REALISATION : Brian Fee
PRODUCTION : Pixar Animation Studios , Walt Disney Pictures
AVEC : Owen Wilson, Cristela Alonzo, Chris Cooper
SCENARIO : Kiel Murray, Bob Peterson, Mike Rich
PHOTOGRAPHIE : Jeremy Lasky, Michael Sparber, Kim White
MONTAGE : Jason Hudak
BANDE ORIGINALE : Randy Newman
ORIGINE : USA
GENRE : comédie
DATE DE SORTIE : 2 août 2017
DUREE : 1h42
BANDE-ANNONCE
Synopsis : Dépassé par une nouvelle génération de bolides ultra-rapides, le célèbre Flash McQueen se retrouve mis sur la touche d’un sport qu’il adore. Pour revenir dans la course et prouver, en souvenir de Doc Hudson, que le n° 95 a toujours sa place dans la Piston Cup, il devra faire preuve d’ingéniosité. L’aide d’une jeune mécanicienne pleine d’enthousiasme, Cruz Ramirez, qui rêve elle aussi de victoire, lui sera d’un précieux secours…
Peut-on considérer que la série Cars est le Rocky de Pixar ? Au-delà de son contexte sportif, la franchise n’agirait-elle pas comme un révélateur des préoccupations de son auteur ? Cela est certes plus évident avec la création de Sylvester Stallone, les histoires provenant directement des tripes de son acteur-scénariste. La chose est moins claire quant aux œuvres de Pixar dont la conception est beaucoup plus collégiale. On évoquera plutôt d’une prise de température quant à l’état d’esprit du studio. En 2006, le premier Cars sortait à une période charnière. Ayant toujours ménagé son indépendance vis-à-vis de son partenaire Disney, Pixar se fait racheter par le groupe à la souris. Si toute l’opération a été réalisée sous des modalités très strictes afin de préserver la mentalité Pixar, elle n’en est pas moins une source d’angoisses et d’interrogations. Celle-ci a un écho dans le parcours de Flash McQueen. Bouffi d’orgueil, il va de victoire en victoire sans se soucier ni des risques ni des autres. Par la force des choses, il va devoir se poser, prendre le temps de vivre et réfléchir à sa condition pour trouver qui il veut véritablement être. On pourrait voir là la propre introspection de Pixar qui se laisserait griser par sa success-story artistique et commerciale.
Ce danger s’est matérialisé dans un Cars 2 conspué par nombre de fans de la première heure. L’auteur de ces lignes sera bien gêné d’en parler puisqu’il juge cette suite comme un film jubilatoire, un pastiche de James Bond formidablement tourné. Il n’en demeure pas moins qu’hors de ce sens du spectacle, Cars 2 détonne face aux autres productions du studio par son côté vain et son propos relativement creux. Jusqu’alors Pixar n’avait donné de suites qu’à Toy Story et leur avait apporté un soin extrême (rappelons qu’ils ont repris en main le deuxième opus initialement développé par Disney). Cars 2 lui apparaît comme un produit plus caricatural et opportuniste inaugurant la fabrication de suites qui ne s’imposaient pas (Monstres Academy, Le Monde De Dory) et de capitalisation du catalogue (les médiocres spin-off Planes conçus par DisneyToon Studios). Par ailleurs, si Pixar montre encore la capacité d’offrir de grands films (Vice Versa pour ne citer que le plus récent), il y a une étonnante relâche dans plusieurs films dont l’écriture ne semble pas finalisée (voir les derniers actes faiblards de Rebelle ou Le Voyage D’Arlo). Il était peut-être temps de se remettre en question et c’est ce que Cars 3 entend faire.
Cars 3 va ouvertement faire l’impasse sur tout ce qui a pu être fait dans le second épisode. Il s’agit de revenir aux sources du premier film. Ce qui se note entre autre musicalement avec le départ du très demandé Michael Giacchino et la reprise de la baguette par Randy Newman. Mais c’est également un autre Newman qui fait son retour. Dans Cars 2, il avait été décidé de faire disparaître le personnage de Doc Hudson interprété par feu Paul Newman. Un choix motivé par des raisons affectives, John Lasseter congédiant ce protagoniste tant il est associé à l’acteur. Cars 3 fait finalement réapparaître le mentor de Flash dans quelques flashbacks par le biais d’enregistrements non employés pour le premier film. Une décision logique au regard d’une histoire où le lien maître-élève est central. Cependant, cette résurrection peut aussi se traduire comme l’impérieux besoin de se reconnecter à l’œuvre originale pour satisfaire les attentes du public envers le troisième opus. Cela se sent dans le traitement de Martin ; omniprésent dans Cars 2, ses occurrences sont ici réduites à une poignée de gags. Des apparitions minces et pourtant agaçantes puisque n’ayant strictement aucune utilité à l’histoire. Pourquoi alors l’équipe les a gardées ? Probablement à cause de son attachement envers le personnage. C’est comme si elle se forçait à ne pas inclure Martin, tout en refusant de le lâcher malgré les leçons retenues sur Cars 2. Un ressentiment paradoxal qui s’étend sur l’intégralité du long-métrage dont les intentions ne se concrétisent pas totalement à l’écran.
