REALISATION : Pierre B. Reinhard
PRODUCTION : Samouraï Films, Le Chat qui Fume
AVEC : Anthea Wyler, Patrick Guillemin, Véronique Catanzaro, Kathryn Charly, Sylvie Novak, Laurence Mercier, Gabor Rassov, Cornélia Wilms, Christina Schmidt, Georges Lucas
SCENARIO : Jean-Claude Roy
PHOTOGRAPHIE : Henry Frogers
MONTAGE : Pierre B. Reinhard
BANDE ORIGINALE : Christopher Ried
ORIGINE : France
GENRE : Erotique, Horreur
DATE DE SORTIE : 16 septembre 1987
DUREE : 1h22
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Sur une route de campagne, en France, un motard suit un camion-citerne transportant du lait et profite de l’arrêt du véhicule pour introduire un produit toxique dans la cuve. Plus tard, dans un village avoisinant, une future mariée s’effondre après avoir bu un verre de lait. Une mort violente que suivent de près celles de deux autres jeunes femmes dans un bar. Point commun reliant les victimes : toutes trois travaillaient dans une usine d’engrais agricoles. Tandis que les soupçons se portent vers son directeur, les trois victimes sortent de leur tombe à la nuit tombée…
Les nanars, c’est comme les zizis. Il y en a de toutes les formes, de toutes les tailles, des vrais, des faux, des durs, des mous, des qui sentent mauvais, des qui font rire à défaut d’être efficaces, des qui crachent leur purée sans être capables de la retenir et des qui vont laissent un drôle d’arrière-goût au fond des amygdales. Et dans le sac de nœuds des récentes distributions DVD/Blu-ray que d’aucuns ne cessent de croire sur le déclin, voilà que l’on tombe sur le genre de chibre filmique qui sent moins le fond du caleçon que cette bonne vieille bidoche zombie, en provenance de l’époque des balbutiements du genre horrifique au pays du camembert. Car, oui, votre serviteur se doit d’être honnête, retomber sur l’un de ces vieux films horrifiques qu’il se repassait parfois en cachette (et sans avoir l’âge requis !) grâce à une vieille VHS mal encodée a valeur de mini-madeleine de Proust, quand bien même le résultat avait sûrement de quoi coller la honte à certains bisseux de l’époque. Sans atteindre le degré d’absurdité hilarante d’un Devil Story mal torché par Bernard Launois, La Revanche des mortes-vivantes tient au moins la dragée haute avec le cinéma bis d’un certain Ed Wood, faux nullard mais vrai auteur quoi qu’on en dise, dont le sens du système D et de l’amateurisme parfois grossier ne prenaient jamais le dessus sur une sincérité évidente pour l’art pratiqué. Et son réalisateur Pierre B. Reinhard, grand stakhanoviste suisse du bis déshabillé qui roula sa bosse sur un grand nombre de films X et qui aura côtoyé les empereurs vivants de la paillardise désinhibée (de Gérard Kikoïne à Jean-François Davy), l’aura prouvé en 1987 avec ce petit détour par le cinéma de genre mainstream. Alors, oui, soyons francs, le résultat relève bel et bien du nanar approximatif sur tous les points, d’une finition aux fraises jusqu’à un casting d’acteurs à la ramasse qu’on imagine doublés par des recalés du Cours Florent qui lisaient le texte sans regarder les images. Sauf qu’un petit grain de sable s’est immiscé dans cette machine vouée à l’échec et à l’oubli, capable in fine de transformer un plaisir coupable en plaisir tout court.
Tourné dans la Sarthe pour un budget digne de la Soupe Populaire, La Revanche des mortes-vivantes a pour lui un cachet bis de très bon aloi, pas si éloigné de celui des productions Troma, où le manque de moyens évident est sans cesse contrebalancé par des procédés à la fois ringards et aguicheurs – du genre auxquels on peine à résister. Comprenons par là qu’on assiste ici pantois à un cross-over génialement fauché de cinéma d’horreur et de porno-soft M6, où l’un tente sans arrêt de prendre le dessus sur l’autre, et vice versa. Ainsi donc, pas une seule scène ne se déroule sans une allusion sexuelle balancée au premier degré (tant mieux) ou une amorce de scène érotique que l’on interrompt fissa quand le hard se fait soudain sentir. Rien que la scène d’ouverture nous met déjà dans l’ambiance d’un bon vieux film porno des 70’s : la scène qui dérape (un routier prend une auto-stoppeuse visiblement malade et lui propose un « massage » dans la grange voisine), le dialogue qui tue (« Soulager la douleur rien qu’avec la pression des doigts, j’y jouais déjà avec ma cousine, j’ai l’habitude… ») et le plan nichon qui fait zizir (on a eu du mal à tous les recenser !). On hausse encore un peu plus le taux de WTF avec une pub involontaire pour les produits laitiers, où une jeune femme prend son petit déjeuner en porte-jarretelles face à sa môman (?!?) et