REALISATION : Zack Snyder
PRODUCTION : DC Comics, Warner Bros
AVEC : Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot, Ezra Miller, Jason Momoa, Ray Fisher, Amy Adams, Jeremy Irons, Diane Lane, Connie Nielsen
SCENARIO : Chris Terrio, Joss Whedon
PHOTOGRAPHIE : Fabian Wagner
MONTAGE : David Brenner, Richard Pearson, Martin Walsh
BANDE ORIGINALE : Danny Elfman
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Action, Science-fiction
DATE DE SORTIE : 15 novembre 2017
DUREE : 2h00
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Après avoir retrouvé foi en l’humanité, Bruce Wayne, inspiré par l’altruisme de Superman, sollicite l’aide de sa nouvelle alliée, Diana Prince, pour affronter un ennemi plus redoutable que jamais. Ensemble, Batman et Wonder Woman ne tardent pas à recruter une équipe de méta-humains pour faire face à cette menace inédite. Pourtant, malgré la force que représente cette ligue de héros sans précédent – Batman, Wonder Woman, Aquaman, Cyborg et Flash –, il est peut-être déjà trop tard pour sauver la planète d’une attaque apocalyptique…
Plus addictif que Game Of Thrones. Plus imprévisible que Rick Et Morty. Plus surréaliste que Twin Peaks. Depuis un an et demi, le feuilleton Warner/DC nous a tenus en haleine ; chaque semaine fut l’occasion d’un largage de news plus ahurissantes les unes que les autres si bien qu’il est difficile d’en faire un compte-rendu exhaustif. On dira juste qu’elles traduisent parfaitement la course aveugle vers le succès dans laquelle s’est jeté le studio. Et de cette incontrôlable ambition à supplanter la prospérité de l’éternel concurrent Marvel, Justice League ne pouvait être que la conséquence logique. Batman V Superman aurait pourtant dû mettre en garde certains responsables sur leurs démarches impulsives et irréfléchies. À force de faire évoluer le projet n’importe comment, le film en devint dénué de sens narratif et ne semblant jamais percevoir la stupidité de ses idées (doit-on reparler de Martha ?). Il faut croire qu’avec un tournage lancé à peine au sortir de Batman V Superman, il n’y a guère de temps à consacrer pour la remise en cause sur Justice League. Ce qui coïncide avec la gestion globale du catalogue. A la machine de guerre Marvel mûrement planifiée, DC rétorque par un jeu d’improvisation masquant mal son manque de confiance en soi. Processus de reshoots et de remontage donnant un résultat final sans cohésion (le douloureux souvenir de Suicide Squad), remaniement de projet (The Batman de Ben Affleck revenant à Matt Reeves avec un potentiel remplacement de l’acteur), changement de politique (minimisation de la continuité, hypothétique reboot de l’univers par le biais de Flashpoint), annonces de productions si absurdes qu’elles passent pour des farces (une origin story sur le Joker, un spin-off sur Black Adam)… Un authentique lâchage désespéré de concepts où on croise les doigts pour quelque chose colle. Pas étonnant dans ce contexte qu’on en vient à plébisciter un film transparent mais présentable comme Wonder Woman.
Et donc, Justice League devient le nouveau pinacle de ce mode de fabrication précipitée. Bien qu’il fût prévu pour être plus coloré et détendu que Batman V Superman, Il est annoncé début 2017 des reshoots massifs durant l’été. Peu après, le réalisateur Zack Snyder se retire en invoquant le besoin de se rapprocher de sa famille suite au suicide de sa fille. On peut comprendre que consécutivement à ce drame, il n’ait plus à cœur de gérer une entreprise d’une telle envergure. Joss Whedon débarque pour prendre en main la post-production. Quand bien même il est promit que tout se fait dans le respect du travail de chacun, un rapide coup d’œil sur les bandes-annonces prouve le contraire. Hors de tout jugement qualitatif, le départ de Junkie XL au profit de Danny Elfman pour la musique dénote un revirement total de sensibilité. Ajouté à des problèmes logistiques impensables (le désastreux rasage numérique de la moustache d’Henry Cavill), il paraissait impossible de ne pas s’alarmer quant à ce que la production allait enfanter. Cependant, moins que de la colère, c’est surtout une profonde tristesse qui accompagne le visionnage de l’objet.
