En faite, on retrouve là le défaut habituel de Liebesman. Bien qu’il tende à se fondre dans des systèmes de mise en scène hérités d’autres cinéastes, il cherche désespérément à apporter une patte personnelle mal assurée. Une patte qui se concrétise sous la forme d’ambiance voulue plus réaliste mais peu réfléchie. Massacre A La Tronçonneuse s’éloigne donc de l’aspect ultra-stylisé du remake pour aboutir à une abomination visuelle dont l’hystérie est digne du pire de Michael Bay (ça a du faire plaisir à ce dernier, producteur de la chose). Quant à World Invasion, il réemployait les ficelles du cinéma de Paul Greengrass mais en ne comprenant que de la plus superficielle des manières le sentiment d’immersion immédiat inhérent à celui-ci. Il n’est donc guère étonnant de voir Liebesman marcher droit dans les pas du peu convaincant remake de Louis Leterrier. Certes, le discours promotionnel fait tout pour marquer la rupture entre les deux films mettant en avant certains aspects (un tournage avec un maximum d’effets pratiques, description d’un monde sur le déclin) ou en omettant d’autres (le producteur Basil Iwanyk s’avouera étonné d’apprendre en interview que Leterrier avait ses propres idées pour deux autres suites).
Mais comme toute bonne promotion, ça n’est que poudre aux yeux et La Colère Des Titans ne prend guère de véritable liberté avec le Choc. A sa décharge, Leterrier lui-même n’avait pas su se détacher de son modèle originel. Tout passionné qu’il est par la mythologie, Leterrier s’était montré trop déférent envers l’œuvre produite par Ray Harryhausen. En dépit de certains aspects chargés de rehausser le niveau d’un spectacle daté (le rôle politique des dieux probablement issus d’un précédent traitement signé par Lawrence Kasdan), le réalisateur de L’Incroyable Hulk se contentait trop de coller à la structure de l’original. Même déroulement, même bestiaire, même ambiance carton-pâte… Là où le remake aurait dû enrichir une base porteuse, il ne fait qu’en reproduire les qualités (utilisation enthousiasmante de la mythologie) et les défauts (un sérieux manque de rythme). Elle est loin la promesse de Leterrier de corriger une œuvre qui, malgré son titre, ne proposait ni choc ni titans.
Logiquement, on pouvait croire que La Colère Des Titans corrigerait le tir. Débarrassé d’une filiation directe avec l’original, il pourrait créer une nouvelle intrigue enfin propice aux déchainements des fameux titans. Il ne faudra pas longtemps pour se rendre compte que les scénaristes ont préféré faire jouer la photocopieuse. Toute la structure de La Colère Des Titans est calquée sur son prédécesseur. On pourrait presque lancer les deux films en même temps et jouer aux jeux des sept différences. On retrouve donc notre héros dans son quotidien de simple pêcheur. Après que son petit monde ait été bousculé par quelques incursions monstrueuses, le voilà obligé de partir à l’aventure accompagnée par un groupe de guerriers. Leur quête consistera à récupérer un objet qui permettra d’arrêter que les dieux se crêpent le chignon pendant deux secondes. En cours de route, le groupe rencontrera quelques bestiaux récalcitrants (des scorpions dans le premier, des cyclopes ici) qui le conduira à un nouveau compagnon indispensable pour la poursuite de l’aventure. Après un périple en intérieur face à un sous-boss (gorgone précédemment, minotaure désormais), les survivants se lanceront dans une ultime bataille justifiant in fine la présence du mot titan dans le titre. Dans l’un comme dans l’autre, il s’agira là d’un des rares passages véritablement trépidant du film. A la lutte contre le kraken s’oppose ici un combat contre un impressionnant Cronos pour une séquence d’une puissance formelle assez forte. Maigre consolation pour un long-métrage qui aura offert si peu auparavant.
Cet aspect photocopie ne fait qu’amplifier la déception qui a déjà pu être ressentie face au précédent opus. Reproduire deux fois de suite les mêmes erreurs, ça ne tient plus de la maladresse mais de l’incompétence. A l’instar du film de Leterrier, on se retrouve donc face à un récit trop bavard avec un bestiaire limité (l’intégralité de celui-ci est contenu dans la bande annonce) et une action expéditive. Synthétisant toute les tares du film, la séquence du labyrinthe démontre l’encéphalogramme plat du spectacle. Quelques jolis tours de passe-passe architectural ne rachètent pas une implication émotionnelle insignifiante (Persée haussera à peine le ton pour rappeler que cette étape est censée mettre à l’épreuve la solidarité du groupe) et une dynamique tenant de la vaste blague (ne clignez pas des yeux si vous voulez voir le minotaure). Liebesman a beau faire glisser le spectacle d’une patine old school à un filmage plus vénère caméra à l’épaule, rien ne change. Au contraire, la sincérité de Leterrier dans son spectacle bon enfant rendait celui-ci acceptable et indulgent quant à une psychologie pas bien fameuse (Persée répétant à foison qu’il n’aime pas les dieux et qu’il se battra comme un homme parce qu’il n’aime pas les dieux et qu’il veut se battre comme un homme parce que les dieux c’est des bavards et qu’il veut faire comme les hommes). Ici difficile de faire preuve d’une même indulgence face à un traitement se voulant sérieux mais avec un développement tout aussi limité des personnages. Pourtant c’est là que se trouvait la véritable rupture entre les deux films, dans le parcours d’un Persée qui, après s’être accomplit en tant qu’homme, doit désormais accepter sa part de divinité.
Echec cuisant, La Colère des Titans ne vient que confirmer que c’est pas demain la veille qu’on pourra espérer voir une belle et grande adaptation de God Of War au cinéma.
Réalisation : Jonathan Liebesman
Scénario : Dan Mazeau et David Johnson
Production : Warner Bros Pictures
Bande originale : Javier Navarrete
Photographie : Ben Davis
Origine : USA
Titre original : Wrath Of The Titans
Date de sortie : 28 mars 2012
NOTE : 1/6