ce gag vont conditionner l’appréciation ou non du film. D’un côté, ceux qui se découvriront suicidaires face au cynisme dont il fait preuve à l’égard de la saga qui a bercé leur jeunesse. De l’autre, ceux qui se diront qu’effectivement on connaît déjà l’histoire donc on s’en cogne, faîtes péter Ikki et Shaka, on est venus pour ça.
Bref, l’éternel débat accompagnant toutes les formes d’adaptation et qui consiste à accepter ou non les transformations faites à l’oeuvre d’origine. Une opposition d’idées rendue encore plus inévitable que Saint Seiya approche de la trentaine et a déjà connu quantité de produits dérivés indissociables du matériau d’origine car tous adaptés de celui-ci.
La série animée de 1986 est une adaptation du manga car elle en reprend à la fois le grand récit et la base de données (les fameux « éléments d’attraction ») qu’elle contient, bien que prenant notamment des libertés avec le chara-design. Et parce qu’ils possèdent un scénario original, les cinq films qui précèdent Legend of Sanctuary constituent moins des adaptations que des prolongements de l’univers de la saga. Prolongements néanmoins considérés comme faisant partie intégrante de cet univers car principalement liés à celui-ci par l’utilisation d’une charte graphique commune. Des petites histoires au sein de la grande.
Mesdames messieurs : le sanctuaire
La confusion qui règne autour de la réception de Legend of Sanctuary tient donc principalement à sa véritable nature. Après tout, son titre contient les promesses d’un retour au sanctuaire et aux multiples émotions qu’y ont vécu lecteurs et spectateurs. En cela, il serait une nouvelle adaptation de l’arc en question, et la scène décrite plus tôt ferait preuve d’un cynisme absolu envers son modèle. Problème : le film de Keiichi Satô n’est pas vraiment une adaptation. Et cette scène constitue en réalité sa véritable note d’intention.
UNE LOGIQUE OTAKU
Tout pour le fun ! Ainsi, Legend of Sanctuary n’offre guère d’ampleur à sa mythologie. Ce qu’il a à donner ne dépasse jamais le cadre du récit conté et celui-ci prend fin en même temps que le film, du fait de l’absence d’un background l’inscrivant dans quelque chose de plus grand que lui. Bref, il est une œuvre qui reprend à son compte les éléments d’attraction du manga sans jamais avoir à coeur de restituer ce qui en faisait la force. Par exemple, le combat entre Yoga et Camus – en plus d’être expédié – s’achève de la même manière que dans le manga, le premier copiant l’attaque du second. Ni le scénario ni la mise en scène n’auront la volonté de traduire la symbolique originelle de cet acte, tout ce que cela impliquait à une échelle bien plus importante que le combat lui-même. En résulte donc… du fan-service, point. Des éléments d’attraction enlevés du grand récit dans lequel ils s’inscrivaient.
Legend of sanctuary est pensé selon une logique otaku, enchaînant les séquences qui n’existent que pour le simple plaisir de ce qu’elles représentent. À savoir, une relecture totale de l’arc du sanctuaire, fondée sur des coups de coude complices à tout va dans une logique d’action paradoxalement totalement appréciable. S’enchaînent alors une heure et demie durant, les Pegasus Ryu Sei Ken, Rozan Shô Ryû Ha et autres Cristal Wall ; nous entraînant à un rythme idéal d’un combat à l’autre sans nous laisser le temps d’appréhender les stupidités que l’on vient de voir.
Clairement, Legend of sanctuary est un film paradoxal, voire bicéphale. Et globalement assez mauvais si l’on observe froidement chacun de ses composants de manière indépendante. On ne vous donne pas deux secondes pour éclater de rire face à l’introduction ringardissime de Seiya et ses collègues, des ralentis Snyderesque en diable à l’arrivée en moto de Yoga, en passant par la tronche pas possible de Shun – bon, ils ont tous une tronche et un brushing pas possible, mais lui plus particulièrement – ou Shiryu qui prend la pose parce qu’il a la classe t’as vu. Vous tiquerez probablement devant l’idiotie apparente des personnages, entre Mû qui reconnaît le vrai cosmos d’Athena mais incapable de reconnaître l’imposture de son sosie, ou Shaka qui savait visiblement tout depuis le début mais hein, bon, il a aussi autre chose à faire de ses journées. Et tant d’autres improbabilités visuelles – il faut voir les personnages courir, un régal – ou narratives, éparpillées ici et là entre deux ellipses aberrantes (passer de la maison du Lion à celle du Capricorne, pratique) et un changement de coiffure de Saori.
LE FILM DES GÉMEAUX
Mais voilà : Legend of Sanctuary est un film qui apporte des idées. Beaucoup. Des idées fondamentalement affreuses ou mal exécutées pour la plupart, mais des idées quand même. Parmi elles, la séquence dans la maison du Cancer qui résume là aussi très bien la folie d’un long-métrage qui ne se soucie jamais de vouloir plaire à tout prix aux fans, et cherche même régulièrement à les déstabiliser en ne leur offrant pas ce qu’ils attendent. Tout en jouant la carte du fan-service via les éléments d’attraction, vous suivez ?
