REALISATION : Chris Buck, Jennifer Lee
PRODUCTION : Walt Disney Animation Studios
AVEC : Kristen Bell, Idina Menzel, Jonathan Groff…
SCENARIO : Chris Buck, Jennifer Lee, Shane Morris
MONTAGE : Jeff Draheim
BANDE ORIGINALE : Christophe Beck, Kristen Anderson-Lopez, Robert Lopez
ORIGINE : Etats-Unis
GENRE : Animation
DATE DE SORTIE : 04 décembre 2013
DUREE : 1h42
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Anna, une jeune fille aussi audacieuse qu’optimiste, se lance dans un incroyable voyage en compagnie de Kristoff, un montagnard expérimenté, et de son fidèle renne, Sven à la recherche de sa sœur, Elsa, la Reine des Neiges qui a plongé le royaume d’Arendelle dans un hiver éternel… En chemin, ils vont rencontrer de mystérieux trolls et un drôle de bonhomme de neige nommé Olaf, braver les conditions extrêmes des sommets escarpés et glacés, et affronter la magie qui les guette à chaque pas.
Peu de temps avant la sortie de Raiponce, Disney annonçait son intention de s’écarter désormais des contes et histoires de princesses. Une annonce pour le moins étrange qu’on pouvait difficilement prendre au sérieux. En même temps, qui aurait cru à l’abandon du département d’animation en 2D il y a une quinzaine d’années ? Cette déclaration précipitée apparaît en ce sens aussi choquante que logique. Plus que jamais, le studio tend à remettre en cause sa position. Les dernières productions se posent ainsi comme des numéros d’équilibriste essayant à la fois de satisfaire ses bases classiques et de renouveler son spectacle. Il y a là de véritables remises en question sur le type de spectacle que le studio souhaite offrir à son public, sans pour autant désavouer son image de marque. Un tel communiqué et son reniement par la suite étaient donc des étapes évidentes pour une entreprise ne sachant plus trop où son cœur balance. Le nouveau Disney est ainsi bien une histoire de princesse. A l’instar de Raiponce, La Reine Des Neiges est la concrétisation d’un projet de longue date. Dès la sortie de La Petite Sirène, Disney commença à étudier la possibilité d’adapter cet autre conte de Hans Christian Andersen. Comme à son habitude, le studio ne se préoccupe pas d’une quelconque fidélité au texte initial et souhaite surtout l’utiliser comme idée de base. S’ensuit alors la longue difficulté à concevoir une histoire propre qui arrive à fonctionner.
L’équipe trouvera finalement l’angle d’attaque souhaité en faisant de la reine des neiges du titre et de l’héroïne, des sœurs. L’intérêt du long-métrage passe ainsi tout particulièrement par leur émouvante relation. Suite à un accident ayant mis en péril sa sœur Anna, Elsa choisit de cacher ses pouvoirs. L’événement lui donne une motivation personnelle mais elle est très largement appuyée par ses parents. Ceux-ci considèrent que sa condition de freak nuira à son accession au trône. Elsa refoule en conséquence sa nature profonde. Par là, elle se coupe pourtant du monde qu’elle est censée gouverner à l’avenir. Cette absurdité tragique se caractérise de la même manière dans son rapport avec sa sœur. Afin de la protéger, Elsa rompt ses liens avec Anna et l’entraîne avec elle dans son déprimant isolement. C’est pourtant bien sa sœur qui est la solution à son dilemme, seul personnage capable d’accepter sa nature de manière inconditionnelle et de lui ouvrir les portes d’un monde qu’elle juge non pas terrifiant mais fascinant. La justesse des personnages et la pertinence de leur relation donnent clairement tout son poids à l’histoire.
