REALISATION : José Padilha
PRODUCTION : Metro-Goldwyn-Mayer, Columbia Pictures, Strike Entertainment
AVEC : Joel Kinnaman, Gary Oldman, Michael Keaton, Abbie Cornish…
SCENARIO : Joshua Zetumer
PHOTOGRAPHIE : Lula Carvalho
MONTAGE : Peter McNulty, Daniel Rezende
BANDE ORIGINALE : Pedro Bromfman
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Action, Science-fiction
DATE DE SORTIE : 05 février 2014
DUREE : 1h57
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Les services de police inventent une nouvelle arme infaillible, Robocop, mi-homme, mi-robot, policier électronique de chair et d’acier qui a pour mission de sauvegarder la tranquillité de la ville. Mais ce cyborg a aussi une âme…
Après Total Recall et en attendant Starship Troopers, la filmographie de Paul Verhoeven continue de passer à la moulinette du remake avec Robocop. Toutefois, l’entreprise semblait partir sur de meilleures prémisses. Là où Total Recall sentait mauvais dès l’annonce de Kurt Wimmer à la plume et de Len Wiseman à la caméra, MGM tentait de faire bonne figure. Histoire de démontrer que la relecture proposera un véritable intérêt, le studio engagea Darren Aronofsky pour l’écrire et le réaliser. Aronofsky quittera la production en raison de retard dû à la mauvaise santé financière de la MGM. Remis sur pied, le studio choisira pour le remplacer le brésilien José Padilha. L’engagement du réalisateur de Troupe D’élite laissait augurer que le remake saurait trouver son identité tout en rendant hommage au ton rentre-dedans du film signé par le hollandais fou. L’espoir sera très largement ébranlé par des rumeurs inquiétantes (le réalisateur Fernando Meirelles fera part des propos fort mécontents de son confrère… que ce dernier démentira en précipitation) et des premiers visuels laissant dubitatifs (la fameuse main à découvert). Le pire était à craindre et on se satisfait presque d’être devant un film mi-figue mi-raisin.
La séquence d’ouverture offre ainsi son lot d’idées enthousiasmantes. Le film réadapte le concept du flash d’information de l’œuvre originale. Avec tout le charisme qu’on lui connaît, Samuel L. Jackson incarne le présentateur d’une émission d’analyse socio-politique à l’objectivité extrêmement relative. Très convaincant avec son phrasé travaillé et son sens de la présentation, le personnage émet un discours argumenté qui semble directement dicté par le groupement OCP. Aucunement impartial, le présentateur sert le consortium en aidant à manipuler l’opinion publique. Le but d’une telle manœuvre ? Faire pression sur le sénat pour abolir une loi empêchant l’emploi de robots sur le sol américain. Histoire d’illustrer le propos, l’émission suivra une opération de contrôle menée par lesdits robots dans le Moyen-Orient. Ceux-ci auront d’ailleurs tout lieu de démontrer leur efficacité lors d’une attaque terroriste. Cette introduction est assez remarquable à plusieurs points de vue. Il y a tout d’abord sa capacité de dépeindre de manière ludique les enjeux de son univers et plusieurs de ses règles, le tout en s’agrémentant d’une touche d’humour noir (un ED-209 atomisant littéralement un adolescent armé d’un simple couteau). Mais bien sûr, il y a surtout toute cette réadaptation du dispositif posé par le film initial avec cette utilisation tout à la fois grotesque et inquiétante des médias.
