Gamba, de Yoshihiro Komori et Tomohiro Kawamura
Le film d’animation possède plusieurs qualités qui font de lui un film familial par excellence : il est bien rythmé et se construit autour d’un scénario rigoureux, à l’image de l’animation 3D qui s’avère particulièrement agréable. Ce n’est pas une surprise étant donné que Tomohiro Kawamura a déjà été récompensé pour ses qualités d’animateur 3D. D’ailleurs, il faut noter qu’il a débuté dans la production de jeux vidéo, tout comme son compère Yoshihiro Komori qui était spécialisé dans la conception et animation des personnages. C’est bien là que le film brille, on remarque ce talent essentiellement lors des plans rapprochés à hauteur de souris qui rendent palpable le microcosme des personnages. Si ces derniers sont traités de manière anthropomorphiques quand il s’agit d’établir leurs personnalités et donc leurs mimiques faciales, on se rappelle davantage de leur identité de souris à leur manière de courir, très animale. Il paraît évident que Yoshihiro Komori s’est documenté de manière précise quant à la physiologie des souris. Les quelques scènes où la folle équipée court pour fuir les belettes renforcent donc l’immersion du spectateur dans un univers en miniature et lui donne l’impression de piétiner la terre ; la succession des assauts rappelle des vagues de combat vidéo-ludiques ; on compte d’ailleurs un nombre assez restreint d’espaces dans le récit qui permettent ce schéma. Le visuel fonctionne donc entièrement : on se situe dans le référentiel des souris et non des humains.
Malheureusement, la rigueur du film finit par lui nuire. Nous parlions d’un scénario limpide, efficace et parfaitement adaptés aux plus jeunes, hélas, ces efforts de clarté sont poussés à l’extrême et rendent le tout trop linéaire. La morale du récit se dévoile à une rapidité déconcertante, « soyez persévérants et allez jusqu’au bout de chacune de vos entreprises, y compris les plus désespérées » nous dit-on sans aucune subtilité. C’est bien la seule lecture qu’on pourra faire de l’histoire qui, tout en s’avérant tendre, nous dépite par sa vacuité et ne pourrait souffrir d’un deuxième visionnage.
The Anthem of the heart, de Tatsuyuki Nagai
Le deuxième anime programmé à Annecy est lui aussi marque de la rigueur japonaise, rigueur évoquée par Leo Matsuda, réalisateur du prochain court-métrage Disney. Il nous expliquait qu’il était constamment tiraillé entre la folie du Brésil, le pays où il vit et les méthodes de travail plus strictes de son pays d’origine. On associe souvent cette légende à des bijoux d’animation qui ne pourraient voir le jour sans un perfectionnisme forcené ; l’exemple de Miyazaki qui mène la vie dure aux animateurs chez Ghibli est bien connu. Cela fait naître un paradoxe particulièrement lié au monde de l’animation : comment véhiculer une sensibilité exacerbée quand le quotidien des équipes artistiques demande au contraire une exigence très intellectualisée ? L’équilibre parfait tient du miracle et passe essentiellement par un bon dosage entre les silences, les dialogues et la musique. Vous l’aurez compris, c’est là que le bât blesse. Exactement comme Gamba, le film se révèle très didactique, distillant tout le mystère qui aurait pu envelopper les personnages. Malgré cela, la thématique qui respire le pathos nous touche, on apprécie la manière dont les souffrances des personnages se reflètent, ou l’idée qu’ils deviennent adulte grâce à une entreprise collective : la mise en scène d’une comédie musicale. Anthem of the heart fera résonner en beaucoup des souvenirs adolescents, en effet il s’agit pour les héros d’accepter la douloureuse imperfection du réel.
Le conte imaginé par Jun à partir de sa propre malédiction
La thématique universelle se peint sur la toile de fond du conte et prend vie par le chant. Evidemment, la représentation de la comédie musicale est tracée comme la ligne d’horizon du film mais on regrette qu’avec un tel matériau, le chant et la musique n’aient pas été davantage exploités. Les déchirures de Jun et Takumi auraient pu s’exprimer presque uniquement à travers des voies poétiques, cela aurait évité des propos redondants et aurait permis à l’anime d’atteindre un niveau supplémentaire. C’est d’autant plus décevant que le film est borné de bonnes idées, on pense notamment au conte imaginé par Jun qui se dessine à l’écran sous forme de croquis.