Kung Fu Panda 2

REALISATION : Jennifer Yuh
PRODUCTION : DreamWorks Animation
AVEC : Jack Black, Angelina Jolie, Dustin Hoffman, Lucy Liu, Jackie Chan
SCENARIO : Jonathan Aibel, Glenn Berger
DIRECTEUR DE L’ANIMATION : Eric Michael Miller
MONTAGE : Maryann Brandon
BANDE ORIGINALE : Hans Zimmer, John Powell
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Animation, Combat
DATE DE SORTIE : 15 juin 2011
DUREE : 1h35
BANDE-ANNONCE

Synopsis : Le rêve de Po s’est réalisé. Il est devenu le Guerrier Dragon, qui protège la Vallée de la Paix avec ses amis les Cinq Cyclones : Tigresse, Grue, Mante, Vipère et Singe. Mais cette vie topissime est menacée par un nouvel ennemi, décidé à conquérir la Chine et anéantir le kung-fu à l’aide d’une arme secrète et indestructible. Comment Po pourra-t-il triompher d’une arme plus forte que le kung-fu ? Il devra se tourner vers son passé et découvrir le secret de ses mystérieuses origines. Alors seulement, il pourra libérer la force nécessaire pour vaincre.

Dreamworks réussit donc maintenant un film sur trois ! Non pas que ce Kung Fu Panda 2 soit un succès artistique total, loin de là, mais il est soulageant de voir qu’après Shrek 4 et Megamind, Jeffrey Katzenberg n’ait pas souhaité, ou eu l’occasion, de mettre à mal ce qui s’annonce désormais comme la meilleure saga de la firme. En cela, le premier épisode ne pouvait que surprendre. Dans le cadre de ses productions, Dreamworks avait fondé son identité sur des récits reconnaissables entre mille, essentiellement axés sur un humour parodique qui se réappropriait les cultures cinématographique et télévisuelle contemporaines. Tout cela, parfois au service d’un anthropomorphisme bien gras où les auteurs se plaisaient à faire péter un ogre dans la boue entre deux clins d’œil complices, quasi exclusivement au sein d’histoires aux références gratuites et autosatisfaites. Kung Fu Panda, lui, ne ressemblait en rien aux habitudes du studio. Jamais cynique, facile ou opportuniste, le film faisait preuve d’une vraie et sincère déférence envers le cinéma de kung-fu, et par extension envers la philosophie et la mythologie chinoise sur lesquelles il reposait. En résultait une œuvre étonnamment spirituelle, soutenue par une animation brillante et une superbe direction artistique. On reste d’ailleurs toujours ébahi, au fil des visions, par l’harmonie de l’ensemble : à la fois beau, drôle et émouvant, Kung Fu Panda fait partie du cadre très restreint des réussites de Dreamworks, à peine surpassé par un Dragons en tout point excellent. Les promesses qu’accompagnait sa suite étaient donc de taille, malgré la non-attente paradoxale qu’elle suscitait. D’abord parce que le premier se suffisait à lui-même, ensuite et surtout parce qu’en dépit des séquelles qu’il pouvait engendrer, rien n’assurait que son orientation thématique, à des millénaires des priorités habituelles du studio, allait être respectée. Aussi y a-t-il deux films dans Kung Fu Panda 2.