Il serait facile de dire que le film vu initialement par Zack Snyder aurait été supérieur. Etant donné la qualité du produit terminé, on ne prend pas trop de risque à pencher vers l’affirmatif. Toutefois, on peut se demander s’il aurait été vraiment réussi. Si on connaît maintenant la paternité de chaque scène, le nom de l’homme derrière certaines étonne. Certes plusieurs passages ressemblent clairement à leur auteur : le montage musical ouvrant le long-métrage sent le Snyder alors que les séquences sur la famille russe menacée répondent à la conception de danger et d’héroïsme selon Whedon. On est plus surpris d’apprendre que l’introduction de Batman renouant avec sa première apparition horrifique dans Batman V Superman est de Whedon, ou que le peu palpitant affrontement sur Themyscira est le fruit de Snyder : une méprise que l’on peut justifier par une modification de format pour le moins néfaste. Jusqu’alors dévolu au cinémascope, Zack Snyder opte pour le ratio 1.85 sur Justice League. Après avoir tâté à l’IMAX sur Batman V Superman, Snyder a été séduit par ce choix de composition et a voulu l’étendre à tout le film. Une décision qui peut avoir l’air réductrice face au prestige du cinémascope mais loin d’être irrationnelle. Egalement adepte du cinémascope, James Cameron a trouvé sur Avatar les bénéfices de ce format pour l’expérience du spectateur. Néanmoins, ce changement de format demande à être apprivoisé. On peut théoriser sur le talent de Snyder à assurer cette conversion mais il n’y a pas à douter qu’il n’a sûrement pas eu le temps pour la faire proprement. En résulte une imagerie plate et timorée qui se raccorde bien avec le style de Whedon dont on a pu constater les piètres capacités à générer du spectaculaire sur ses Avengers. La maladresse de l’un ne rattrape pas l’incompétence de l’autre en somme.
Bien sûr, ne rien offrir de grandiose à son spectateur est embarrassant pour une production dont le budget avoisinerait (officiellement) les trois cent millions de dollars. Mais cela n’est finalement que symptomatique d’un long-métrage qui ne se n’attache plus à une quelconque vision. On pouvait reprocher beaucoup de chose aux films du DCEU. De mise en scène se reposant sur l’efficacité relative de ses gimmicks à des intrigues totalement inconséquentes, on se morfondait de voir des personnages si appréciés dans des écrins si indignes. Sauf qu’au détour de quelques séquences, il arrivait qu’une idée suscite l’intérêt. Pendant d’éphémères instants, il était touché ce quelque chose qui nous fait aimer ces personnages. Or il n’y a rien de cela dans Justice League où les protagonistes ne sont que des ombres. Figures courages et hautes en couleurs, les héros se retrouvent ici absous de la moindre caractérisation. Le scénario tente d’injecter à chacun une petite histoire, mettant l’accent sur leur fiabilité quant à endosser leurs responsabilités de super-héros. Mais ce travail se circonscrit à des émotions élémentaires.
Là où la cohabitation de ces personnages devrait donner une texture variée à la narration, chaque scène ne fait qu’aborder un sentiment basique. Pire : un sentiment qui n’est pas illustré mais verbalisé par des dialogues transformant nos super-héros en donneurs de leçons. Quand, en plus, la leçon est insignifiante, le cours n’en est que plus effroyable. Ce qui nous renvoie au souci d’iconisation des personnages. Ceux-ci ne sont aucunement valorisés par la mise en scène, notamment en raison de la problématique de format déjà mentionnée. Mais surtout, leurs actions ne font jamais preuve d’inventivité vis-à-vis de leurs pouvoirs. Quelle est la pertinence d’introduire Wonder Woman par sa vitesse d’action comme si elle était Flash ? Est-il vraiment captivant lors du climax de voir Aquaman se battre à l’aise dans les airs aux côtés de Cyborg ? Après tout, on sait bien que le ciel est l’environnement naturel d’Aquaman. Chaque action est synthétique et interchangeable, se contentant de laisser ses héros combattre en hurlant au ralenti sous un déluge de gravats. L’imaginaire se réduit à néant et avec, ce qui aurait dû être le cœur d’un film comme Justice League : l’admiration.
