REALISATION : James Watkins
PRODUCTION : Cross Creek Pictures, Hammer Film Productions, UK Film Council, Alliance Films…
AVEC : Daniel Radcliffe, Ciarán Hinds, Janet McTeer, Roger Allam…
SCENARIO : Jane Goldman
PHOTOGRAPHIE : Tim Maurice-Jones
MONTAGE : Jon Harris
BANDE ORIGINALE : Marco Beltrami
TITRE ORIGINAL : The Woman in Black
ORIGINE : Royaume-uni, Canada, Suède
GENRE : Fantastique, Gothique
DATE DE SORTIE : 14 mars 2012
DUREE : 1h35
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Arthur Kipps, jeune notaire à Londres, est obligé de se rendre dans le petit village perdu de Crythin Gifford pour régler la succession d’une cliente récemment décédée. Dans l’impressionnant manoir de la défunte, il ne va pas tarder à découvrir d’étranges signes qui semblent renvoyer à de très sombres secrets. Face au passé enfoui des villageois, face à la mystérieuse femme en noir qui hante les lieux et s’approche chaque jour davantage, Arthur va basculer dans le plus épouvantable des cauchemars…
Lorsqu’un jeune notaire londonien est chargé de se rendre dans un village éloigné de tout pour s’occuper de la vente d’une demeure suite à la mort de sa propriétaire, c’est toute une imagerie gothique qui reprend vie dans cette Angleterre victorienne qui a passionné tant de cinéastes. Ce notaire, c’est Daniel Radcliffe, alias tu-sais-qui, au moins aussi crédible dans la peau d’un père veuf que ne l’était John Mills, à presque 40 ans, dans celle du tout jeune héros des Grandes espérances de David Lean (à la différence que l’un des deux joue bien, sauras-tu deviner lequel ?). Une comparaison d’autant plus amusante que ce chef-d’œuvre a influencé plus que de raison les premiers succès horrifiques de la Hammer, sur lesquels la société commença à bâtir sa réputation. Dés les premières images, La dame en noir s’inscrit d’ailleurs ouvertement dans cette même mouvance gothique aux motifs visuels immédiatement identifiables et qui n’ont eu de cesse d’être repris par les plus grands pendant des décennies. À défaut d’une renaissance clamée à tort ici et là, la Hammer s’offre ainsi un véritable retour aux sources après quelques productions ayant fait suite à son récent rachat par Endemol. Entre autres, le nullissime La locataire qui, bien qu’honoré de la présence d’une légende maison – l’immortel Christopher Lee – se vautrait dans un ridicule involontaire des plus embarrassants. Ce qui n’est fort heureusement pas le cas du nouveau film de James Watkins, réalisateur du glaçant Eden Lake et qui sublime ici un scénario anecdotique par une mise en scène dans la plus pure tradition du genre .
De fait, le fantasticophile se retrouve très vite en terrain connu. Outre les codes traditionnels inhérents au film de maison hantée, c’est tout un héritage de l’esthétique gothique qui est ici entretenu. Loin d’être une tare à l’aune d’une direction artistique qui n’offre aucune rupture avec le passé du genre, James Watkins voit là l’occasion de rendre hommage autant au cinéma expressionniste qu’à la beauté du technicolor d’antan. Aussi n’est-il pas rare de constater l’émergence de couleurs chaudes dans des environnements privilégiant par ailleurs les jeux d’ombres et de lumières plus angoissants, dans les extérieurs ou au détour de vitraux. On se surprend alors à se remémorer les oppositions de teintes d’un Frankenstein s’est échappé, la chaleur accueillante et humaine de la demeure du baron dissimulant l’intérieur, très scientifique, d’une pièce se faisant reflet de l’âme de son occupant. Pouvoir profiter de quelques couleurs en pleine ghost-story fait plaisir, à une époque où même les comédies se contrefichent parfois d’embellir leurs atours.
Avec sa production-design classieuse et sa lumière jouant habilement des contrastes, La dame en noir s’est parée de ses plus belles influences pour contourner l’incapacité manifeste de son histoire à susciter la peur. Non sans éviter de rares moments drôles sans le vouloir (l’apparition du cocher dans le brouillard), James Watkins semble vouloir faire oublier en permanence les enjeux du film à son spectateur, à l’image d’un début de film où se dessine une certaine ostentation de l’effet (le son, saturé de bruits et de cris en tous genres). D’excès, il en est également question dans les séquences d’angoisse pure, au gré des balades de Radcliffe dans cette immense demeure que l’on pense connaître depuis des lustres. Le réalisateur britannique prend son temps, presque trop, mais peut compter sur un montage brillant, apte à maintenir l’équilibre entre les plages silencieuses et celles où cette chère dame en noir viendra déranger son hôte. Et pour une fois, si jump-scares il y a et aussi prévisibles peuvent-ils être (et Dieu sait qu’ils le sont), ils participent d’un intérêt tout particulier de Watkins envers eux. Même si parfois créés au gré d’effets de montage faciles, il est toujours agréable de voir la caméra croiser une entité et non l’inverse, être surpris par un rapide changement de focus ou avoir notre regard dirigé vers un bord du cadre pour finalement voir surgir l’effet prévu de l’autre côté de l’image (chose que James Wan faisait récemment à une ou deux reprises et de très belle façon, dans Insidious).
Mais qu’en est-il alors de ce récit si élégamment mis en scène ? Pas grand-chose en réalité. Toute adaptation qu’il soit, La dame en noir reste cruellement prisonnier de ses références aussi diverses que nombreuses (on y retrouvera aussi bien Les innocents que L’orphelinat, tout autant les classiques du film de fantômes américain que japonais…), et ne cherche clairement pas à les contourner. Sans non plus se diriger vers un choc des cultures façon La légende des sept vampires d’or (dernier film de la Hammer s’intéressant à Dracula et tout à fait sympathique au demeurant), il y avait dans ce melting-pot d’inspirations peut-être plus profond à tirer que l’apparat minimaliste de thématiques maintes fois exploitées. Parallèlement à la longueur bienvenue de séquences citées plus haut, celle, plus gênante, de la plongée du héros dans le marais, semble montrer que James Watkins en était lui aussi conscient. Sa volonté d’intensifier émotionnellement les passages les plus marquants du script, quitte à rallonger ceux-ci pour expédier les moins intéressants en la matière (le final), reste louable. Assez en tout cas pour faire passer cet excès de zèle pour un traitement visuel des plus pertinents, et offrir à la Hammer un joli retour sur le devant de la scène fantastique.
1 Comment
Si la Hammer revient sur le devant de la scène et est promise à un avenir glorieux (étant donné le succès commercial), je ne suis pas forcément très enthousiaste avec La dame en noir. Je te rejoins sur le visuel du film, particulièrement soigné, mais jamais la mise en scène – aussi belle soit-elle, n’arrive à transcender un scénario trop classique pour convaincre. On pense aisément à L’Orphelinat, Les Autres ou The Ring, soient trois films qui traitent avec plus de succès le thème de la malédiction ou des fantômes. Certaines scènes ont beau être marquantes (l’introduction, d’une froideur dérangeante), au final on ressort déçu que le fond ne s’accorde pas avec la forme.