REALISATION : Benjamin Rocher, Thierry Poiraud
PRODUCTION : Capture Films
AVEC : Alban Lenoir, Charlie Bruneau, Patrick Ligardes, Ahmed Sylla, Bruno Salomone
SCENARIO : Marie Garel, Nicolas Peufaillit, Tristan Schulmann, Laëtitia Trapet
PHOTOGRAPHIE : Mathias Boucard
MONTAGE : Dimitri Amar, Nathalie Langlade, Stéphane Elmadjian
BANDE ORIGINALE : Thomas Couzinier
ORIGINE : France
GENRE : Action, Comédie, Horreur
DATE DE SORTIE : 27 février 2014 (début de la tournée)
DUREE : 2h20
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Pour l’Olympique de Paris, aller disputer ce match amical à Capelongue aurait dû être une simple corvée de fin de saison. Personne n’aurait pu anticiper qu’une infection très semblable à la rage allait se propager, et transformer les habitants du petit village en créatures ultra-violentes et hautement contagieuses. Pour Samuel (l’ancienne gloire près de la retraite), Idriss (le prodige arrogant), Coubert (l’entraîneur dépressif) ou Solène (la journaliste ambitieuse), c’est l’heure de l’affrontement le plus important de leur vie…
Du côté des jeunes frenchies spécialisés dans le genre, force est de constater qu’il y a encore des idées qui traînent. Et au royaume des concepts les plus risqués, celui proposé par Benjamin Rocher (coréalisateur de La horde) et Thierry Poiraud (coréalisateur d’Atomik Circus) ne serait certainement pas le moins bien placé au banquet : un pur grindhouse hexagonal, double programme conçu à la manière d’un match de foot en deux mi-temps, le tout pour illustrer un mélange énervé de football, de zombies et de comédie potache à la française. Si ce mix vous semble incongru, tant mieux, car la surprise du projet réside autant dans les espoirs que dans les craintes qu’il peut susciter. Par ailleurs, là où le milieu du foot ne sert en général que de terreau aux intrigues les plus bas de plafond issues du pays du camembert, pour la plupart axées sur la solidarité du collectif ou la victoire à n’importe quel prix (seul le sous-estimé 3 zéros de Fabien Onteniente avait eu le culot de jouer le jeu de la satire), le tandem Rocher/Poiraud se sert ici de ce sport comme d’une base narrative et symbolique, ici à double fonction : il est d’abord question pour eux d’inscrire leurs références énervées au sein d’un contexte populaire bien de chez nous (et sur lequel les réactions restent variées), et ensuite d’opérer au cœur même de ce contexte un imprévisible mélange des genres, tous éparpillés à la manière des pièces peu à peu regroupées d’une vaste mosaïque (parallèle inévitable avec le ressoudage d’une équipe de football fracturée). En cela, le projet Goal of the dead détonne clairement de par son intégrité artistique et sa générosité visuelle, la première étant ici le corollaire de la seconde, avec pour seul objectif de scotcher son audience par son énergie interne. Pour autant, même si notre satisfaction a franchi le mur des prolongations, la réussite totale n’est pas au rendez-vous, au point d’imposer quelques soucis lors des penaltys.
Aborder Goal of the dead en tant qu’objet spécifique dans le cinéma de genre hexagonal implique forcément de se focaliser en premier lieu sur sa structure narrative en deux segments (deux mi-temps, une heure dix chacune), dissimulant malgré elle un piège vicieux dans lequel elle n’empêche pas le film de tomber. Pour tenter d’aller plus loin que le synopsis (lequel ne concerne d’ailleurs que la première partie du film), on se bornera à résumer l’intégralité du métrage au basculement très maîtrisé d’un cadre réaliste à un cadre apocalyptique. Benjamin Rocher prend d’abord le temps de poser une introduction minutieuse, en présentant chacun des personnages avec soin et en distillant ses informations au compte-gouttes, jusqu’à une scène-clé qui, sous prétexte de poser les bases de la catastrophe vis-à-vis des protagonistes (et donc, de faire le lien avec le début de la seconde partie, entièrement axée sur la survie et la transcendance de chacun), se limite en réalité à bâcler en dix secondes épileptiques la scène que l’on attendait le plus, à savoir le match de foot qui vire au carnage sanglant. Du coup, après une première partie quasi parfaite où Rocher prenait soin de poser son ambiance et son cadre, Thierry Poiraud n’a plus qu’à ramasser les miettes d’une apocalypse visuellement laissée de côté, en suivant comment chacun teste sa survie au cœur d’un chaos sans nom.