À aucun moment de Justice League, on se montre émerveillé par les «prouesses» accomplis. Parce qu’elles sont dépourvues d’originalité mais plus que tout de sens. Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, c’est précisément ce qu’entendait proposer George Miller pour Justice League : Mortal. Tout en déballant un pur divertissement, son histoire interrogeait par leurs actions la divinité des super-héros et révélait leur humanité. Au travers de ce cheminement, ce sont les propres états d’âme du spectateur qui étaient interpellés. Et si on peut juger peu honnête de comparer le film de Snyder/Whedon avec un projet avorté et inévitablement idéalisé, il n’y a qu’à revenir à la source : les comics. Dans leurs Justice League Of America, les scénaristes Grant Morrison et Mark Waid construisirent d’incroyables aventures empreintes de science-fiction où le statut de super-héros est un moteur narratif. On pourrait même citer le travail de Geoff Johns, désormais grand boss du DCEU dont sa version New 52 sert d’inspiration principale à cette Justice League. Celle-ci avait beau sacrifier ses idées sur l’autel de l’action bourrine, elle émettait des embryons de réflexion par un brouillage des frontières du bien et du mal. Or qu’est-ce que délivre le présent film ? Rien d’autre que des gentils très gentils contre un méchant très méchant. Une trame minimaliste où les motivations et la raison n’ont pas leur place. On dorlote le public dans une simplicité infantile où le poids d’un monde privé d’espoir se symbolise par des cagettes de fruits et légumes renversées dans la rue.
Bien malgré lui, le film devient d’ailleurs la démonstration de l’adage d’Alfred Hitchcock selon lequel «Plus le méchant est réussi, plus le film l’est». Car si l’affirmation est vraie, l’inverse l’est tout autant. Le choix de Steppenwolf comme antagoniste était déjà en soit une décision incongrue. Méchant de second ordre, on peut soupçonner que c’est justement pour cela qu’il fut promu méchant en chef. Il ouvre la porte à une menace plus grande, l’impérial Darkseid. De toute évidence, c’est un reste de l’époque où Justice League se développait sous forme d’un diptyque, une énième déviation qui n’a pas perçu du coup à quel point cet adversaire n’est alors plus appropriée. Car Steppenwolf ne fait pas grand-chose à part se complaire dans son rôle de méchant de deuxième division. Posons une question bête : pourquoi Steppenwolf se lance-t-il à la conquête de la Terre ? Du peu qu’il raconte, c’est une histoire d’unité. Mais qu’entend-il par unité ? En quoi cette unité mérite-t-elle qu’il engage tous ses efforts ? Le spectateur n’en saura rien. En bon fanatique, Steppenwolf répète la doctrine de son maître sans véritablement la comprendre. Cette unité n’est pourtant rien de plus complexe que le fascisme. Elle évoque la quête de l’équation d’anti-vie par Darkseid, ce pouvoir de domination absolue par l’anéantissement du libre-arbitre. Là était la motivation de cet impitoyable et étrangement fascinant seigneur de guerre, dans la construction d’un monde parfait par l’éradication de qu’il voit comme une anomalie. Bref, l’opposant adéquat à des héros désireux d’inspirer l’homme et élargir sa perception du monde. En conclusion de leur dixième numéro, les nouveaux dieux créés par Jack Kirby résumaient cela : « La Terre demeure imparfaite… mais libre de poursuivre son destin ! Pourtant, les dieux y sont présents, liés à la vie des hommes ! Reflets démesurés du bien et du mal que génère le cœur humain ! » Autant d’aspects que le long-métrage n’effleure pas.
Dénué d’amusement, de sens et de passion, Justice League est un film qui ne sait pas ce qu’il veut être et donc n’est rien. Man of Steel et Batman V Superman étaient des œuvres hautement défectueuses, bégayants leurs idées au lieu de les articuler. Justice League est lui prisonnier de son mutisme, ne disant rien par peur de froisser quelqu’un. Plus que n’importe quelle autre production actuelle, Justice League représente l’aberration d’une industrie fonctionnant sur la base d’algorithmes et de statistiques. Il n’est pas poli de souhaiter un échec même à un film aussi catastrophique mais aujourd’hui, la tiède performance au box-office du film apparaît comme une sanction nécessaire. Si l’occasion manquée que constitue ce Justice League pouvait changer certaines mentalités, alors ce ratage n’aura peut-être pas été vain…
3 Comments
un peu l’impression d’être prix pour un gros pigeon écervelée cette fois-ci….le prochain ce sera sans moi
très bonne analyse,sans ego, ni revancharde, l’essence d’une critique constructive ..
Critique trés medisante et reducxtrice ayant manqué beaucoup de perspective d’approche.
Article un peu foireux./
Mettre un epithete negatif ne fais pas un argument/
Un conseil : mettez des preuve a chaque affirmation