Aussi brillante soit-elle, cette introduction pose pourtant les premiers écueils de la mise en scène. En effet, la scène n’est pas filmée et montée comme une émission de télévision. La mise en scène montre l’intégralité du plateau de tournage avec ses différents techniciens s’affairant à leurs taches. De même, l’opération sur le terrain inclut un certain nombre de contrechamps sur les terroristes. Tous ces éléments n’apportent qu’une seule chose : nous faire prendre du recul sur ce que l’on voit. C’est sur ce point que le film s’éloigne du travail de Verhoeven pour son plus grand malheur. Chez Paulo, les images sont présentés telles quelles pour un impact profondément plus viscéral. Le spectateur est face à celles-ci et c’est à lui seul d’en tirer les conclusions nécessaires. Les ajouts effectués par le remake dans cette méthode ont un double effet détestable. Premièrement, elles amenuisent la puissance immédiate de la scène et tendent à prendre par la main son spectateur insulté d’être jugé si fragile. Deuxièmement, elles mettent en exergue une volonté de bien signifier son propos en forçant à tout prix la prise de conscience du public. Le film prend des poses de m’as-tu-vu pour bien démontrer à quel point il est très intelligent. Ce qui ne poserait pas de problème si justement il était aussi intelligent que ce qu’il prétend être.
En dépit de leurs défauts, les scènes sur le plateau télé resteront les meilleurs moments du film. Il y a un constant régal à voir Jackson se lancer des diatribes éloquentes pour nous amener à des conclusions absurdes comme « le sénat ne serait-il pas en faveur du crime ? ». Mais le gros du film se penche fort logiquement sur le parcours de son personnage-titre. Et c’est là que les ennuis commencent. Dans un effort louable de trouver une identité propre, le remake applique au héros une trajectoire inversée. Dans le monde décrit, les robots ne peuvent donc être employés dans les forces de l’ordre. Le projet Robocop constitue une faille dans la loi en étant mi-homme mi- machine. Le parcours d’Alex Murphy est ainsi centré autour de l’idée d’un homme qui doit accepter son statut robotique. On s’éloigne ainsi du film de Verhoeven où Murphy était réduit en machine déshumanisée et réussissait au final à réaffirmer son identité. Le remake joue donc sur un renversement de valeurs dont on peut questionner la pertinence. Comme pour toute chose, c’est le traitement qui compte et les prétentions affichées du film vont causer sa perte.
Toute l’intrigue cherche à se densifier par une complexification d’enjeux simples. Le résultat aboutit à des séquences d’explications absolument ahurissantes. On nous déclamera ainsi qu’on a retiré à Robocop son libre-arbitre pour le rendre plus efficace mais qu’il doit quand même en avoir un pour respecter la loi et donc on lui a donné une illusion de libre-arbitre qui le laisse croire qu’il a le choix alors qu’en fait il l’a pas parce que tout provient de puces implantées dans son cerveau qui conditionne son libre-arbitre… Vous avez tout suivi ? Finalement, le long-métrage devient involontairement à l’image de l’émission de télé. Il veut donner l’impression d’être convaincant par tout un déballage de théories compliquées alors que tout ceci n’est qu’un paravent à un traitement narratif superficiel. Outre une profusion de personnages dispensables et parfois incohérents (le docteur incarné par Gary Oldman changeant d’opinion une scène sur deux), on pourra le ressentir tout particulièrement au niveau de l’autre grand rajout du remake. En effet, contrairement au film original, Murphy reste en contact avec sa famille après la transformation. Un choix qui permettait au film d’atteindre son cœur émotionnel en plaçant le personnage-titre face à ce qu’il a été et ce qu’il est devenu. Une ambition rapidement avortée en raison de scènes clichées et interprétées sans la moindre conviction (notamment par une Abbie Cornish sous Lexomil).
Si le potentiel de certaines idées est bien là, le remake n’arrive jamais à les développer de façon adéquate et aboutit à un objet désespérément lisse. Même en tant que simple divertissement, le film peinera à remplir son office entre son esthétisme aseptisé (difficile d’ailleurs de voir en Robocop autre chose qu’un acteur en costume malgré une scène étonnante) et ses prometteuses scènes d’action bazardées en trois minutes (la fusillade dans le hall où le héros se faufile entre les jambes de l’ED-209 méritait d’être bien mieux exploité). Ce qui au final conduit le film à la situation où il procure moins de l’aigreur que de l’indifférence. Et si c’était finalement la pire chose qui pouvait lui arriver ?