[Annecy 2017] A Silent Voice / Loving Vincent

Dans notre présentation du programme d’Annecy, nous avions déclaré à quel point cette adaptation du manga de Yoshitoki Oima par Naoko Yamada avait tous les arguments pour nous séduire. Eh bien, le produit final a tenu toutes ses promesses. C’est avec une grande émotion que l’on a été transporté par cette histoire d’un lycéen cherchant à se rapprocher d’une camarade sourde qu’il harcelait des années plus tôt. La réussite du film tient précisément à sa façon d’aborder le thème contenu dans son titre, cette voix silencieuse. Très simplement, on comprendrait que celle-ci correspond au personnage de Shoko dont la surdité la contraint à communiquer par le biais d’un cahier ou du langage des signes. Bien sûr, cela serait une lecture basique. Car le fait est que nous avons tous une voix silencieuse. Nous avons en nous des émotions et des sentiments mais jusqu’au moment de les exprimer, ceux-ci restent noyés dans le silence de notre intimité. Or, handicapé ou non, nous sommes souvent dépassés par la méthode d’expression de ces émotions. Nous sommes incapables de savoir comment les transmettre dans toute leur authenticité. Alors nous faisons le choix terribles de les exprimer par des moyens détournés. La véracité de ce que l’on ressent est communiquée de manière pervertie par le prisme de la violence, le rejet, la peur ou l’indifférence. Mais à ces difficultés se lie la volonté de dépasser les obstacles pour aller vers l’autre.

CroixC’est ce qu’explore A Silent Voice avec brio. S’il reste judicieusement focalisé sur son couple principal, le scénario s’adjoint une large galerie de personnages secondaires permettant de dévoiler toutes les facettes de cette thématique. On se montre ébloui par cette structure narrative enrichissant constamment le propos sans parasiter le cœur émotionnel de l’intrigue. Certes, on pourrait reprocher quelques longueurs (surtout sur la dernière partie) mais cela reviendrait à chercher des poils aux œufs. On insistera plus volontiers sur les grandes qualités de la mise en scène. Loin de ce que les images pouvaient laisser penser, le spectre de Makoto Shinkai ne plane pas vraiment sur le film. A Silent Voice ne partage pas le sens de la contemplation ou le regard sur la nature du réalisateur de The Garden Of Words. Ce qui n’empêche pas le long-métrage de pulluler d’inventivité afin de traduire par des termes visuels l’évolution des relations entre les personnages, que ce soit par des gimmicks graphiques (des croix masquant les visages) ou une science aigue du découpage (les compositions de plan décadré). Autant d’éléments faisant de A Silent Voice un petit bijou.

Formidable morceau de cinéma également que constitue La Passion Van Gogh. Si on était excité de voir se concrétiser le pari technique consistant à donner vie aux tableaux du peintre néerlandais (défi relevé haut la main), on ne s’attendait pas forcément à ce qu’il soit si habilement intégré à son propos. Car le film de Dorota Kobiela et Hugh Welchman n’est pas un biopic classique contrairement à ce qu’on aurait pu croire. Le récit se concentre sur Armand Roulin obligé par son père à remettre la dernière lettre de Vincent Van Gogh à qui de droit. Au travers de ses rencontres, le personnage se fera raconter la vie du peintre et tout particulièrement les derniers jours de son existence. Ainsi le film n’a pas véritablement vocation par son esthétisme à nous transmettre la vision du monde par Van Gogh, celui-ci étant déjà mort au début de l’histoire. L’objectif serait plutôt de montrer comment sa vision du monde s’est imposée aux autres. La réalisation développe en ce sens un contraste pertinent entre le passé et le présent. Là où les scènes avec Roulin nagent pleinement dans le style de l’artiste en reproduisant littéralement ses tableaux, les flashbacks sont eux dans un noir et blanc en atténuant le trait. Même si Van Gogh demeure ostracisé après son décès par le plus grand nombre, son âme a déjà contaminé au moins inconsciemment son entourage. En atteste l’évolution de Roulin, s’acquittant avec mécontentement de sa tâche puis se prenant de fascination pour le mystère Van Gogh (la lettre pourrait s’analyser comme un symbole de son héritage au monde).

Armand Roulin

On l’aura compris, La Passion Van Gogh bénéficie d’une structure extrêmement maligne et offre une approche intelligente de son sujet. On excuse donc sans mal les quelques imperfections qui peuvent résulter de cette orientation. Outre quelques scènes répétitives, il se dégage un ton parfois pédagogique (le générique de fin le clame lui haut et fort). Un moindre mal cela dit afin d’amener le spectateur à se pencher sur le travail d’un des plus grands artistes de ce monde, il en va aussi de son entreprise de reproduction des peintures. Si le résultat arrive globalement à retranscrire la fluidité et l’énergie qui transparaît dans les œuvres originales, on note un caractère assez arbitraire dans le choix d’animer ou non certaines parties des tableaux. Mais ces menus défauts ne représentent pas grand chose face à une œuvre si brillante et passionnée.

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