Comment dire… Le chevalier du Cancer chante. Voilà. Son apparition prend la forme d’une comédie musicale grotesque, mais où chacun des deux aspects (chanson et grotesque, donc) se plante lamentablement. Dans la même logique, le fait d’évacuer le combat attendu contre le chevalier d’or des Poissons par une pirouette narrative surprenante dans l’absolu, lamentablement foirée dans les faits. Ou de faire de Milo… une femme, sans que cela n’ait la moindre incidence sur le récit ou que la mise en scène ne mette cet aspect en valeur. Vous l’aurez compris, Legend of sanctuary souffre d’un problème d’exécution affolant lorsqu’il s’agit d’agencer ses séquences à l’aune d’enjeux ou de point de vue. À moins que le problème de point de vue ne se situe en réalité du côté des spectateurs.
Car en s’articulant autour d’éléments d’attraction connus chers aux otakus, Satô s’adresse directement à eux, agit selon leur mode de pensée. Legend of Sanctuary peut donc se voir comme la matérialisation d’un de leurs fantasmes, une vue de l’esprit de fans portée sur le Saint Seiya que l’on connaît. Ainsi, Seiya (ou n’importe quel autre personnage) n’est pas le chevalier de bronze du manga ou de l’anime (celui qui évolue dans le grand récit), mais une version épurée où seules importent son apparence et ses capacités. Legend of Sanctuary est en quelque sorte ce que l’on verrait si l’on pénétrait l’imaginaire d’un gamin jouant avec des figurines. D’où le fait que chaque personnage ait à peine plus de personnalité qu’un jouet. Et c’est en cela que le film fonctionne. Que Mû porte une paire de lunettes n’a pas la moindre importance, pas plus que le fait que Deathmask pousse la chansonnette ou que Shaka ne combatte pas. Et cela n’a pas la moindre importance parce qu’en tant que figurines, celles-ci n’ont pas vocation à satisfaire des considérations narratives ou de fidélité au matériau d’origine, mais uniquement le plaisir immédiat de leur utilisateur. Qu’importe ce que l’on fait des éléments d’attraction tant que ceux-ci conservent leur intégrité, ce qui est le cas dans le film. Dans une démarche otaku, le seul fait de voir réunis ensemble les combattants que l’on a connu étant gamins est un plaisir satisfaisant en soi. Et c’est cette logique interne qui imprime ici une rythmique et une dynamique propices au seul plaisir de l’instant. Les combats s’enchaînent donc les uns après les autres, tous rapides parce que purgés du superflu (le grand récit) d’origine. Temporalité, cohérence et structure narrative deviennent alors des considérations secondaires qui font autant de mal au film – vu en tant que tel – qu’ils lui permettent de provoquer des émotions – car parvenant à nous faire partager l’excitation d’un joueur en pleine action.
D’où la logique d’un choix d’une animation en images de synthèse caractéristique de notre époque (bien plus proche, en terme de rendu, de Tekken Blood Vengeance que d’Albator), et d’une prise de liberté totale sur le déroulement des événements (la scène d’ouverture avec Ayoros combattant dans les airs, certains affrontements inédits, l’absence de personnages-clés de l’arc, du vieux maître à Cassios en passant par Shina ou Shunrei) autant qu’en matière de parti-pris visuels (le sanctuaire donc, ou les armures, sublimes pour certaines). En ce sens, le climax d’une grandiloquence totale et jouissive est d’une cohérence totale avec la véritable nature de produit dérivé que constitue le film. Parce qu’il procède par transformations successives de ce qui évoque un boss final de jeu vidéo. Et laissant tout le soin au spectateur de deviner qu’en cas de succès, Legend of Sanctuary pourrait tout à fait donner lieu à une franchise cross-media typique de la culture otaku.
Pour tout cela, croyez-le ou non, mais Legend of Sanctuary n’est pas à Saint Seiya ce que Dragonball Evolution est au manga de Toriyama. Parce que le film de Keiichi Satô respecte autant l’oeuvre originale que le film de James Wong violait la sienne. Il le fait juste à sa manière, en ne voulant jamais lui ressembler et prétendant même ouvertement vouloir s’en écarter. Simplement en s’amusant sincèrement avec l’oeuvre sur laquelle il se base. Un film généreux en somme. Mais nous en sommes totalement conscients, ce ne sera probablement pas l’avis de la majorité, avec laquelle on serait quand même d’accord. Un film paradoxal, on vous dit.
4 Comments
Tout est dit et magnifiquement dit!! C’est le saint seiya pour la génération 2006 de l’image et pas d’histoire un fan un vrai fan ce lui qui a rgardé saint seiya et qui a versé sa larme pendant la bataille du sanctuaire ne pourra décement pas aimer ce film car tout ce qui a fait qu’on a aimé cette série est volontairement supprimé. C’est un produit pour les gosses actuelles qui n’ont pas de cerveau et ne sont que des portefeuille
Très bonne analyse. Toutes mes félicitations!
En plus de ce qui est dit…la bande originale est tout simplement…pas ressemblante à Saint Seyia…elle manque cruellement de poésie…comme le film vous me direz!
N’importe quoi se film est super pour moi car il montre qu’abec la détermination ont peut aller loin ce qui est vrai, vous ne serez pas forcement d’accord avec mon commentaire mais après chacun ses goûts tout comme pour le film (petit + les dessins son magnifique)