Le Chaperon Rouge

Lorsqu’un réalisateur se retrouve être acclamé pour ce qu’il ne sait pas faire de mieux, les aberrations filmiques sont à deux doigts d’assiéger le spectateur. Car l’appel du succès poussera inévitablement notre auteur à persévérer dans une voie qui n’est pas la sienne. Si Catherine Hardwicke a montré un talent depuis ses débuts en tant que cinéaste, c’était celui de réussir à capter l’énergie et le bouillonnement lié à l’adolescence. Malheureusement, ce ne sont pas les estimables Thirteen et Les seigneurs de Dogtown qui l’ont révélé aux masses. Non, la consécration publique lui sera octroyée par le biais du giga-carton Twilight. Le maigre intérêt que l’on pouvait trouver à cette adaptation de best-seller tenait dans son regard parfois touchant porté sur ses protagonistes juvéniles. Malheureusement, plutôt que de poursuivre cette orientation, Hardwicke et ses producteurs ont dû croire que la clé du succès tenait dans son approche « innovante » du fantastique. Il faut bien dire que si il y a une chose de ratée dans Twilight (outre des passages romantiques à la mièvrerie ahurissante), c’est sa représentation du mythe vampirique à base de scintillant métrosexuel végétarien et adepte de l’abstinence avant le mariage. Mais on pouvait mettre ces défauts sur le compte de l’écrivain Stephenie Meyer, après tout à la base de ces infamies. Une manière de se berner et de croire crédulement que l’on arrivera à traverser ce Chaperon Rouge sans encombre. Monumentale erreur !

Après les vampires, la réalisatrice aborde désormais la figure du loup-garou dont elle a été privée après avoir été écartée du second opus de Twilight. L’excuse ? Une réactualisation du conte de Charles Perrault. Idée saugrenue au premier abord mais après tout cohérente à la réflexion. Le Petit Chaperon Rouge est comme tout conte traversé de certains préceptes et autres mises en garde sexuelles alors que le loup-garou est un symbole de virilité et de sauvagerie libérée du même ordre. Au vu des opinions exprimées dans Twilight, le résultat pouvait faire peur en raison de cette base moralisatrice. Mais on pouvait espérer que le scénariste éviterait un piège aussi grossier. Si le conte appelait les fillettes à ne pas se laisser berner par le grand méchant loup, les temps ont changé depuis. En réinvestissant un tel genre, il convient d’y apporter un point de vue contemporain et de l’accorder à une réflexion plus évoluée. Mais non, Red Riding Hood nouvelle génération appelle tout autant son audience à enfourcher une ceinture de chasteté. La fornication est à condamner de toute urgence (les viles motivations de notre vilain loup-loup en sont la conséquence) et il n’est pas convenable de céder à la bête sexuelle même si on en a très envie (le final est écœurant sous sa bonne conscience mélodramatique). En dépit des efforts d’un Gary Oldman campant le seul personnage intéressant du lot (un prêtre illuminé qui a tué sa femme supposée être un loup-garou), l’ambiguïté nécessaire à un tel projet part en eau de boudin face à des positions conservatrices bien campées.

Même l’ambiguïté inhérente à la pure partie divertissement est un ratage complet. Vous étiez attiré par le concept d’un whodunit avec un monstre légendaire ? Et bien vous désenchanterez lorsque vous verrez le suspense concocté par Hardwicke. Car son ambiance de mystère sur l’identité du loup tient en deux choses : un nombre incalculable de gros plans sur les yeux des potentiels suspects (l’héroïne a vu les yeux de la bête et tente de faire le lien avec sa version humaine) et une phrase prononcée par le loup qui sera répétée en boucle pour entretenir une fausse piste. Car oui, le loup parle ou en tout cas s’exprime par un lien télépathique avec l’héroïne. Inutile de dire que ces moments sont parmi les plus embarrassants du long-métrage. A l’instar des dialogues ridicules des Transformers de Michael Bay, c’est à se demander si Hollywood n’a plus confiance dans la puissance de l’imagerie iconique se dégageant de ses créations. Bon en même temps, on a juste ici affaire à un loup ordinaire modèle XXL (tout à fait semblable à ceux de Twilight 2 pour ne pas dépayser l’audience) mais il y avait suffisamment de possibilités pour en faire une force brute ne nécessitant pas de répliques pour se faire comprendre. Malheureusement, la mise en scène n’est qu’énergie dépensée en vain. Si Les seigneurs de Dogtown présentait des imperfections dans le déballement de ses dynamiques idées de mise en scène, celles-ci s’accordaient avec son sujet autour de personnages à la maturité en construction. Dans le registre ici présent, de telles problématiques sont bien plus ennuyeuses. Hardwicke impressionne donc parfois avec des mouvements caméra spectaculaires et autres money shots assez alléchants mais le découpage est généralement puéril dans ses effets (la première apparition du loup en jump scare éculé, le crescendo sentimentaliste final avec un montage digne d’un mauvais clip). De même que si quelques cadrages mettent en valeur son décor de studio (le chaperon approchant de la maison de mère-grand), on sent souvent la nausée nous prendre face à des choix de conception et de couleurs aberrants par ailleurs guère aidées par les abominables jeux de photographie.

Le choix du tournage en studio était cohérent pour réussir à restituer le côté surréaliste et irréel des contes mais l’horreur causée à l’œil est plus forte que cette considération. Cela résume le visionnage du Chaperon Rouge, ouvrage traversée de quelques motivations salutaires mais s’engouffrant inexorablement dans les abysses de la médiocrité.

Réalisation : Catherine Hardwicke
Scénario : David Johnson
Production : Appian Way
Bande originale : Alex Heffes et Brian Reitzell
Photographie : Mandy Walker
Origine : USA
Titre original : Red Riding Hood
Date de sortie : 20 avril 2011
NOTE : 1/6

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