Aussi émouvants que soient ces protagonistes, le scénario se montre néanmoins perfectible lorsqu’il s’agit de les mettre en contexte. Elsa pense donc qu’elle ne sera pas acceptée par le monde en raison de ses pouvoirs. Sachant comment les gens réagissent face à ce qui sort de la normalité, on peut donner raison à cet état d’esprit aussi dramatique soit-il. Or, le long-métrage n’offre fondamentalement aucune illustration de cet aspect. La découverte des pouvoirs d’Elsa ne provoque ainsi guère plus que des visages d’étonnement auprès de la population. Les sentiments de terreur, de haine et de rejet sont circonscrits sur un seul et unique personnage. En chargeant ces émotions sur un protagoniste qu’on peut alors considérer comme misérable, La Reine Des Neiges réduit une part de sa portée émotionnelle. Il offre là l’opportunité de pointer du doigt de viles opinions sans nous conduire à la conclusion que l’on pourrait nous-mêmes les nourrir. Le parcours d’Elsa est pour le moins similaire. Fuyant son royaume, elle se construira une forteresse de solitude où elle aura tout le loisir d’être elle-même. Toutefois, cet exil ne lui fera entretenir aucun ressentiment envers le peuple qui l’a rejeté. Alors que le refoulement devient le terreau de rancœur et de colère envers la société qui l’a imposé, le studio fait abstraction de ces éléments trop noirs. Elsa reste une reine avec ce regard bienveillant envers ces sujets quoi qu’il advienne. Tout ceci apparaît trop superficiel par rapport à ce que le sujet proposait.
En ce sens, La Reine Des Neiges rejoint clairement toutes les problématiques des derniers Disney. Tout en respectant la tradition, il est tenté de réinventer des canevas classiques ou même de les détourner. C’était le cas par exemple des Mondes De Ralph qui choisissait de se pencher sur la figure du méchant. Pour autant, le studio peine à ménager ses composantes. Il y a un véritable écartèlement entre la compréhension que le renouvellement en profondeur est nécessaire et la volonté de maintenir des acquis bien établis. En résulte ce fort sentiment d’ouvrage timoré soucieux d’ouvrir de nouvelles possibilités, tout en s’effrayant de ce qui pourrait en ressortir. Le refus de l’antagonisme (en tout cas dans sa plus grande partie) était un choix audacieux pour La Reine Des Neiges. Mais trop d’astuces sont mises en place pour contourner les recoins les plus sombres de l’histoire alors que les plus grands films du studio n’ont justement jamais été effrayés de s’y aventurer si c’était nécessaire. Alors que Maléfique, la relecture live de La Belle Au Bois Dormant, connaît de sérieux problèmes de production (son premier acte sera intégralement retourné), Disney semble encore devoir faire beaucoup de ménage dans ses ambitions.
Logiquement, les éléments plus traditionnels ne convainquent pas non plus entièrement. C’est tout particulièrement le cas de l’approche ‘comédie musicale’. La Reine Des Neiges est probablement le Disney qui revendique le plus fortement son appartenance au genre depuis La Petite Sirène. Ici, les chansons sont plus que jamais utilisées dans un but narratif. Elles sont clairement le moteur pour faire avancer le récit. Si l’incontournable Alan Menken a fini par quitter la production, Robert et Kristen Lopez assurent un travail remarquable pour créer des chansons au sens profond et dont le dynamisme a de quoi étourdir. C’est donc à se demander pourquoi celles-ci sont souvent abandonnées en cours de route et cette approche de comédie musicale mise sur le côté. L’explication pourrait bien sûr se trouver directement dans La Petite Sirène, la méthode employée empêchant d’exécuter certains développements scénaristiques plus poussés. Au regard de ce qui a été précédemment énoncé, on peut toutefois considérer que La Reine Des Neiges a échoué sur les deux tableaux.
La Reine Des Neiges est alors un ratage ? La réponse est clairement non. Il s’agit plutôt d’une expérience terriblement frustrante tant les qualités demeurent évidentes mais se soumettent à bien trop de concessions. On se laisse cela dit très largement séduire par un sens du spectacle qui ne démérite pas et le savoir-faire du studio pour chatoyer la rétine avec cette imagerie dans la droite lignée de Raiponce (une connexion entre les univers rendue évidente par le caméo furtif de ses personnages principaux). On a connu des crus nettement pires que ça.