REALISATION : Shane Black
PRODUCTION : Marvel Films, DMG Entertainment, Noble Media
AVEC : Robert Downey Jr., Gwyneth Paltrow, Don Cheadle, Ben Kingsley, Guy Pearce, Rebecca Hall…
SCENARIO : Shane Black, Drew Pearce
PHOTOGRAPHIE : John Toll
MONTAGE : Jeffrey Ford
BANDE ORIGINALE : Brian Tyler
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Action, Super-héros, Adaptation
DATE DE SORTIE : 24 avril 2013
DUREE : 2h11
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Tony Stark, l’industriel flamboyant qui est aussi Iron Man, est confronté cette fois à un ennemi qui va attaquer sur tous les fronts. Lorsque son univers personnel est détruit, Stark se lance dans une quête acharnée pour retrouver les coupables. Plus que jamais, son courage va être mis à l’épreuve, à chaque instant. Dos au mur, il ne peut plus compter que sur ses inventions, son ingéniosité, et son instinct pour protéger ses proches. Alors qu’il se jette dans la bataille, Stark va enfin découvrir la réponse à la question qui le hante secrètement depuis si longtemps : est-ce l’homme qui fait le costume ou bien le costume qui fait l’homme ?
L’incursion de Shane Black dans l’univers cinématographique d’Iron Man n’a pas grand chose d’étonnant puisqu’il y est indirectement connecté depuis le commencement. En effet, c’est en offrant le rôle principal de Kiss Kiss Bang Bang à Robert Downey Jr. qu’il permit à ce dernier de se frayer un chemin jusqu’au rôle de Tony Stark (et une starification tardive). Mais son rôle ira plus loin que celui de mécène envers l’acteur et Black jouera les script doctors en distillant des conseils et indications sur la franchise. Du coup, lorsque Jon Favreau décide de céder le poste de réalisateur, il apparaît comme le candidat tout indiqué. Une aubaine pour le scénariste de L’Arme Fatale, lui permettant de définitivement sortir du trou dans lequel il fut tombé (ou plus exactement poussé) à la fin des 90’s. L’occasion également pour ce grand amateur de comics de s’aventurer pleinement dans le genre pour la première fois de sa carrière. Pour autant, rappelons que nous sommes ici chez Marvel Studios où la personnalité des réalisateurs embauchés sert avant tout de note d’intention et ne doit surtout pas déteindre sur le résultat final.
Il convient donc d’évacuer immédiatement le défaut majeur et devenu ennuyeusement habituel de chaque nouvelle aventure d’un super-héros du catalogue : la nécessité de se conformer au Marvel Universe et donc de ne pas faire trop de vague par rapport aux autres films en production. Le résultat laisse ainsi cette sempiternelle impression d’un spectacle ne voulant pas prendre trop de risques ou créer des situations pouvant se révéler problématiques sur un plus ou moins long terme. Inévitablement, l’œuvre laisse un sentiment d’inachevé. Prenons l’exemple d’une scène censée illustrer la dérive du personnage principal. Endormi, Stark cauchemarde sur les événements s’étant déroulés dans Avengers. Ce sommeil troublé active automatiquement son armure menaçant alors d’agresser sa petite amie. Ce qui pouvait se révéler un passage incroyablement inquiétant tourne court et prend fin avant de commencer. Il y avait probablement là quelque chose d’un peu trop psychotique pour ne pas être avorté. Les idées bazardées, le film les collectionnera entre la mort d’un personnage dont l’utilité restera un mystère ou des enjeux résolus avec une facilité insultante (pourquoi filer des pouvoirs spéciaux à un personnage si c’est pour les lui retirer avant le générique de fin ? c’est d’autant plus idiot quand cela offrait une ouverture pour une nouvelle dynamique dans de futurs épisodes). Et on passera sur ces quelques moments supposés rigolos mais qui laissent juste dans un état de perplexité abyssale (les problèmes intestinaux de Ben Kingsley ne sont rien face au reflux gastrique de Guy Pearce).
Mais ces fameux moments autres se montrent ici plutôt isolés. Car oui, Shane Black fait bel et bien la différence. Certes, il le fait sur une marge de manœuvre clairement délimitée mais à l’instar de Louis Leterrier sur L’Incroyable Hulk, il exploite parfaitement celle-ci. Inutile donc de préciser que ce troisième opus se hisse bien au-dessus de ses deux prédécesseurs. Il faut dire que le choix peu inspiré de Jon Favreau à la réalisation avait giclé à la figure de tout le monde avec le second épisode. L’inestimable réalisateur de Cowboys & Envahisseurs dévoilait sa légère difficulté à exploiter son matériel. Entre Tony Stark privatisant la paix mondiale et Tony Stark faisant pipi dans son armure, il finissait ainsi surtout par mettre l’accent sur le second. Erreur de jugement que ne reproduit pas Black en affirmant une bonne compréhension de son personnage. Il lui offre un traitement ingénieux bien que potentiellement décevant selon les attentes.
