La première réalisation de l’hyperactif James Franco à sortir en France devrait surprendre au moins autant que celle qu’il présentait à la Berlinale, Interior. Leather Bar, un pseudo-documentaire inspiré de l’univers sado-masochiste gay de La Chasse (Cruising) de William Friedkin (1980). Avec As I lay dying, l’acteur-réalisateur adapte librement William Faulkner en recourant à un split-screen presque systématique qui en a agacé plus d’un. Résumer les enjeux du récit suffit pourtant à mieux appréhender cette approche formelle : dans le Mississippi du début de siècle, un vieux charpentier édenté et indolent respecte les dernières volontés de son épouse en transportant sa dépouille jusqu’à sa ville natale, accompagné par ses quatre fils et sa fille. Tandis que le groupe doit se confronter en bloc au deuil, chaque être a ses propres démons à affronter : l’aîné est gravement blessé en chemin, le cadet semble instable psychologiquement, celui qui est d’emblée présenté comme le bâtard du lot vit dans le conflit permanent avec autrui, le petit dernier confond sa mère défunte avec le gros poisson qu’il a pêché le jour de sa mort et la fille tente de se faire avorter. L’approche visuelle et narrative par écran divisé n’est pas qu’un gadget – du moins pas toujours. Le très léger décalage spatial entre deux points de vue juxtaposés à l’écran donne l’impression de saisir avec une acuité décuplée la texture des choses ou les attitudes des êtres observés par d’autres. Particulièrement autour du décès initial, le procédé suspend le temps dans une atmosphère gracieusement mortifère, dans un kaléidoscope de la douleur des êtres. Tout au long de cette épopée finalement très simple mais dont la mise en scène sait densifier la temporalité, les personnages s’adonneront chacun à des confessions face caméra – autre belle idée formelle trouvée pour retranscrire la démarche de Faulkner qui changeait de narrateur d’un chapitre à l’autre de son roman. Soudain plus éloquents qu’ils ne le sont dans le fil normal du récit, le regard pénétrant, les protagonistes tirent ainsi la petite histoire familiale vers quelque chose de transcendant voire de métaphysique. Dommage que Franco ne prenne pas le temps de creuser davantage les liens entre les personnages et semble se rappeler sur le tard qu’il a des éléments de récit plus prosaïques à gérer. Le dernier acte, assez raté, paraît tout expédier maladroitement. Mais les beaux moments élégiaques d’As I lay dying suffisent à ajouter au titre d’acteur réjouissant de James Franco celui de réalisateur prometteur…