REALISATION : Zack Snyder
PRODUCTION : Warner Bros., Legendary Pictures, Syncopy, DC Entertainment
AVEC : Henry Cavill, Michael Shannon, Russell Crowe…
SCENARIO : David S. Goyer, Christopher Nolan
MONTAGE : David Brenner
PHOTOGRAPHIE : Amir Mokri
BANDE ORIGINALE : Hans Zimmer
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Super-héros, Action
DATE DE SORTIE : 19 juin 2013
DUREE : 2h23
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Un petit garçon découvre qu’il possède des pouvoirs surnaturels et qu’il n’est pas né sur Terre. Plus tard, il s’engage dans un périple afin de comprendre d’où il vient et pourquoi il a été envoyé sur notre planète. Mais il devra devenir un héros s’il veut sauver le monde de la destruction totale et incarner l’espoir pour toute l’humanité.
Dès le départ, l’association mise en œuvre sur Man Of Steel paraissait étrange. Zack Snyder réalisant une production de Christopher Nolan dont ce dernier est par ailleurs le scénariste ? Au-delà des différences de leur cinéma respectif, c’est surtout la complète opposition de leurs méthodes qui rendaient la collaboration surprenante. D’un côté Snyder, le réalisateur de Watchmen, qui ne réfléchit pas trop sur ce qu’il fait et qui compense tant bien que mal en travaillant sur son imagerie. De l’autre Nolan, le réalisateur de The Dark Knight, qui lui réfléchit un peu trop sur ce qu’il fait et ne prête pas toujours attention sur la manière de transmettre ce savoir. Nolan ayant des goûts cinématographiques peu orthodoxes (Adrian Lyne est un des ses réalisateurs préférés et il adore les films de Michael Bay), cela explique sans nul doute ce rapprochement inattendu. En l’état, il était difficile d’imaginer à quoi ressemblerait le résultat. Les bandes-annonces ont en ce sens bien joué le jeu du brouillage de pistes. Les premières images montées mettaient en avant une ambiance élégiaque et avançaient un film centré sur le parcours messianique du personnage. Par là, il s’annonçait une reprise du personnage similaire à ce que Nolan accomplit avec le caped crusader. Puis les derniers trailers ont mis l’accent sur un spectacle résolument bourrin et gorgé de scènes d’action gargantuesques. Bref, du pur Snyder. Ces derniers aperçus sont soutenus par le thème musical Arcade (efficace mais sans inspiration) alors que les premiers se basaient sur le plutôt séduisant Ideal Of Hope. Inutile de préciser quelle est donc la tonalité du film final où l’on entendra beaucoup plus Arcade qu’Ideal Of Hope. Il convient toutefois de noter que l’orientation bourrine ne se limite pas aux seules séquences de destructions massives, loin de là.
Dès les premières minutes, Man Of Steel nous renvoie aux pires instants de Batman Begins. Nolan et son compagnon d’écriture David Goyer se retrouvent face aux mêmes problématiques que leur précédente origin story. En se voulant à la fois une réappropriation et une réinvention du super-héros connu de tous, les deux compères font face à une tâche colossale. Il leur fallait reconstruire le personnage et introduire les nouveaux composants inhérents à leur propre version. Le résultat a donné un scénario pour le moins angoissé par sa lourde responsabilité. En remodelant le personnage, Nolan et Goyer se retrouvaient avec des centaines de concepts à placer dans le film. Du coup, dans une peur panique d’omettre un détail significatif et de ruiner la consistance de leur création, ils balançaient le tout sans ménagement envers le public. Tant pis si à cause de cet empilement précaire, l’histoire se retrouve bancale, illisible et dénuée d’harmonie. La qualité des idées de Batman Begins n’est pas en cause mais la manière dont celles-ci sont présentées et amenées au spectateur.