Le premier, le moins bon, dure malheureusement une bonne heure. Oubliez les paysages ensoleillés, la poésie véhiculée par la beauté des cadres (la mort de maître Oogway demeure la meilleure séquence du premier opus) ou le superbe travail photographique que l’on admirait autrefois. Kung Fu Panda 2 se pose d’emblée comme une œuvre résolument plus sombre. Littéralement plus sombre. On ne saurait imputer ce parti-pris comme annonceur des mésaventures que vivra Po, bien que l’on puisse en être tenté pour le justifier. L’évocation de Tai Lung, le bad guy (un vrai, pas celui de Megamind à peine capable de rajouter des moustaches à la Joconde) de Kung Fu Panda, n’empêchait pas les décors d’être noyés dans une lumière et des couleurs somptueuses. Tout n’est pourtant ici que ciel nuageux et pénombre, avant même que la menace du film ne fasse son apparition. Une impression d’épure persiste même en termes de détails et de composition des plans, comme si l’on avait opéré une modification significative de la charte graphique de la saga.
Parallèlement, le ton de cette suite a sensiblement évolué. Plus d’humour, mais beaucoup moins bon et plus répétitif. Si l’on aimait originellement le Po gaffeur et maladroit, en dehors de gags vraiment efficaces, c’est parce que Kung Fu Panda avait trouvé un réel équilibre dans son humour, ne le laissant par exemple intervenir que partiellement au sein des combats. On retrouve ici les mêmes situations (Po a faim, Po est fatigué, Po a du mal à monter les escaliers, Po se prend un mur, etc…), parsemées avec plus d’insistance dans l’action mais sans l’homogénéité qui leur réussissait tant.

Pour ainsi dire, Kung Fu Panda 2 a perdu, en tout cas en partie, de ce qui faisait la substance du premier. Le background mythologique est relayé au second plan (les Furious Five ne sont plus vraiment des mythes), la spiritualité en prend un coup (l’évolution psychologique se fait sur le tas quand elle se faisait consciencieusement auparavant), et les combats se comptent au sein de péripéties n’ayant qu’un lointain rapport avec le kung-fu. Certes, la première heure est loin d’être totalement désagréable : le charisme et la drôlerie des personnages sont intacts, et participent d’un spectacle débridé hautement appréciable. Le paon se révèle être une figure maléfique digne de ce nom, bien qu’en dessous de la présence de Tai Lung et affublé d’un trauma trop similaire pour satisfaire pleinement. Seulement, il y avait dans Kung Fu Panda un univers total, parcouru de symboles et de légendes qui le rendaient fascinant. Il est dans cette suite comme dreamworksisé, délesté d’une part de son imagerie pour se conformer au tout-venant de la production animée actuelle, dans lequel celui-ci n’est plus un personnage à part entière mais un simple support à grand spectacle. Il n’est qu’à peine incarné dans la notion de paix intérieure conditionnant l’évolution de son héros. Comme si l’on approfondissait les états d’âme de Shifu à l’époque de sa découverte du guerrier dragon, ce qui en soi est une belle idée d’introspection du héros. Ou comme si l’on s’inspirait fortement de Là-Haut pour le combat entre Po et Shen le paon (une histoire de conflits intérieurs avec lesquels se débattaient déjà Fredricksen et Muntz dans le film de Pete Docter).

Une opposition résolue dans la dernière demi-heure, l’occasion pour le film de se montrer moins avare en kung-fu, du moins dans la philosophie qui le sous-tend. Promue réalisatrice de cet épisode après avoir participé à l’écriture du premier scénario, Jennifer Yuh se montre plus appliquée (on ne peut pas dire que sa mise en scène ait mis en valeur le fight inaugural) et contribue à la résolution de l’intrigue par une mise en images qui colle totalement à son sujet. En résulte une ultime partie généreuse en émotions, l’humour cohabitant enfin harmonieusement avec le plaisir de séquences jouissives (l’affrontement entre l’Arme et Po donne lieu à une scène absolument géniale) et l’ambition thématique du récit trouvant de quoi justifier un cheminement peu inspiré. Et si les amoureux de la saga ne trouveront pas pour autant de quoi s’enthousiasmer outre mesure, il y a là suffisamment de matière pour laisser à Dreamworks le bénéfice du doute quant à l’élaboration d’un troisième opus. Jeffrey Katzenberg ayant ouvertement affirmé sa volonté d’aller jusqu’à six films, il n’y a en effet que peu de doute concernant la future production de celui-ci. En attendant, Pixar a perdu l’un de ses meilleurs concurrents. L’occasion de montrer une nouvelle fois, avec Cars 2, ce qui fait l’essence d’une bonne suite.

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