On rejoint Flash McQueen là où on l’avait laissé. Toujours champion de course, il profite de sa carrière entouré par une famille solidaire, ce jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle génération de voiture, plus perfectionnée techniquement et donc plus performante. Après un grave accident, Flash entend se remettre à niveau, reprendre la compétition et damer le pion à ces nouveaux prétendants. On pourrait voir se profiler une énième itération du discours sur la performance à tout prix quitte à se déshumaniser dans le processus. Car pour la nouvelle génération, tout est question de technologie de pointe et de réglages minutieux. Ça n’est plus qu’une affaire de statistiques. On verrait bien Flash rappeler que la course, c’est plus que cela. Un tel propos aurait pu contenter Pixar qui a mis un point d’honneur à conjuguer les défis artistiques et technologiques. A cet effet, on a pu constater ces dernières années à quel point les possibilités ont été de nouveau repoussé. Il n’y a qu’à voir l’imparfait mais néanmoins mésestimé Le Voyage D’Arlo où s’étale des décors naturels d’un photoréalisme absolu. Cars 3 n’est pas en reste. Une scène comme celle de la plage est visuellement éblouissante, donnant le sentiment que chaque grain de sable est authentique. Mais ce passage est surtout important parce qu’il contient le véritable enjeu au cœur de Cars 3.
Afin de retrouver la grande forme, Flash est placé entre les mains de Cruz Ramirez, jeune coach débordant d’enthousiasme. Si le film établit un rapport entraîneur-élève entre les deux, celui-ci va prendre un tour différent au fil de l’histoire. Des œuvres comme Le Garçon Et La Bête l’ont démontré : une relation maître-élève n’est pas à sens unique. Chacun se définit par rapport à l’autre et s’enrichit en conséquence. Il en ira ainsi pour Flash et Cruz. Si la séquence de la plage est au départ une séance d’entraînement pour Flash, elle va naturellement dériver vers un enseignement pour Cruz. Scène après scène, le film se construit autour de cette relation qui n’est pas ce qu’elle paraît être. Dans le premier film, Flash s’est trouvé en s’éloignant des circuits et par sa rencontre avec les habitants de Radiator Springs. Il en va de même ici. C’est par le lien les unissant que les deux personnages arriveront à savoir qui ils sont et à surmonter leur blocage. Pour Flash, c’est le spectre d’une persévérance aveugle qui le conduirait à n’être plus qu’une marque commerciale figée. Cruz elle ne s’est jamais remise d’une tentative de compétition et cette peur de l’échec l’a amené à vivre par procuration. En tournant autour du principe de passage de relais, le long-métrage se recentre sur cette idée d’assumer qui l’on est et d’aller de l’avant. Or comme dit plus haut, cette projection dans l’avenir s’accommode mal avec le retour aux sources forcé.
Malgré cette relation mûrement pensée, Cars 3 n’est pas pour autant particulièrement émouvant à suivre. Chaque scène se révèle intéressante mais peine à dégager quelque chose. On savoure la dynamique de la mise en scène notamment dans la séquence du Crazy 8 mais c’est presque une forme d’ennui poli qui prédomine. Le climax donne une explication à ce ressenti. Tout le film tend vers cet instant d’achèvement où ce scelle la relation entre Flash et Cruz. Chaque moment posé précédemment obtiendra là sa rétribution. Or, la mécanique du long-métrage est si concentrée sur cet objectif que les scènes n’ont pas la finition qui les rendrait appréciable en elles-mêmes. Cars 3 n’a pour ainsi dire pas le feu sacré de son aîné. Trop dévoré par ses paradoxes, il n’accomplit qu’à moitié ses ambitions. Faut-il alors toucher de la peau de singe en imaginant le devenir du studio ? Eh bien, la précaution est inutile. Ne serait-ce qu’en songeant aux extraordinaires images du futur Coco projetées au dernier festival d’Annecy (oublier cette impression de sous-Légende De Manolo qui collait au projet), on sait que l’avenir n’a rien de sombre. Mais plus rassurant est surtout cette volonté du studio de réfléchir à ce qu’il veut offrir au public. Car il faut l’accepter : la réussite made in Pixar n’est plus inéluctable mais son esprit sera lui toujours présent.
1 Comment
Bon résumé du film.
Mais tout de même un déssacord : Flash est incroyablement « incarné » et on ressent de l’empathie pour le personnage (le silence après son accident a été l’occasion de quelques pleures et protestations de gamin dans la salle).
A mon sens, le problème entre le « premier et dernier film » se décline davantage sur le ton enfant-adulte. Le sujet est sombre et complexe pour un p’tit junior, et Pixar ne peut passer à côté de l’une de ses cibles. D’où un certain enchaînement de scène parfois brusque, qui renforce d’autant le coté road movie et quête spirituel de la voiture rouge, mais dessert une certaine immersion.
Puis, faut bien profiter de la performance artistique pour créer de superbe plage et forêts.