Man Of Steel suit exactement la même voie mais de manière incroyablement plus cataclysmique. L’introduction représente ainsi ce qui constituera le rythme chaotique de l’intégralité du long-métrage. Kal-El alias Superman naît, puis sans transition on passe sur son père Jor-El expliquant au conseil de Krypton que la planète va être détruite. Au beau milieu de la conversation, la porte explose et le général Zod débarque en hurlant au coup d’état. En à peine cinq minutes, trois informations importantes ont été amenées sans établir la moindre cohérence. Et c’est ce qui va tuer Man Of Steel. Car finalement, on se moque éperdument de tout ce qui est montré. Chaque information est amenée sans que le récit ne nous conduise à ressentir leur caractère primordial. Ainsi, pourquoi serions nous impliqués ou juste intéressé par le sort de Krypton ? Pourquoi nous soucierions-nous d’un monde dont on ne connaît pas le fonctionnement et dont nous n’avons vu AUCUNE image ? On pourrait rétorquer qu’il y a là une logique similaire à celle de la première adaptation cinématographique réalisée par Richard Donner. Dans cette dernière, nous prenions l’histoire de Krypton en cours de route (le film s’ouvrait sur le procès de Zod suite à l’échec de son coup d’état). Sauf que dans cette version, il était choisi un rythme adéquat et une exposition resituant clairement les enjeux de cet univers. Rien de tout ça dans Man Of Steel, qui ne laissera jamais reposer un récit qui a tant de choses à dire.
L’impression finale est d’ailleurs moins d’assister à un film qu’à une gigantesque bande-annonce. En moins de trois minutes, ces excellents montages en diront pratiquement tout autant que le long-métrage de plus de deux heures. Par son récit fonctionnant en accéléré, tout est survolé de manière superficielle et surtout sans faire naître la moindre connexion émotionnelle. Traité comme un punching-ball pendant plus de deux heures, le spectateur n’est pas dupe face à un film obsédé par la satisfaction de ses nécessités narratives et non plus par l’exploitation de la dramaturgie autour de son personnage. Ce qui nous fait revenir à la comparaison avec Batman Begins : il y a souvent de la pertinence dans ce qui est dit. Dans son optique de réalisme, Man Of Steel tend vers un point simple : qu’est-ce qu’implique l’apparition d’un être divin sur Terre, que ce soit pour les simples mortels ou ledit Dieu. Pourvu d’un libre-arbitre dont le reste de son espèce est dénué, Clark Kent se cherche et navigue entre deux figures paternelles. Son père biologique voit en lui un guide pour révéler le potentiel des êtres humains. Il aura d’ailleurs déjà fait de lui le sauveur naturel de son peuple d’origine. Son père adoptif ne voit lui que la fiabilité de l’humanité, quand bien même il incarnera au final ce héros ordinaire que Superman admirera toute sa vie. Kal-El doit-il protéger l’humanité ou non ? Celle-ci le mérite-t-il ? Autant de questions jalonnant son parcours et auxquelles il devra répondre lorsqu’il rencontrera les derniers membres de son espèce.
Mais le sens qu’implique ses différentes pistes n’est pas transmis, faute de s’intégrer dans un récit apte à les transcender. Cette obstination de passer du coq à l’âne finit même par les annihiler et à créer de grands moments d’embarras. Verbalisant au possible la moindre idée, Man Of Steel ne prend ainsi pas toujours conscience que cette méthode ne masque pas le caractère foncièrement invraisemblable de nombreux rebondissements et autres révélations. Parmi les nombreux moments ahurissants, on comptera l’incroyable découverte du costume de Superman qui l’attendait paisiblement dans un placard. Au bout du compte, cette narration express finit par complètement contaminer les autres aspects du film. Les choix de mise en scène de Snyder ne prennent ainsi jamais le soin d’exploiter la certaine ampleur esthétique du spectacle, bien aidé en ce sens par un montage asphyxiant. Pénible ? Oui effroyablement, surtout lorsque la production design et les effets spéciaux font preuve d’autant de bonnes idées et le casting d’énormes efforts pour faire vivre les protagonistes. On ne parlera même pas de la certaine générosité dans la construction du climax sur lequel on se refusera bien de cracher.
Le constat fait toutefois mal et on en vient à se dire que le fichtrement timoré Superman Returns n’était pas si mal. Un comble puisque l’espérance en Man Of Steel résultait directement de son ambition à s’affranchir de l’univers codifié par Donner (auquel le film de Bryan Singer faisait allégeance) pour emmener le personnage vers d’autres cieux. Si ça ce n’est pas un échec…