[Annecy 2017] Rudolph the Black Cat / Lost in the Moonlight / Ana y Bruno

Même pour les habitués du festival, il a fallu reconnaître que la sélection des long-métrages en compétition était cette année d’un très haut niveau. Peut-être à cause d’un contraste trop brutal, la sélection des long-métrages hors compétition a été considérée de son côté comme une source de désappointement. Il nous faut bien admettre que les quelques films vus dans cette catégorie ont été particulièrement décevants.

Loin d’être indispensable, Rudolph The Black Cat est probablement celui qui tire le mieux son épingle du jeu. Film d’animation japonais en images de synthèse réalisé par Mikinori Sakakibara et Kunihiko Yuyama, le long-métrage se fait on ne peut plus classique. On suit ainsi Rudolph, chat domestique qui s’égare loin de chez lui et va devoir apprendre la vie de la rue sous la protection d’un vieux briscard. Le schéma est traditionnel et le traitement n’échappe ni au sentimentalisme ni à l’humour infantile. On pourrait même reprocher une animation assez perfectible (les chats galopant donnent l’impression de planer dans le vide). Néanmoins, le résultat devient un divertissement plutôt plaisant grâce aux multiples efforts accomplis sur la mise en scène. En effet, les réalisateurs affichent une volonté relativement poussée pour faire ressentir la perception du monde par les yeux d’un chat. Action filmée à leur hauteur, jeux d’échelle, utilisation des perspectives… Tout un lot d’idées en lien avec les enjeux de l’histoire et donnant un minimum de saveur à un plat très commun.

On aurait bien voulu faire un constat similaire pour Lost In The Moonlight de la sud-coréenne Kim Hyun-joo. Lors de sa présentation, cette dernière affirmait vouloir exploiter le folklore de son pays et sensibiliser les jeunes à celui-ci. Force de reconnaître que son film offre un lot d’idées très intéressantes en terme de mythologie. On pense par exemple aux dieux de la montagne dont les corps évoluent selon la façon que les hommes traitent la terre. A l’instar du Lou Et L’île Aux Sirènes de Masaaki Yuasa précipitamment comparé à Ponyo Sur La Falaise d’Hayao Miyazaki, Lost in the Moonlight montre donc suffisamment d’identité pour ne pas être limité à un plagiat du Voyage De Chihiro. Toutefois, le film échoue totalement à articuler ses idées. La seule ouverture donne le sentiment de voir trois films différents débuter simultanément. Si plusieurs scènes sont réussies (le combat à l’arrivée dans le monde fantastique ou le périple dans une gigantesque bibliothèque vivante), il y a une incapacité à les relier pour proposer une histoire cohérente. On aurait pu voir là-dedans un désir d’élaborer un spectacle onirique et abstrait en mode Alice Au Pays Des Merveilles mais rien n’affirme une telle ambition. Au bout du compte, le travail de Kim Hyun-Joo ressemble un peu trop à son héroïne dans une scène du premier acte : participant à un spectacle musical, elle s’emballe sur une chanson et quitte son rôle pour laisser exploser son enthousiasme avec embarras. Le metteur en scène l’interrompt et lui demande de se concentrer un peu. Un peu plus de concentration sur son sujet et Lost In the Moonlight aurait pu éventuellement constituer un bon moment.

Film le plus intriguant de la sélection hors compétition, le mexicain Ana Y Bruno de Carlos Carrera a également déçu malgré des prémisses excellentes. Ana est une petite fille qui accompagne sa mère dans un hôtel. Elle découvre rapidement que l’établissement est en réalité un hôpital psychiatrique. Ce n’est pas la seule de ses surprises puisqu’elle va aussi constater que les hallucinations des pensionnaires prennent des incarnations physiques. Evocation de l’enfance par le prisme du fantastique tout en étant empreint de dureté, Ana Y Bruno se fait prometteur. Malheureusement, il prend par la suite un virage vers la banalité. La galerie de personnages correspondant aux hallucinations est une collection de sidekicks sans saveur. Quant à l’intrigue, elle préfère s’éloigner de l’ambiance dérangeante de l’asile pour partir dans une mécanique d’aventure vue mille fois. A tout ceci s’ajoute une utilisation pas toujours cohérente de son concept. Un regret d’autant plus amer que le scénario se permet un rebondissement certes prévisible mais n’en demeurant pas moins culotté. Il en va de même pour le visuel du long-métrage qui, derrière une animation faiblarde, comporte quelques séduisantes recherches esthétiques (notamment des éclairages inspirés du Caravage). Un gâchis en somme qui n’a pas su lever la malédiction sur les films hors compétition de cette année.

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