balance d’un coup sec son bol de lait par-dessus l’épaule en criant « Youpi » (des sensations pures… la pub n’était peut-être pas mensongère !). On en rajoute une bonne dose bien tordante avec la secrétaire machiavélique qui se désape sur son lieu de travail juste pour se pincer les tétons, avant d’aller rejoindre son amant (qui est aussi l’amant de la femme de son patron… vous suivez ?) à qui elle balance une punchline maousse (« Alors mon petit chimiste, que dirais-tu d’un truc plus physique ? »). Et on atteint le summum du défonçage d’abdos avec le discours du dragueur de service : « La première fois, c’est délicat. Mais je te promets des milliers de baisers, des milliers de nuits avec moi. Ne dis rien, ne bouge pas. Tu vas frémir sous mes caresses, sois patiente. Et la blancheur de ta robe virginale verra le triomphe de mon amour »… OK… D’ordinaire, sortir un truc pareil à une fille ne garantit rien d’autre qu’un gros râteau, mais bon…
Mais bon, on s’emballe, on s’emballe, et on allait presque oublier de décrire l’intrigue du film. Nous voilà donc ici dans un pitch rédigé à la va-vite sur une nappe de brasserie après un abus de vin rouge et de rillettes du Mans, où l’empoisonnement d’un camion de lait par un mystérieux motard provoque le décès de trois jeunes femmes, ce qui pousse les autorités à soupçonner le directeur de l’usine de lait locale, dépourvu du moindre scrupule à évacuer discrètement ses déchets toxiques dans les environs. Et le jour où son sous-fifre déverse les déchets dans le cimetière du coin, voilà que les trois jeunes décédées ressuscitent et sortent de leurs tombes, bien décidées à zigouiller tous les responsables de leur malheur. Ajoutez à cela une inspectrice allemande à l’accent impayable qui joue les fouineuses, un chimiste qui se la joue gigolo avec les trois quarts du casting féminin, une secrétaire vicelarde qui essaie de faire chanter son patron, un motard écolo qui se confesse à l’église, et le terrain semble balisé pour laisser tout ce joli monde partir en sucette. Ce qui fait que ça marche, c’est le premier degré fou avec lequel chaque scène est abordée, condition sine qua non pour que nos fous rires ne paraissent jamais forcés. Même en prenant soin de ne pas traiter les codes du film de morts-vivants par-dessus la jambe (ce qui est tout à son honneur), Pierre B. Reinhard a semble-t-il voulu les utiliser comme arrière-plan d’une évocation sérieuse des malversations causées par des ultra-riches pollueurs et corrompus jusqu’à la moelle, ce que confirment quelques répliques pour le moins ironiques (la meilleure : « Tu as le choix entre deux solutions : soit tu es au chômage et vivant, soit tu es au boulot et mort »). Sauf que la dimension érotico-cheap du résultat final ne laisse jamais à ce propos le soin d’éclore sur une forme réellement prégnante. Et que le fou rire finit par jouer les dictateurs déglingués à chaque nouvelle scène.
Mettons-nous un instant dans la peau d’un néophyte découvrant le film pour la première fois, histoire de souligner un détail pas piqué des vers : les zombies du film ne sont plus des créatures démantibulées qui avancent vers leur casse-croûte humain, mais bel et bien un trio de femmes maquillées à la truelle (le regretté Benoît Lestang, ici chargé des maquillages et effets spéciaux, a fait de son mieux…) qui se cachent pendant quelques minutes avant d’attaquer leur proie à la queue leu leu comme dans une attraction Disneyland ! Quand elles attaquent, ça y va d’ailleurs franco dans le gore craspec : noyade sadique, globe oculaire crevé au talon aiguille, fellation virant à l’émasculation, vagin transpercé au sabre, sans oublier une fausse couche sous la douche à laquelle on ne croît pas une seconde. Et que dire de ces quelques énormités dignes d’un scénariste en plein bad trip, allant du zombie qui sait écrire mais pas orthographier correctement une phrase (il manque un accent dans « Tu es morte par ou tu as pêché ») à la jeune fille enterrée qui essaie de remonter le moral à sa mère en lui parlant du fond de sa tombe ! Le tout shooté avec une esthétique de film d’entreprise aux couleurs délavées, un score musical composé avec des moignons sur un synthé Bontempi, et d’horribles floutages de l’image en guise de fondus enchaînés… Rien d’autre à relever ? Ah si : un carton final grotesque à souhait, car honteusement calqué sur celui des Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot (seul un mot a été changé pour l’occasion), et qui, bien sûr, est en lien avec ce qui nous intéresse le plus dans ce film…
!!! Attention, vous allez entrer en zone SPOILER !!!