Cela dit, il vaut mieux rester honnête : ce déséquilibre dans la jonction des deux parties découle avant tout de la conception même du film, et ne minimise que très peu le plaisir que l’on prend à suivre l’intégralité de ce double-programme. Si l’on devait d’ailleurs relier Goal of the dead à quelque chose, ce ne serait curieusement pas à un film spécifique (et surtout pas Shaun of the dead, même si la seconde partie intègre des éléments similaires), mais plutôt à une série télévisée anglaise nommée Dead Set, qui installait là encore une invasion zombie au cœur d’un cadre de télé-poubelle façon Secret Story. Ce qui intriguait dans ce programme télévisé en cinq épisodes provenait du fait que l’apocalypse s’enclenchait au bout de seulement dix minutes, avant de laisser le reste de la série s’attarder sur une pure étude de caractères face à un monde plongé dans l’horreur et le chaos. Rocher et Poiraud reprennent ici le même concept, avec suffisamment de sous-intrigues et de seconds couteaux pour conférer à l’ensemble l’allure d’un gros film choral détraqué.
En outre, le déferlement de jouissance visuelle auquel on pouvait s’attendre pendant 2h20 a beau être présent, il tend néanmoins à s’effacer au profit d’une vraie évolution dramaturgique, où chaque personnage surgissant dans le cadre se voit élaboré à partir d’un arc narratif qui abat les stéréotypes (chacun n’est pas celui qu’il semble être) et le relie instantanément aux autres, dessinant ainsi une cohérence absolue dans la narration comme dans l’action. Et quand cette dernière surgit tout à coup pour s’en donner à cœur joie dans les geysers d’hémoglobine, c’est toujours au travers d’un élément narratif relié aux personnages, tous animés par un esprit purement collectif (ben oui, on parle de foot, ici !). Relier les valeurs du football à la quête de survie en milieu hostile avait beau ressembler à une idée saugrenue, elle s’avère ici d’une logique imparable, d’autant que les deux réalisateurs ne se sont pas gênés pour y injecter de brillantes piques adressés à l’univers footballistique : opposition entre les équipes (professionnelle et amateur), violence du Mercato des transferts de joueurs, mainmise des agents sur la solidité du collectif, croissance de l’individualisme chez les joueurs, danger du dopage, abrutissement des supporters, influence néfaste des médias, Pierre Ménès en tête de turc cynique parce qu’il le vaut bien, etc… Avec le recul, on en apprend bien plus sur le sport devant ces 140 minutes tour à tour sanglantes et hilarantes qu’en écoutant les bavardages ronflants de Téléfoot.
Il est certain que Goal of the dead joue à fond sur sa dimension collective et généreuse, ne serait-ce qu’en observant le processus assez inédit de sa distribution en salles : au lieu d’opter pour une diffusion au travers d’un large circuit de salles (qu’ils n’ont sans doute pas pu avoir), quoi de mieux qu’une tournée en province sous forme de séances spéciales avec une entracte entre les deux mi-temps ? On n’ira pas jusqu’à dire que les réalisateurs ont trouvé l’astuce idéale pour parer à la disparition du cinéma de genre hexagonal dans les salles obscures, mais cette stratégie a l’immense mérite d’être en relation directe avec l’esprit du film. Reste une interrogation qui perdure à la sortie du film : où pourrait-on repérer la patte de Thierry Poiraud dans la seconde partie ? Il est vrai que celle-ci adopte la même esthétique et les mêmes choix narratifs (dont le montage alterné) que la première, mais entre ce film et le bordélique Atomik Circus, le fossé se révèle très large. Mais bon, là encore, on pinaille sur des détails d’une importance toute relative, le résultat se révélant suffisamment fun et intègre pour que les réalisateurs évitent le moindre carton rouge et expédient leur ballon d’un bon coup de tête dans les cages de but. Et rien que pour ça, ils méritent largement une Ola !
1 Comment
« Coup de tête » de Annaud était également une bonne grosse satyre du milieu :)