On ne va pas se mentir : avant d’aller voir un film, on a souvent en tête une certaine image de ce qu’il va être. Parfois, cette image est très éloignée de la réalité et d’autres fois, elle s’y conforme totalement. Cette édition du festival d’Annecy nous a proposé deux long-métrages qui incarnent parfaitement ces deux extrêmes.
On ne misait pas un centime sur Mon Ninja et moi (Ternet Ninja) de Thorbjorn Christoffersen et Anders Matthesen. Son histoire d’amitié entre un adolescent et une poupée ninja n’inspirait guère confiance. Ce film d’animation danois semblait surtout là pour boucher un trou dans la compétition officielle comme avait pu le faire l’insipide Animal Crackers il y a deux ans. Pourtant, Ternet Ninja va se révéler d’un tout autre niveau. Certes, la surprise est modeste mais demeure bien réelle. Le long-métrage nous montre dès les premières minutes qu’il ne sera pas un spectacle si inoffensif que ça ; on aurait difficilement pu imaginer voir un jour un divertissement pour les bambins commencer sur une usine thaïlandaise exploitant des enfants et le meurtre d’un de ses jeunes ouvriers. Le film se permet donc régulièrement des écarts osés pour une œuvre de ce calibre : ça humilie un beau-père couillon avec une revue porno sur laquelle on s’est un peu trop épanchée. Ça invite à une fête d’anniversaire l’oncle alcoolique aux mains baladeuses. Ça laisse un enfant récupérer de la cocaïne chez un dealer.
Autant de petites idées détonantes dans une intrigue qui aurait pu être bien propret. Ternet Ninja gagne ainsi en efficacité, lui permettant de tirer le meilleur de ce canevas classique évoquant les productions Amblin. L’intrigue invraisemblable en devient véritablement drôle et attachante. Il est alors dommage que le troisième acte s’avère faiblard et ne va pas au bout de la provocation. Il aurait été très intéressant de confronter la différence d’ampleur des enjeux entourant les deux protagonistes. Là où l’adolescent a des motivations bénignes en raison du confort social où il vit (il veut juste être plus populaire et sortir avec la jolie fille du collège), celle du ninja ont une importance toute autre (mettre un terme à l’exploitation des enfants en usine) et il est prêt à aller jusqu’au meurtre pour remplir sa mission. Finalement, les implications de cette disproportion sont mises de côté au profit d’une résolution plus convenue. Sans cette baisse de régime dans la dernière ligne droite, il est probable qu’on n’aurait pas hésité à exprimer un enthousiasme plus prononcé encore.
Similairement, on voyait un colossal désastre se profiler pour Playmobil, le film. Venu présenté son film, le réalisateur Lino DiSalvo nous aura pourtant donné un demi-espoir. Il mettait en avant ses motivations liées au principe de jeu et comment celle-ci pouvait amener une réflexion sur la variabilité de la notion d’héroïsme. Si le film a été de toute évidence monté pour concurrencer La Grande Aventure Lego, on pouvait se dire qu’elle suivrait le même chemin salutaire que son prédécesseur. Ça n’a malheureusement pas été le cas et le naufrage a bien eu lieu. Dans le long-métrage terminé, on ne retrouve rien des honnêtes intentions de DiSalvo. La catastrophe est déclarée dès les premières minutes. Débutant en live, on découvre la talentueuse Anya Taylor-Joy réduite à jouer une héroïne Disney Channel dans un numéro musical pantouflard où elle chante « à quel point ça serait trop cool de voyager ». La suite ne relèvera jamais le niveau de ce massacre introductif. Si La Grande Aventure Lego était un divertissement dynamique et ludique, Playmobil, le film tient lui du banal téléfilm où la question du jeu ne se pose à aucun moment. Il ne fait que débiter une féerie d’opérette à l’imaginaire préfabriqué avec un premier degré qui tient de l’inconscience (absolument toutes les chansons sont insupportables). Sans rythme, sans propos, sans charme visuel… le ratage est intégral.