En effet, si l’on se permet d’être aussi enthousiaste sur ce film (malgré – ou grâce à – son taux très élevé de piments nanardesques) et très motivé à l’idée d’en parler, c’est avant tout pour une raison très précise : sa scène finale ! Car sous ses allures de nanar à la progression a priori pépère dans la ringardise, La Revanche des mortes-vivantes révèle en toute fin de bobine sa véritable nature de film à twists, ouvrant soudain le double-fond manipulateur qui se cachait dans cette intrigue et réduisant ainsi à néant tout ce qu’elle avait pu proposer comme éléments surnaturels. Revoir le film une seconde fois permet certes de savourer ce curieux effet Kiss Cool que l’on pouvait ressentir en répétant le visionnage de films-pièges comme Usual Suspects ou Sixième Sens : à chaque fois, le fait de « savoir » invite à mieux déceler les coutures d’un tel tricotage narratif. Sauf que dans le cas du film de Pierre B. Reinhard, la tâche est rude et l’effet est à double sens. D’un côté, on aura bien du mal à justifier l’abnégation des trois héroïnes à accepter de se laisser enterrer vivantes pendant plusieurs jours, ou encore à saisir en quoi ce travelling sur l’écoulement de déchets toxiques jusqu’à leur tombe est censé entraîner leur « réveil d’outre-tombe » (est-ce juste symbolique ?). De l’autre, on reste joyeux devant la logique plus ou moins inconsciente d’un tel twist, justifiant par sa simple nature de bidonnage grandeur nature tout ce que le film laissait transparaître en matière de fausseté et d’approximations. En gros, si vous trouvez le film ridicule, mal joué et mal branlé, cet effet de simulacre saura tout faire passer à vos yeux comme une lettre à la poste. On a connu des nanars qui pétaient plus haut que leur cul, mais celui-ci, en lâchant une bonne grosse caisse là où on ne l’attendait pas, s’offre une porte de sortie grandiose qui contredit sa propre nature de série Z tout en la justifiant par l’absurde. Était-ce pour ça que l’on se surprenait souvent à se gondoler en repensant à lui ? Peut-être bien…
Test Blu-Ray
La Revanche des mortes-vivantes possède un destin assez particulier que son réalisateur Pierre B. Reinhard se fait une joie d’évoquer dans un passionnant entretien figurant sur les bonus de cette nouvelle édition. En effet, face à la colère de certains aficionados du genre horrifique à l’époque de la sortie du film, le réalisateur fut contraint de modifier le montage afin d’enlever l’objet de leur colère, à savoir ce twist final révélant le caractère mystificateur du scénario. D’où le fait que le film exista pendant longtemps avec deux fins en fonction des copies VHS, et que le seul DVD commercialisé jusqu’à maintenant – celui édité par Neo Publishing – incluait cette fin « rationnelle » en tant que fin alternative parmi les bonus. Face à ce charcutage aussi injuste qu’exaspérant, on ne peut que saluer le respect et l’intelligence de nos amis du Chat qui Fume à avoir choisi de remasteriser le film dans son montage d’origine pour la sortie de ce superbe Blu-ray. Les vrais fans hardcore du film seront donc aux anges. Reinhard ne s’arrête d’ailleurs pas là : en plus de revenir avec humilité sur sa carrière et sur la fabrication de son film, il ne cache rien de son point de vue sur le cinéma d’horreur (un genre dont il n’est pas très fan) et reconnaît que sa motivation à mettre en scène ce scénario tenait principalement à sa révélation finale – et on le comprend. On retiendra une anecdote amusante : distribué en double programme avec Le Diable au corps de Marco Bellocchio, le film récolta une interdiction aux mineurs, quand bien même le film de Bellocchio – célèbre pour sa scène de fellation non simulée de Maruschka Detmers – fut initialement autorisé aux jeunes de 13 ans !
Le reste du menu offre son lot de petites surprises pour replonger avec bonheur dans l’historique de ce nanar cher à notre cœur de bisseux plus ou moins inavoué. La présence du demi-dieu Christophe Lemaire sur cette édition explosait les curseurs de l’évidence, d’abord pour évoquer avec émotion et moult anecdotes son amitié avec le maquilleur Benoît Lestang (on a d’ailleurs enfin quelques éclairages sur ce qui semble avoir précipité son suicide en juillet 2008), ensuite pour nous faire partager – via un très bon petit livret dissimulé dans le Blu-ray – sa découverte du film à l’époque de sa sortie, le tout avec son humour légendaire. Les éditeurs du Blu-ray en ont même profité pour rapatrier du DVD de Neo Publishing un très intéressant entretien croisé entre Lestang et le scénariste Jean-Claude Roy, et pour proposer un autre entretien où Lestang se révèle intarissable sur son travail créatif de maquilleur (les « DVDvores » auront reconnu l’entretien qui figurait sur l’édition collector de Martyrs !). Le menu s’achève avec un petit module décalé de quatre minutes, où Roy et Lestang enchaînent les prises ratées en essayant de présenter le film à l’occasion d’une diffusion sur CinéFX. Quand aux mélomanes, ils se réjouiront de trouver le CD de la bande originale à côté des deux galettes. Côté technique, si on peut tiquer à la rigueur sur l’équilibrage sonore (on relève une voix off soudain plus « lourde » que les sons extérieurs dans deux ou trois plans sexy), il nous est enfin possible de profiter de La Revanche des mortes-vivantes dans des conditions idylliques, surtout au vu d’une restauration HD tellement méticuleuse qu’elle pourrait nous faire croire que le film a été tourné la veille. Un cadeau magnifique pour un nanar bonnard (bon art ?) que l’on reverra toujours avec un plaisir non dissimulé.