Iron Man 3 fut assez vite comparé dans ses ambitions à la trilogie The Dark Knight. En soit, le rapprochement entre Stark et Bruce Wayne (deux milliardaires compensant leur absence de pouvoirs par de multiples gadgets onéreux) a toujours sonné comme une évidence. En empruntant quelque peu à l’orientation popularisée par Christopher Nolan, le lien a tendance à s’affirmer. Black met donc surtout l’accent sur Stark plutôt que sur Iron Man. Un choix qu’on peut supposer influencé par Marvel Studios, tant celui-ci aura passé toutes ces dernières années à mettre en exergue l’aspect humain des protagonistes au détriment de leur caractère super-héroïque. Une excuse psychologique qui permet d’éviter de masquer des acteurs vedettes payées plein tarif pour apparaître à l’écran. Mais si Black se conforme à cette politique, il en tire un traitement d’une grande pertinence.
Iron Man 3 pose ainsi un concept aussi évident que surprenant : donner une vie propre à Stark et à son armure. Jusqu’à présent, on pouvait considérer l’armure comme une extension de Stark. Or ici, elle est représentée comme une entité individuelle à part entière. Une image simple mais marquante intervient après que le personnage fut mis à bas. Stark installe son armure sur un canapé avant de s’affaler à ses côtés. Par la position donnée à l’armure, le plan les réunissant laisse ce sentiment de voir clairement deux protagonistes. Bien qu’inaboutie, la scène du cauchemar décrite plus haut en est également une illustration. Elle a également pour fonction de bien dépeindre l’état d’angoisse du personnage dans le premier acte. Après avoir sauvé in extremis la situation à la fin d’Avengers, Stark est confronté à une crise qui lui pendait au nez depuis le départ : il n’est rien. Sans son armure, il est insignifiant et incapable d’affronter la menace qu’il a entraperçu en passant dans un autre monde. Cet événement l’a brutalement extirpé du cocon que constituait l’armure et il se retrouve seul face à ce qu’il est. Ses craintes naissent du fait qu’il n’a pas accomplit le parcours lui permettant de comprendre qu’il est bien plus que ce qu’il ne pense.
La révélation apparaît dans la réplique finale reprise du premier volet. La conclusion de celui-ci montrait un Stark rompant une des règles d’or des super-héros en déclarant au monde qu’il est Iron Man. Une affirmation qui s’avérait surtout celle d’un gros kéké qui n’a pas encore bien saisi son rôle. Lorsqu’il réitère qu’il est Iron Man à la fin du troisième opus, la réplique a un sens plus profond. Tony Stark est Iron Man naturellement et non pas juste à cause de l’armure. La distinction entre les deux entités s’affirme ainsi comme un moyen d’atteindre ce constat. Bien sûr, avant d’arriver là, Stark aura nécessairement mis en avant son rapport ambivalent à l’armure. Il l’utilisera comme un rempart face au monde extérieur (il doit s’y enfermer dès qu’il a une crise de panique) et il n’est pas apte à assumer les responsabilités de son invention (il préfère rester à distance en téléguidant l’armure dans la majeure partie du film). Si il se montre incapable d’assumer son nouveau statut (il ne doit son salut lors de la destruction de sa maison qu’à un « coup de main » de l’armure), le final achèvera la transformation en le montrant combattre ses ennemis en changeant constamment de costume. Car qu’importe l’emballage, Iron Man reste Iron Man.
Cet angle d’attaque se répercute logiquement sur le reste du scénario. La stratégie du mandarin (qui n’a pas manqué d’outrer les amateurs) se base sur un jeu d’apparences cachant une signification plus profonde. Le groupe des extremistes est un adversaire approprié pour cet épisode puisque présentant des ennemis qui n’ont plus besoin d’attirail sophistiqué pour être redoutables. Tout en restant conforme (malheureusement) à une ligne de conduite générale dans ses choix narratifs (malgré des idées brillantes directement reprise à Kiss Kiss Bang Bang, comme l’ouverture) et esthétique (le directeur de la photographie John Toll se conforme aux choix initialement fait par Matthew Libatique), Iron Man 3 arrive à enthousiasmer par cette ingéniosité du propos. Il n’y a pas forcément assez pour croire à une lumière au bout du tunnel mais il laisse augurer un second run du Marvel Universe un tantinet plus savoureux que son prédécesseur.